Un important courtier en assurance de dommages montréalais risque de faire les frais de la restructuration de Groupe Sélection, l’imposant groupe immobilier du domaine des résidences pour retraités qui s’est placé sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers à la mi-novembre.

L’entreprise, dont la valeur des actifs dépasse les cinq milliards de dollars, doit près de quatre millions et demi de dollars au courtier en assurance de dommages et services financiers Gallagher GPL, qui figure au deuxième rang des créanciers ordinaires.

Encadré en orange par le Portail de l'assurance : une partie du montant dû par Groupe Sélection à Gallagher GPL - Capture d’écran du site de PwC.

Encadré en orange par le Portail de l'assurance : une partie du montant dû par Groupe Sélection à Gallagher GPL - Capture d’écran du site de PwC.

Plusieurs assureurs font aussi partie de cette liste de fournisseurs impayés. 

Groupe Sélection compte plus de 70 complexes immobiliers en opération, en construction ou en développement à travers le Québec. Au total, ses dettes s’élèveraient à un peu plus de 900 millions de dollars, mais une dizaine de banques, dont la Banque Nationale, CIBC/Scotia, et le Mouvement Desjardins accaparaient la plus grande partie des créances garanties qui atteignent 845 M$. À l’issue de la restructuration qui a été confiée par la Cour supérieure à Pricewaterhouse Coopers (PwC) le 21 novembre, il pourrait en rester très peu à partager entre les centaines d’autres créanciers ordinaires dont font partie Gallagher GPL et plusieurs assureurs d’importance. 

La pointe de l’iceberg 

« J’ai l’impression que ce l’on voit dans les journaux, c’est la pointe de l’iceberg », a commenté Louis-Thomas Labbé, président du conseil d’administration de Gallagher GPL, en entrevue avec le Portail de l’assurance 

Intact Assurance, La Capitale, l’Industrielle Alliance et Sun Life du Canada, à qui Groupe Sélection doit plus de 100 000 $, figurent dans l’inventaire des centaines de fournisseurs de tous genres qui n’ont pas été payés par Groupe Sélection. Cette liste complète, accessible sur le site de PwC, comporte plus de 12 pages en écriture fine. Le président fondateur et chef de la direction de Groupe Sélection, Réal Bouclin, a assuré à l’issue du jugement de la Cour d’appel qui a confirmé PWC comme mandataire de la restructuration qu’il allait pleinement collaborer à l’opération redressement.

Des millions dus à Gallagher GPL 

Gallagher GPL assurait l’ensemble du parc immobilier de Groupe Sélection depuis une dizaine d’années. L’entreprise lui doit plus de 4354400 $, selon le tableau produit par PwC et consulté par le Portail de l’assurance. M. Louis-Thomas Labbé n’a pas voulu confirmer si ce chiffre avait varié à la hausse ou à la baisse en date du 2 décembre 2022, mais il a reconnu que Groupe Sélection payait beaucoup de primes pour assurer la totalité de ses immeubles et que les montants dus à son entreprise s’élevaient à plusieurs millions de dollars.

« On va en savoir plus sur nos créances quand PwC va faire son travail, nous a indiqué M. Labbé. Il y a des montants qu’ils nous doivent et on va régler cela avec le syndic qui a pris en charge les créances de tous les fournisseurs. »

« On a toujours espoir » 

Même si la situation semble très mal se présenter pour les créanciers ordinaires, le président du conseil d’administration de Gallagher GPL espère récupérer la totalité des montants que leur doit le débiteur.

« On ne sait pas encore en ce qui nous concerne, mais on a toujours espoir. C’est le syndic qui va décider, a-t-il précisé. Je serais très surpris qu’il décide de ne pas assurer les actifs (les immeubles), qui forment les pièces les plus importantes. Dans ce contexte, oui, on a de l’espoir d’être payés. Est-ce que nous le serons en totalité ou voudront-ils faire des arrangements, on va attendre. » 

Pendant la restructuration qui est en cours, Gallagher GPL continue d’assurer les dizaines de complexes où logent toujours près de 15 000 personnes, des retraités pour la plupart.

Une plongée qu’on ne pouvait pas prévoir 

M. Labbé dit avoir été plus ou moins surpris d’apprendre à la mi-novembre que Groupe Sélection s’était placé sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Des informations avaient déjà commencé à circuler dans le milieu financier disant que l’entreprise éprouvait des difficultés à payer ses sous-traitants.

« Mais de là à penser qu’il s’en allait vers la faillite, on ne pouvait pas prévoir cela, a-t-il commenté. On avait toujours confiance que le Groupe puisse passer au travers de ses difficultés, mais on ne possédait pas les informations précises sur sa véritable situation financière. » 

Il refuse toutefois de lancer la pierre à Réal Bouclin. « C’est un entrepreneur qui a connu du succès. Il est en affaires depuis 27 ans et a construit des dizaines de complexes résidentiels. Il y en a trois ou quatre au Québec qui font cela. Comme beaucoup d’entreprises Groupe Sélection a connu une croissance très rapide. La pandémie est survenue, elle a amené beaucoup de difficultés et s’ajoute maintenant la hausse des taux d’intérêt. Toute entreprise qui croît a toujours besoin d’argent pour financer son développement. De toute évidence, Groupe Sélection est peut-être allé un peu trop vite. » 

Il souligne qu’en pareilles circonstances où une entreprise se place sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers, une entreprise comme Price Waterhouse Coopers a un objectif : protéger les actifs. Leurs patrons, dit-il, ce sont les banques. Groupe Sélection n’est pas en faillite, mais en restructuration. « Avec l’expérience de 40 ans que j’ai en affaires, dit-il je sais qu’ils vont toujours favoriser les banquiers. C’est normal. Je ne suis pas trop inquiet pour l’avenir du Groupe, car PwC va protéger les bâtisses et la clientèle en premier. Il y a des milliers de personnes qui vivent dans ces résidences. Tu ne peux pas mettre cela en péril. Il faut que les services et les soins continuent à être donnés. PwC ne les laissera pas opérer sans assurer ces immeubles. »

Aucun danger pour la viabilité de Gallagher GPL 

M. Labbé a cependant assuré que les millions que le Groupe doit à Gallagher GPL et dont il ne pourrait recevoir qu’une infime partie dans les pires scénarios ne mettaient pas le cabinet en difficulté. « Les effets se feront sentir sur nos résultats financiers, mais il n’y a aucun danger pour notre propre viabilité, a-t-il affirmé. Aucun de nos clients ne représente plus de 5 % de notre chiffre d’affaires. Aucune entreprise n’aime perdre de l’argent, mais ce qui se passe avec Groupe Sélection n’aura pas d’impact qui pourrait affecter la viabilité de l’entreprise au Québec pour le moment. » Il a rappelé que Gallagher GPL comptait 180 employés et indiqué que son chiffre d’affaires était « gros », sans le dévoiler pour autant. 

Assureurs à qui Groupe Sélection doit des sommes 
  • Sun Life du Canada — compagnie d’assurance vie 
  • Capitale Assurances Générales 
  • Financière Sun Life 
  • Industrielle Alliance 
  • Intact Assurance 

Dans le cadre de cet article, le Portail de l’assurance a tenté de joindre PwC ainsi que le président de Gallagher GPL Christian Giner, en vain.

Cet article a été modifié le 14 décembre 2022 avec l’ajout de la capture d’écran du site de PwC ainsi que la mention des deux prises de contact n’ayant pas abouties.