Bien lire et comprendre la police d’assurance est toujours une bonne idée, surtout dans un litige concernant des vices cachés. Le propriétaire d’un immeuble qui poursuit les vendeurs et son assureur a pu le constater à l’été 2024. 

Le procureur Jonathan Lacoste-Jobin a résumé le litige lors du webinaire tenu par le cabinet Lavery sur la jurisprudence récente en droit des assurances, le 26 février 2025. 

Dans ce jugement rendu en Cour supérieure du Québec le 10 septembre 2024 par la juge Catherine Martel, du district de Laval, L’Unique Assurances générales est poursuivie à titre d’assureur des vendeurs d’un immeuble affecté de vices cachés.

Le jugement rendu par tribunal ne fait que trancher la demande en rejet soumise par l’assureur. La preuve soumise est préliminaire à ce stade de la procédure. 

Des travaux 

En décembre 2020, les défendeurs Marie-Ève Moreau et Francis Pépin vendent un immeuble locatif à Laval au demandeur Patrick Thompson. Avant la vente, les défendeurs ont réalisé d’importants travaux d’agrandissement et de réfection de l’immeuble, entre 2016 et 2018. 

Les travaux ont été effectués par M. Pépin ou par des sous-traitants retenus par ce dernier, ou encore par la défenderesse Construction Maxis, une société détenue par le couple de vendeurs. Au moment des travaux, la responsabilité civile des propriétaires est assurée par L’Unique.

Le contrat a toutefois été annulé le 26 juillet 2019, soit après les travaux, mais avant la vente et la découverte de vices cachés. 

Le même assureur assure également Construction Maxis, mais en vertu d’une autre police, mais la responsabilité potentielle de l’assureur en vertu de ce contrat ne fait pas partie du présent jugement. 

En mars 2022, le nouveau propriétaire découvre une infiltration d’eau dans l’un des logements situés au sous-sol de l’immeuble. Il fait parvenir plusieurs avis successifs aux défendeurs pour dénoncer l’existence de divers problèmes affectant le bâtiment. 

Un rapport d’expertise réalisé en octobre 2022 confirme les problèmes d’infiltration et les explique en raison de plusieurs défectuosités dans la conception et la construction.

Le demandeur intente son recours contre les vendeurs en mars 2023 en se fondant sur la garantie contre les vices cachés. La demande introductive d’instance est modifiée en septembre 2023 pour y ajouter Construction Maxis et L’Unique.

Le demandeur allègue que les défendeurs sont responsables des vices cachés et des malfaçons, notamment au niveau de la structure, de l’isolation et de la maçonnerie. Les dommages matériels subis sont évalués à 226 565,09 $, ce qui correspond au coût estimé des travaux de réfection. Le demandeur réclame aussi une indemnité de 90 000 $ pour la relocalisation des locataires pour la durée approximative des travaux. Un montant de 15 000 $ est ajouté pour les dommages moraux causés par les troubles et inconvénients. 

Trois motifs de refus 

Selon Me Lacoste-Jobin, il est quand même curieux que les défendeurs dans ce litige soient aussi entrepreneurs en construction, alors que l’assureur au dossier est poursuivi uniquement pour la responsabilité civile des vendeurs, et non pas pour la couverture offerte à la firme de construction. 

L’avocat explique les trois motifs de refus soumis par l’assureur dans sa demande de rejet. Le premier motif invoqué par L’Unique est que la police n’était plus en vigueur au moment de la vente et de la découverte des infiltrations d’eau.

À cet égard, le tribunal indique qu’à première vue, les dommages causés par les infiltrations d’eau sont des dommages matériels couverts par la police. Quant à savoir si ces dommages résultent d’un sinistre survenu durant la période de couverture, il s’agit d’une question de faits à trancher par le juge au procès. 

Le deuxième motif concerne l’article 2465 du Code civil du Québec, qui prévoit que les vices cachés ne sont pas couverts par l’assurance en responsabilité civile. « Par contre, les conséquences le sont. Donc, l’inondation ou les infiltrations d’eau qui découlent du vice pourraient être couvertes par la police d’assurance », explique Me Lacoste-Jobin, en ajoutant que dans le doute, le juge doit favoriser le maintien de l’action. 

Les deux premiers motifs de refus sont rejetés par le tribunal, car il estime que la preuve soumise ne permet pas à ce stade préliminaire de déterminer que la poursuite est mal fondée. « Seule une analyse factuelle menée au terme d’un débat contradictoire complet permettra de déterminer si ces moyens sont bien fondés », indique la juge Martel. 

L’exclusion au contrat 

Enfin, la réclamation serait visée par les exclusions prévues dans la police d’assurance, avance L’Unique, et ce troisième motif est retenu en partie à propos du coût des travaux correctifs. L’avocat de Lavery indique que ce type d’exclusion est courant dans les polices en responsabilité (CGL) en assurance des entreprises, mais qu’on voit cela moins souvent dans une police d’assurance habitation. 

La clause d’exclusion dans la police prévoyait que ces dommages matériels au lieu vendu par l’assuré et qui surviennent du fait de tout ou d’une partie de ceux-ci sont exclus. Là-dessus, le tribunal conclut que l’exclusion pose un obstacle au demandeur concernant les dommages liés aux travaux correctifs. 

Il y a une exception à l’exclusion si les travaux ont été effectués par l’assuré ou un sous-traitant. Mais elle ne s’applique pas si ces travaux sont déficients, défectueux ou inadéquats, et cette allégation est au cœur de la demande introductive d’instance soumise par l’acquéreur. 

Par contre, le tribunal précise qu’il ignore si L’Unique est responsable des travaux correctifs en vertu de la police émise en faveur de Construction Maxis. Ce chef de réclamation est cependant non fondé pour la police d’assurance habitation émise en faveur de Mme Moreau et M. Pépin. 

Par contre, le tribunal conclut « que les autres réclamations comme les frais de relocalisation et les dommages-intérêts pourraient quant à eux être couverts malgré cette exclusion, parce que ce ne sont pas des dommages matériels au lieu loué », explique Me Lacoste-Jobin.

L’action pourra se poursuivre contre l’assureur pour ces autres réclamations, car la preuve de la responsabilité pour faute intentionnelle des défendeurs doit se faire au procès.