Les marchés financiers pourraient connaitre une reprise plus rapide que l’économie. Les signes de cette reprise en « V » abondent, même si les investisseurs doivent actuellement composer avec une volatilité sans précédent. Les économistes prévoient toutefois des jours plus sombres pour l’économie.

Le premier trimestre a montré la volatilité la plus élevée depuis la crise financière de 2008, signale Albert Ngo, gestionnaire principal de portefeuille de Placements Empire Vie. Bien que l’ampleur de la liquidation actuelle n’ait pas été aussi considérable que lors de la dernière crise, son rythme est presque deux fois plus rapide, note M. Ngo dans un blogue publié le 15 avril 2020.

« En deux semaines seulement, nous avons vu les écarts des obligations de sociétés passer de creux historiques à des sommets cycliques. Dans ce type de marché, aucun secteur n’y échappe, peut-être sauf les obligations d’État, qui ont servi d’assurance, comme elles le devaient », dit-il. « Les obligations de sociétés de première qualité ont chuté de 3 %; les obligations à rendement élevé de 13 %; les actions privilégiées canadiennes de 25 % et les actions de près de 35 %. Il s’agit des pertes les plus lourdes dans un délai de deux semaines », observe le gestionnaire principal.

Albert Ngo ne croit pas à un retour de 2008. « Le fonctionnement ou la solvabilité du système financier n’est pas remis en question. Au premier trimestre, nous avons plutôt vécu deux chocs externes d’envergure, soit la pandémie de COVID-19 et la guerre des prix du pétrole entre la Russie et l’Arabie saoudite », écrit-il.

Liquidation exacerbée

Selon le gestionnaire, ces évènements ont déclenché une liquidation exacerbées par deux facteurs : la croissance de l’argent rapide en raison des fonds négociés en bourse et des négociations par algorithmes dans les marchés du crédit; et le manque temporaire de liquidités alors que plusieurs participants se sont empressés de lever des liquidités au même moment.

À propos de cette liquidation, Clément Gignac rappelle que le marché baissier s’est déployé très rapidement, avec la baisse la plus rapide de l’histoire, soit 30 % en quelques sessions dans l’ensemble des marchés à travers le monde. Dans un wébinaire organisé par CFA Québec et présenté le 22 avril 2020, le vice-président principal et économiste en chef d’iA Groupe financier n’en prévoit pas moins une reprise en V pour les marchés financiers.

Reprise soutenue

L’économiste note que des actifs comme les obligations gouvernementales à long terme et l’or font bien. « J’ai surpris les gens en parlant d’une reprise en V à la mi-mars, mais depuis quelques semaines, les indices ont déjà récupéré à peu près la moitié de ce qu’ils avaient perdu. Je ne prévois pas que tout soit récupéré en trois mois mais la rapidité de la reprise pourrait surprendre. » M. Gignac fait allusion à l’indice MSCI World qui a connu le recouvrement le plus rapide de l’histoire des marchés baissiers, selon les données de Goldman Sachs Investment Research.

Cette reprise est selon lui soutenable et il estime que Wall Street est bien positionné pour l’après COVID-19, avec la forte concentration du marché américain dans les technologies de l’information (25,5 %) et les soins de santé (15,4 %). M. Gignac Il prévoit croit que la période actuelle bénéficie grandement à l’innovation dans le secteur de la technologie. Après COVID-19, l’économiste en chef d’iA croit que la gestion active prendra toute son importance.

De son côté, Albert NGO voit se profiler des occasions. « Comme les écarts sont passés de creux historiques à des sommets cycliques, nous constatons de nombreuses occasions attrayantes d’investir dans de bonnes entreprises dotées de bilans et d’équipes de gestion solides à des valorisations que nous n’avions pas vues depuis la crise financière. Des occasions de la sorte ne se présentent pas souvent », estime le gestionnaire de Placements Empire Vie.

Reprise plus lente de l’économie

La reprise de l’économie sera plus longue que celles des marchés financiers, prévoit Clément Gignac. Inspirée par un ralentissement des cas de COVID-19, la réouverture graduelle de certaines économies en Asie et en Europe se superpose toutefois à des effondrements liés au confinement.

