La Cour supérieure du Québec ordonne à Échelon Assurance de prendre fait et cause et d’assumer la défense d’une société de transport visée par un recours intenté par un autre assureur.
Le tribunal accorde la requête de type Wellington, faite conformément en vertu de l’article 2503 du Code civil du Québec. La requête a été soumise par la société Les Entreprises Transkid, laquelle est visée par un recours subrogatoire intenté par Intact Compagnie d’assurance, qui assurait le contenu entreposé dans deux remorques du transporteur.
Les deux remorques ont été volées le 1er novembre 2020 dans la cour du transporteur à Dorval, dans la région de Montréal. Le contenu était de la marchandise détenue par la société Imports Dragon, une distributrice de jeux et de jouets.
Selon Intact, le transporteur avait la garde des marchandises et agissait à titre de dépositaire. Transkid aurait omis de prendre les précautions nécessaires pour prévenir le vol. Ce crime a empêché le transporteur de remettre la marchandise au distributeur.
Le transporteur présente une demande de type Wellington à l’encontre d’Échelon. L’assureur plaide que la police ne couvre manifestement pas la perte alléguée, car seule la responsabilité de Transkid comme transporteur est couverte.
Dans le présent litige, il s’agit plutôt d’un contrat d’entreposage. De son côté, la défenderesse estime qu’il existe minimalement une possibilité que la police d’assurance civile et commerciale couvre le sinistre.
Le 4 janvier dernier, la juge Marie-Paule Gagnon, du district de Québec de la Cour supérieure, a accordé la requête et ordonne à Échelon de rembourser Transkid pour les frais déjà encourus pour sa défense.
Les motifs
L’analyse du tribunal porte sur l’obligation de défense prévue à l’article 2503 du Code civil et les dispositions de la police d’assurance. La seule possibilité qu’une réclamation relevant de la police puisse être accueillie suffit à déclencher l’obligation de défendre.
La juge Gagnon ajoute que le tribunal doit se garder d’entreprendre un débat sur le fond et, s’il peut considérer la preuve extrinsèque, celle-ci doit être sommaire.
La Cour suprême du Canada a établi l’ordre à respecter dans l’interprétation d’une police d’assurance : la protection, les exclusions et les exceptions. Les dispositions concernant la protection reçoivent une interprétation large tandis que les clauses d’exclusion sont interprétées de manière restrictive.
Il existe quatre possibilités pour le tribunal qui analyse la demande de type Wellington et une seule d’entre elles libère l’assureur de son obligation de défendre, soit lorsque la réclamation ne relève clairement pas de la couverture accordée ou est spécifiquement exclue. Or, Transkid fait valoir qu’il y a une possibilité de couverture de la police pour la valeur des marchandises volées.
La preuve sommaire
Transkid est poursuivie pour sa responsabilité contractuelle. La demande introductive d’instance est soutenue par le rapport d’incident et le rapport complémentaire du Service de police de la ville de Montréal.
On y rapporte que les deux remorques étaient stationnées au quai de chargement de la défenderesse. Les marchandises distribuées par Imports Dragon étaient des figurines pour enfants qui devaient être livrées dans plusieurs grands magasins de détail. La valeur de la marchandise était estimée à 50 000 $, soit 25 000 $ par remorque.
La marchandise est livrée chez Transkid dans des boîtes identifiées au nom du fabricant. Le transporteur s’occupe de l’emballage pour ensuite l’expédier par lots aux divers commerçants. Selon le tribunal, la preuve extrinsèque confirme que la relation entre Transkid et Imports Dragon implique aussi du transport de marchandises, et non seulement de l’entreposage. Cette activité est transitoire dans l’attente d’une livraison chez un marchand.
La garantie de la police d’assurance globale des transporteurs comprend la garantie des biens transportés par camion, qui prend fin une fois la marchandise déchargée au lieu de destination prévu. Les remorques ayant été volées aux quais de chargement du transporteur, selon le rapport de police, le tribunal estime raisonnable de déduire que la marchandise était sur le point d’y être entreposée ou d’être livrée.
Échelon fait valoir que Transkid n’est pas couverte pour les activités d’entreposage et que la garantie « assurance des marchandises » s’applique lorsque les biens sont en cours d’expédition.
Selon le tribunal, Échelon occulte le fait que l’assurance couvre explicitement les biens du chargement jusqu’au déchargement, en cours normal de transport, mais aussi lorsque les véhicules sont dans un terminal. Il est donc possible que l’assurance s’applique suivant la preuve qui sera administrée au procès.
Comme le vol est survenu alors que la police est en vigueur et la garantie est susceptible d’être applicable, Transkid satisfait les exigences de l’article 2503, car la perte peut relever de la protection d’assurance.
Pas d’exclusion explicite
Il incombe ensuite à Échelon de démontrer que la protection est écartée en raison d’une exclusion claire au contrat. Le chapitre II de la garantie des marchandises transportées par camion prévoit une exclusion pour « les biens entreposés en vertu d’un récépissé d’entrepôt ou d’un autre contrat d’entreposage écrit ».
Les parties n’ont soumis aucun contrat d’entreposage. Des factures d’entreposage soumises par Transkid à Imports Dragon sont-elles considérées comme un récépissé ? Sans le témoignage des parties concernées, rien ne permet à la cour d’établir un lien entre ces factures d’entreposage et la marchandise volée. Le tribunal estime que cette preuve devra être faite au procès.
Plus encore, même si le tribunal avait conclu à l’existence d’un contrat d’entreposage, la preuve soumise à l’étape de la requête Wellington « ne permet pas d’établir que les marchandises dans la remorque de transport n’étaient pas chargées pour les fins d’un transport ou sur le point d’être déchargées pour l’entreposage allégué ». L’assureur n’a pas démontré que la clause d’exclusion s’applique de manière non équivoque. Le doute bénéficie toujours à l’assurée.