Les dégâts d’eau demeurent l’ennemi numéro un des assureurs de dommages, particulièrement ceux qui sont causés par les fuites qui surviennent en l’absence des occupants. Des systèmes existent pour prévenir ce sinistre et les assureurs reconnaissent leur utilité lors de la souscription. 

Pour une cinquième année, l’assureur Chubb a commandé un sondage mené en novembre 2021 auprès de 1 500 propriétaires et locataires aux États-Unis et au Canada. Les données ont été rendues publiques à la fin avril 2022. Quelque 20 % des répondants sont établis au Canada. La proportion de répondants qui sont propriétaires est de 75 %. 

Aux États-Unis, quelque 44 % des propriétaires disent avoir vécu un dégât causé par l’eau au cours des deux années précédentes. Cette proportion était de 27 % en 2020.

Les dégâts d’eau qui ne sont pas reliés des événements climatiques représentent 48 % des dommages à la propriété, selon les données tirées des réclamations de l’assureur. 

Les systèmes de détection des dégâts d’eau sont un bon moyen de prévention et sont reconnus par les assureurs, mais les consommateurs qui n’ont jamais connu ce genre de sinistre ne semblent pas le savoir. Selon le sondage de Chubb, seulement 26 % des répondants qui n’ont jamais subi ce sinistre ont installé un tel équipement dans leur domicile. 

Quelque 56 % des répondants américains et propriétaires ont installé un tel système dans leur résidence principale après avoir eux-mêmes été victimes d’un tel dégât ou encore à la suite d’un dégât d’eau subi par une connaissance.

Selon Chubb, cela montre que la majorité des propriétaires immobiliers installent cet appareil après avoir subi le sinistre, alors que ce système devrait d’abord être vu comme un moyen de prévention. L’assureur estime que le coût moyen d’une réclamation associée à un dégât d’eau est de 50 000 $ US. 

Prévention 

À l’Association canadienne de prévention des dégâts d’eau (PREVCAN), on rappelle qu’il existe des solutions de prévention aux dégâts causés par l’eau, lesquels sont la plus importante source de coûts de sinistre pour les assureurs, souligne Robert Demers lors d’une entrevue avec le Portail de l’assurance.

M. Demers est président fondateur d’Akisens, l’un des fabricants accrédités et membres fondateurs de PREVCAN, incluant la section québécoise, PREVDEQ

Les membres de ces associations ont regroupé leurs forces pour créer une norme commune qui certifie la qualité du produit et des systèmes offerts par les fabricants accrédités. Le Centre d’innovation en microélectronique du Québec (CIMEQ) a été mandaté pour attester que les produits analysés sont conformes aux normes de certification, par exemple le délai de fermeture de la valve d’eau lorsqu’il y a une alerte ou la période requise pour changer les piles du matériel. 

L’attestation du CIMEQ est reconnue par les assureurs membres de PREVCAN : Aviva, Desjardins, Intact, Northbridge et Promutuel

En réduisant les dommages causés par les dégâts d’eau, les syndicats de copropriété auront accès à des primes moins élevées et à des montants de franchise réduits, estime M. Demers.

« À Vancouver, on a vu des complexes de condos où la franchise demandée était de 200 000 $ ou de 300 000 $, parfois jusqu’à un million ou deux millions de dollars. Ça veut dire que chacun des copropriétaires doit cotiser dans un fonds de prévoyance pour supporter ce seul montant de franchise. C’est réellement problématique », dit-il. 

Un fléau 

Selon les données fournies par le Bureau d’assurance du Canada à PREVDEQ, les dégâts d’eau représentaient 39,5 % du coût des sinistres en assurance habitation en 2020. À titre de comparaison, les dégâts causés par le feu représentaient 33,5 % du coût des sinistres. 

Les contrats d’assurance comprennent une clause précisant que l’assuré doit fermer la valve d’eau du domicile s’il s’absente pour une période donnée, rappelle Robert Demers.

Pour qu’un tel système soit efficace dans un immeuble d’habitation, par exemple une tour à condominiums, toutes les unités doivent être dotées d’un système de détection d’eau, insiste M. Demers. 

« Souvent, on nous demande de faire des essais avant de généraliser l’installation, on veut commencer par deux ou trois unités. Nous refusons de le faire. On leur dit que la personne qui installe cela chez lui reçoit des remerciements du voisin du dessous, car ça le protège. Mais si celui qui est à l’étage supérieur n’est pas équipé du même matériel, ça ne règle pas le problème de risque de dégât d’eau pour celui qui a cet équipement », explique M. Demers.

Une plateforme 

Les ingénieurs et programmeurs d’Akisens ont développé un détecteur de mouvement. « Lorsque le propriétaire ou l’occupant laisse son logement, le système fait une vérification en continu. S’il ne détecte pas de mouvement pour une période préprogrammée, pour 12 ou 24 heures, un signal est envoyé à notre centre de commande. À distance, automatiquement, la valve d’eau est fermée », explique M. Demers. Le client reçoit une alerte sur son cellulaire. 