Le monde assiste à l’effondrement de l’économie et des prix du pétrole; la demande mondiale de l’or noir a chuté de 20 % à 25 %. De son côté, le Canada a perdu un million d’emplois. Il parle d’une reprise en U plutôt qu’en V pour l’économie, car des secteurs resteront fermés plus longtemps lors de la reprise graduelle, dont la restauration et le tourisme. Dans son scénario le plus optimiste, M. Gignac pense que l’économie pourrait retourner au niveau d’activité d’avant la crise d’ici 15 à 18 mois.

« Cette contraction est substantielle mais sera temporaire », modère toutefois M. Gignac. Les déficits budgétaires seront aussi temporaires, puisque ces budgets sont grevés par les mesures exceptionnelles prises par les gouvernements. Il signale que le Canada est l’un des pays du G-20 qui intervient le plus pour soutenir l’économie, avec un stimulus qui atteint à ce jour 10 % de la valeur du PIB contre en moyenne 7,5 % pour l’ensemble des pays de ce regroupement.

Contrairement aux récessions traditionnelles, la contraction économique en période COVID-19 a été décidée par les autorités ajoute l’économiste. « C’est à une fermeture de l’économie à laquelle nous assistons, ce qui est complètement différent des cycles précédents », dit-il. M. Gignac rappelle que les autorités fiscales et monétaires des pays du G-20 se sont engagées à faire tout en leur pouvoir pour vaincre le coronavirus et pour éviter une récession comme celle des années 30.

Dommages permanents…

Un sondage de l’Association des économistes québécois montre que la pandémie inquiète les économistes quant à la survie des entreprises. À ce sondage réalisé du 9 au 17 avril en collaboration avec Raymond Chabot Grant Thornton, 68,9 % ont répondu que des dommages importants et permanents pourraient survenir si les activités économiques non essentielles ne reprennent pas d’ici deux à trois mois. Ils évoquent entre autres la fermeture définitive d’entreprises.

« Alors que l’arrêt a été décrété par le gouvernement du Québec il y a plus d’un mois, on remarque que 21 % des répondants considèrent que les dommages sont déjà importants et seront permanents sur l’économie », affirme l’association.

Il ressort aussi du sondage que la pandémie entrainera un endettement accru, lequel affectera le potentiel de croissance de l’économie. L’endettement accru des gouvernements pourrait affecter la fourniture des services futurs ou sur le fardeau fiscal des contribuables, signale aussi le sondage. « Un recul de la mondialisation des échanges pourrait également être une conséquence notable de la pandémie », ajoute l’association.

… Mais optimisme maintenu

Parmi les répondants au sondage de l’Association des économistes québécois, 39,2 % croient que l’économie du Québec retrouvera graduellement son niveau d’avant la pandémie en moins d’un an, « même si 38,5 % des répondants croient que l’économie restera plutôt stagnante pendant deux à trois trimestres après la forte contraction », indique le sondage.

Les répondants estiment que la reprise de l’activité économique mondiale (28,4 %), l’accélération des investissements en infrastructures (21,6 %) et un programme d’incitation à l’investissement pour les entreprises (14,2 %) assureront une reprise rapide de l’économie.
À la lumière des résultats du sondage, le président du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois, Yves St-Maurice, croit que l’économie du Québec pourrait stagner pendant un ou deux trimestres après une forte contraction. Selon lui, elle pourrait probablement subir des dommages importants et permanents. Toutefois, M. St-Maurice signale qu’il y a lieu de rester optimiste, car plusieurs répondants croient que l’économie reviendra à son niveau d’avant crise en moins d’un an.

Valeur ajoutée des conseillers

En ces temps de volatilité et d’incertitude économique, les clients ont besoin d’être rassurés. Parlez à vos clients des aspects qualitatifs de leurs investissements, dit pour sa part Ian Kerr, directeur principal du développement des affaires de BMO, dans un wébinaire offert par IDC World Insurance Network à ses conseillers.

« Vos clients comprennent les haut et les bas du marché, mais vous devez leur parler de quelques aspects qualitatifs. Pourquoi ont-ils acheté des fonds distincts. Quelques fois, il peut ne pas s’agir des rendements mais seulement d’une conversation autour de quelques attributs de leurs investissements. Parfois, ils veulent seulement être rassurés », croit M. Kerr.

Le directeur principal du développement des affaires de BMO invite les conseillers à contacter leurs clients, anxieux de communiquer en cette période de confinement. Le marché actuel crée aussi une excellente occasion pour le conseiller de revoir les actifs de son client. C’est selon M. Kerr un moment idéal pour le conseiller d’offrir une seconde opinion sur la partie des actifs que son client ne lui a pas encore confié.