David Alexandre Brassard

L’effet Trump pèse sur l’économie canadienne en ce début de 2025. Le spectre des tarifs planait déjà en décembre 2024, après les propos de celui qui deviendra ce lundi 20 janvier le 47e président des États-Unis. Comme plusieurs autres experts, l’économiste en chef de CPA Canada, David-Alexandre Brassard, avait appelé la Banque du Canada à abaisser une fois de plus son taux d’intérêt le 11 décembre. Il faisait valoir un contexte marqué par les menaces de tarifs douaniers et une hausse du taux de chômage. 

« Une baisse de taux de 50 points de base allégerait les contraintes qui pèsent sur l’économie et nous aiderait à affronter les difficultés économiques à l’horizon », avait affirmé M. Brassard. La Banque du Canada a suivi ce chemin, ramenant son taux directeur à 3,25 % le 11 décembre. Elle prévoit faire une autre annonce du taux directeur le 29 janvier. 

Concentration de richesse 
Sébastien Mc Mahon

Du côté des marchés financiers, des tendances se profilent dans les choix d’investissement. À la conférence web Perspectives des marchés 2025, organisée par le Cercle finance du Québec le 15 janvier, Sébastien Mc Mahon a souligné que « beaucoup de richesses se concentrent dans quelques titres boursiers ». 

Vice-président, répartition d’actifs, à iA Gestion mondiale d’actifs (iAGAM), et stratège en chef, économiste sénior et gestionnaire de portefeuilles d’iA Groupe financier, M. Mc Mahon a animé cette conférence à laquelle étaient invités François Bourdon, associé directeur du gestionnaire de placements responsables Nordis Capital, et Jules Boudreau, économiste principal de Placements Mackenzie.  

François Bourdon estime que l’indice S&P 500 devrait baisser en 2025, en raison des valorisations élevées, en termes du ratio cours-bénéfice de grandes entreprises telles qu’Apple, Walmart, Costco et Carrefour, pendant français d’Amazon. « Elles n’ont pas les résultats qui justifient une croissance exceptionnelle », dit M. Bourdon.

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Francis Gingras Roy a dit ne pas s’inquiéter outre mesure de la valorisation des titres américains. Le conseiller en placements principal de la succursale Diligence Gestion de Patrimoine, de Patrimoine Manuvie, estime que le marché américain des actions surpassera celui du Canada et des marchés internationaux. 

Francis Gingras Roy

M. Gingras Roy souligne toutefois que le dollar américain demeure très cher pour les investisseurs canadiens. Au moment d’écrire ces lignes le 17 janvier, le dollar canadien équivalait à 0,69 dollar américain. « Si on oublie le côté devise, on suggérerait d’être surpondéré. Mais si on inclut le jeu de la devise, cela coûte cher pour acheter des actions américaines. On perd 40 % sur le change pour les convertir en dollars canadiens », dit-il. 

Les fonds de couverture qui prémunissent les investisseurs du risque de taux de change lui apparaissent comme une alternative. La fluctuation des devises n’influence pas le rendement de ces fonds, précise-t-il. « Ce peut être une bonne façon de s’exposer au marché américain », pense-t-il. 

Petites capitalisations 

Selon François Bourdon, les marchés confirmeront la revanche des titres négligés, soit ceux qui composent l’indice MSCI EAEO, et les actions à petites capitalisations. Les secteurs industriels et de l’énergie, notamment l’électricité, seront favorisés. « Il y aura beaucoup d’acquisitions du côté américain », ajoute l’associé directeur de Nordis Capital. 

Julian Abdey

À Capital Group, le gestionnaire de portefeuille d’actions Julian Abdey est aussi d’avis que les petites capitalisations auront la cote. Dans un récent bulletin de Capital Group intitulé Où envisager d’investir lorsque les taux d’intérêt baissent, M. Abdey soutient que la valorisation des actions à petite et moyenne capitalisation demeure attrayante par rapport à celle des titres de grandes capitalisations.

Les actions à petite et moyenne capitalisation sont celles d’entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure ou égale à 20 G$ US, selon les balises de Capital Group. En raison de la baisse des taux d’intérêt, le gestionnaire croit que les entreprises devraient bénéficier de la baisse des coûts d’emprunt. « La baisse des taux d’intérêt profite généralement à certaines entreprises à petite et moyenne capitalisation, comme celles du secteur de la biotechnologie, et je pense que l’on pourrait assister à un élargissement au-delà d’une poignée d’actions technologiques », explique Julian Abdey.

Il croit toutefois que les investisseurs devront se montrer sélectifs, et y va d’une suggestion. « Des entreprises comme Hammond Power Solutions continuent de jouer un rôle clé dans l’infrastructure de l’intelligence artificielle. La réindustrialisation nord-américaine offre toujours des opportunités significatives pour les manufacturiers », observe M. Abdey. Basé en Ontario, HPS est l’un des plus grands fabricants de transformateurs magnétiques en Amérique du Nord.

Obligations corporatives  

Damien McCan

Émises par les entreprises, les obligations à haut rendement continuent d’offrir des rendements attrayants, selon Capital Group. Leurs taux avoisinent les 7 %, ajoute la firme de gestion. Les entreprises ont généralement bien géré leur dette pendant la période de taux élevés, avec des taux de défaut prévus faibles, observe-t-elle. 

 « Dans l’ensemble, les entreprises ont fait état de bénéfices solides et leur niveau d’endettement reste raisonnable », explique Damien McCann, gestionnaire de portefeuille pour le Fonds Capital Group revenu multisectoriel.

En comparaison aux obligations du Trésor américain, M. McCann croit que les investisseurs peuvent encore profiter de rendements plus élevés offerts par les obligations d’entreprise de qualité investissement (cote égale ou supérieure à BBB- ou Baa3) et à rendement élevé. 

Le feu est éteint 

Placements Mackenzie se fera plus tactique à court terme en 2025, annonce Jules Boudreau. M. Boudreau dit que le feu est éteint, en faisant allusion à la forte croissance des marchés boursiers en 2024. L’économiste prévoit un « retour vers le neutre en actions ». Il mentionne la valorisation élevée des actions américaines. « Nous sommes surpondérés en obligations au niveau de la durée. Nous croyons que les obligations à long terme offrent des occasions aux États-Unis », expose-t-il. 

« En 2025, le risque de récession devient beaucoup plus clair, avec la perspective de tarifs agressifs », ajoute l’économiste en chef de Placements Mackenzie. Il dit toutefois être dans le camp de ceux qui prévoient « l’absence d’une récession » cette année. « Nous nous attendons à une croissance solide en 2025, mais moindre que ce qu’elle a été les années précédentes », explique Jules Boudreau. 

« L’Économie canadienne a battu de l’aile l’an dernier et nous croyons que ce sera encore le cas cette année, affirme de son côté Francis Gingras Roy. C’est au Canada que les taux d’intérêt ont le plus baissé. Le côté obligations du portefeuille sera de moins en moins payant. » M. Gingras estime toutefois important pour les investisseurs à l’aube de la retraite de conserver une portion de leur portefeuille en titres à revenu fixe. Elle leur permettra de décaisser sans avoir à liquider des actions dans un environnement boursier à la baisse.