« Tous ceux chez qui nous avons installé des systèmes n’ont fait aucune réclamation à leur assureur », insiste Robert Demers. Le système du client est connecté à une plateforme de contrôle qui signale les problèmes et permet de les corriger.

Le système peut aussi activer la valve d’eau de manière périodique, ce qui est utile dans les logements ou locaux inoccupés. Dans les endroits où l’eau est plus dure, il peut y avoir de la formation de calcaire dans la tuyauterie, ce qui peut nuire au bon fonctionnement de la valve, précise M. Demers. 

La plateforme du fabricant fournit des statistiques utiles aux assureurs. Quatre alertes sur cinq provenant des propriétés équipées du système de détection sont reliées à des problèmes de connexion de la tuyauterie derrière le lave-vaisselle ou la lessiveuse. 

« Cela donne des indices pour les travaux de réparation ou de rénovation qui sont à faire dans l’immeuble. Quand les gestionnaires remettent cela à l’assureur, on peut voir que le problème a été ciblé, que l’action a été prise et que le système montre que tout fonctionne adéquatement », indique Robert Demers. 

Des données 

Le système fournit ainsi de l’information aux administrateurs du syndicat de copropriété et aux gestionnaires, lesquels « ne sont pas toujours des experts de la maintenance de ces immeubles. Quand on peut leur fournir des données, ils peuvent prévoir les sommes à injecter dans le fonds de prévoyance pour les travaux de maintenance à faire. Par exemple, changer le chauffe-eau », dit-il. 

Si le propriétaire ne donne pas signe de vie ou ne réalise pas le geste réclamé par l’alerte, le centre de contrôle peut aviser le syndicat ou le gestionnaire de l’immeuble afin que l’action requise soit exécutée. « S’ils ne sont pas habilités à le faire, quelqu’un d’autre peut le faire pour eux », souligne Robert Demers. 

L’association prépare des sessions de formation, au début de 2023, axée sur la prévention des dégâts d’eau qui sont destinées aux entreprises de construction, aux gestionnaires des syndicats de copropriété et aux courtiers d’assurance. « Les fabricants membres de PREVCAN en installent des milliers dans les nouvelles habitations », note Robert Demers.

De plus en plus souvent, dans les nouvelles constructions, les firmes d’ingénierie et les constructeurs immobiliers prévoient cet équipement dans leur budget et installent les valves durant la construction. « Une transformation est en train de se faire », conclut M. Demers. 

Nouvelle demande 

Par ailleurs, l’Association québécoise des gestionnaires de copropriété (AQGC) a redemandé une modification de l’article 1074.2 du Code civil du Québec relativement à l’indemnisation des sinistres en copropriété, comme elle l’avait déjà fait en déposant une pétition à l’Assemblée nationale en mars 2022. 

Selon le communiqué du 11 octobre de l’AQGC, les problèmes liés à la franchise d’assurance font en sorte que les tribunaux sont engorgés par des litiges, ce qui crée un climat conflictuel au sein de nombreuses copropriétés. 

« Les syndicats sont obligés d’alimenter un fonds d’autoassurance qui se vide souvent plus vite qu’il ne se remplit, à cause de changements législatifs mal rédigés survenus en décembre 2018 », souligne Élise Beauchesne, présidente de l’AQGC. 

Elle ajoute qu’en raison des impacts du projet de loi 16, qui a entraîné « de nouvelles obligations nécessaires, mais coûteuses », les frais de condo augmentent en même temps que l’inflation et les frais d’exploitation des immeubles. 

Une décision* rendue à Montréal le 25 mai dernier par le juge Éric Couture, de la division des petites créances de la Cour du Québec, est actuellement l’objet d’un pourvoi devant la Cour supérieure. L’interprétation de l’article 1074.2 du Code est au cœur de la contestation.

« Suivant ce jugement, les clauses standard figurant dans les déclarations de copropriété, incluant dans les modèles émis par la Chambre des notaires du Québec tenant un propriétaire responsable des faits de son locataire, seraient susceptibles d’être réputées non écrites, c’est-à-dire pratiquement inapplicables », indique l’AQGC. 

Un avocat et administrateur de l’AQGC estime que cette question relève de la juridiction de la Cour supérieure, car le litige concerne des clauses dont la valeur n’est pas limitée à 15 000 $. Cette valeur est indéterminée, car elle est susceptible de s’appliquer à tout sinistre.

L’AQGC estime que l’article 1074.2 tel que modifié en 2018 a créé des conséquences désastreuses. « Que reste-t-il aux syndicats pour responsabiliser les copropriétaires à la prévention des sinistres s’ils ne sont jamais tenus responsables ? », ajoute l’association. 

*2022 QCCQ 3594, Syndicat des copropriétaires TOD 1 c. Xu. 

Cet article a été modifié le 14 décembre 2022 avec quelques précisions apportées par notre principale source concernant PREVCAN et CIMEQ.