Un rapport sur l’offre de produits d’assurance par l’entremise des concessionnaires de véhicules au Québec montre que la situation a peu évolué et que les mêmes enjeux ciblés les années précédentes sont toujours présents. 

Le Rapport d’analyse des divulgations 2020-2022 des assureurs sur la distribution sans représentant a été récemment publié. Le rapport, qui étudie l’offre de produits d’assurance par l’entremise de concessionnaires d’automobiles, de véhicules récréatifs et de véhicules de loisir au Québec, a été rendu public le 11 septembre dernier par l’Autorité des marchés financiers.

On y souligne que les données divulguées par les assureurs n’ont pas été l’objet d’une vérification de la part de l’Autorité ou d’une vérification indépendante. Un rapport similaire avait été publié pour l’année 2019 et un autre couvrant la période 2016-2018. 

Dès l’introduction, on lit que « l’Autorité demeure préoccupée par les pratiques commerciales ayant cours dans ce marché. Dans le contexte de l’offre par l’entremise de concessionnaires, les assureurs devraient se référer à la Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales et à la Ligne directrice sur la gestion des incitatifs afin de connaître les attentes de l’Autorité ». 

Deux produits 

Les concessionnaires se qualifient comme distributeur sous le régime de la distribution sans représentant, ce qui leur permet d’offrir des produits d’assurance reliés à la vente et à la location de véhicules et au financement de ces opérations. 

En pratique, les deux produits vendus dans ce contexte sont le produit d’assurance sur la vie, la santé et la perte d’emploi du débiteur (VSPED) et l’assurance de remplacement (F.P.Q. no 5). 

Les données compilées par l’Autorité ont été divulguées par les assureurs aux printemps 2021, 2022 et 2023. Le rapport reflète le contexte particulier de la pandémie de COVID-19 durant lequel les ventes ont baissé du côté des concessionnaires.

En 2022, quelque 135 000 consommateurs ont payé un peu plus de 338 millions de dollars (M$) en primes. Les produits VSPED ont rapporté des primes totalisant 190 M$ et les ventes de l’assurance de remplacement ont été de 148 M$ en 2022. 

Quelque 2 200 concessionnaires se sont ainsi partagé plus de 170 M$ en rémunération. Par ailleurs, quelque 50 M$ ont été versés en indemnités à un peu plus de 12 000 consommateurs. 

Les mêmes constats 

Dans la conclusion, l’Autorité constate que malgré ses nombreuses interventions, les enjeux observés au fil des années et recensés dans les deux précédents rapports perdurent. Ainsi, l’Autorité répète les mêmes quatre constats que ceux du précédent rapport publié en octobre 2020 : 

  • des niveaux de rémunération préoccupants pour le réseau de distribution puisqu’ils représentent une partie substantielle des primes payées par les consommateurs ;
  • une valeur ajoutée limitée pour le consommateur dans le cas du produit F.P.Q. no 5 ;
  • un taux de refus des demandes d’indemnisation qui est deux fois plus élevé pour le produit VSPED vendu par les concessionnaires par rapport à celui vendu par des institutions financières (voir tableau ci-dessous) ;
  • des problèmes reliés au remboursement de prime en cas de résiliation de la police.

L’assurance VSPED 

Pour le produit VSPED, les certificats émis n’étaient plus que 72 243, en baisse de 18 % par rapport aux quelque 88 930 certificats émis en 2020. Dans le précédent rapport de l’Autorité, on rapportait qu’en 2019, quelque 111 630 certificats avaient été émis pour le produit VSPED. 

Durant la période analysée, le volume de primes souscrites s’est à peu près maintenu à environ 190 M$. Comme le nombre de certificats émis a baissé, le coût moyen de la prime, qui était de 2 143 $ en 2020, a atteint 2 626 $ en 2022. 

La valeur moyenne des indemnités versées, qui était de 4 657 $ en 2020, est passée à 5 307 $ en 2022. 

Le plus gros joueur dans la vente du produit VSPED demeure l’Industrielle Alliance assurance et services financiers, qui détenait 63 % du marché en 2022, suivi par Beneva (23 %) et la Corporation d’assurance First Canadian (11 %). 

Le rapport compare la rémunération des concessionnaires pour les produits VSPED, qui était de 54 % en 2022, et le taux moyen de rémunération des autres établissements financiers qui peuvent offrir le même produit en mode de distribution sans représentant, lequel atteignait 12 % en 2022.

La garantie de remplacement 

Pour le produit F.P.Q. no 5, le nombre de polices émises, qui était de près de 63 000 en 2020, a été de 63 980 en 2022. Le coût moyen de la prime était de 2 323 $ en 2022. Quelque 23,1 M$ ont été versés en indemnisations à 6 607 consommateurs en 2022. La valeur moyenne de l’indemnité était à peu près la même en 2022, à 3 506 $, comparativement à 2 020, où elle était de 3 486 $. 

En comparant la valeur du coût moyen de la prime et la valeur moyenne de l’indemnisation, l’avantage moyen reçu par les réclamants n’était que de 1 183 $ en 2022, en baisse par rapport à un avantage moyen de 1 628 $ en 2021. 

Pour la F.P.Q. no 5, la rémunération moyenne des concessionnaires est restée relativement stable entre 2020 et 2022, atteignant 45 %. Le taux moyen de rémunération des représentants certifiés n’est pas divulgué pour 2022, mais en 2021, ce taux variait entre 11 % et 13 % au Canada. 

Pour ce produit, Industrielle Alliance Pacifique, compagnie d’assurances générales détient 70 % du marché, contre 19 % pour Beneva. La Corporation d’assurance Millennium (7 %) et La Souveraine, compagnie d’assurance générale (4 %) se partagent le reste du marché. 

Pratiques commerciales 

« L’Autorité considère que le taux de rémunération des concessionnaires devrait tendre vers celui des produits similaires et dont le service rendu est comparable », lit-on en page 12 du rapport. Selon l’organisme réglementaire, le taux observé dans le contexte de l’offre par l’entremise de concessionnaires est susceptible d’induire de mauvaises pratiques de vente

Les pratiques commerciales de certains concessionnaires sont jugées inadéquates. Ainsi, il y a encore des concessionnaires qui affirment que l’assurance est obligatoire et que le consommateur doit se la procurer auprès d’eux, ce qui est faux.

Par ailleurs, des consommateurs ont été contraints de souscrire un produit d’assurance pour obtenir un meilleur taux d’intérêt ou un autre avantage, ce qui est interdit.

Enfin, l’Autorité rapporte que des consommateurs se sont plaints à la suite de l’ajout d’un produit d’assurance à leur insu. 

Le rapport cite les nombreux cas où l’Autorité a mené des interventions auprès des assureurs entre 2020 et 2022. 

L’Autorité ajoute qu’elle continuera de déployer des efforts importants pour résoudre ces problèmes et maintenir la surveillance étroite du secteur. 

Changement législatif 

En conséquence, le ministre des Finances a déposé le projet de loi 30 le 7 juin dernier à l’Assemblée nationale. Le principe du projet de loi a été adopté le 12 septembre dernier par les députés. 

L’article 105 du projet de loi vise à supprimer la possibilité pour les concessionnaires de vendre un produit d’assurance relié au produit vendu, ce qui est le cas de l’assurance de remplacement. 

La commission des finances publiques sera responsable des consultations concernant le projet de loi 30. Pour l’instant, aucune séance n’apparaît au calendrier des travaux de la commission parlementaire.