« Nous avons pris la décision de résilier votre contrat avec nous à partir du 23 septembre 2024. Par conséquent, notre MGA n’acceptera plus aucune de vos affaires d’ici un délai de 30 jours, effectif à compter de la date de la présente lettre. »
C’est la nouvelle qu’ont appris les destinataires d’une lettre que Financière Horizons a expédiée à ses conseillers peu actifs. Le Portail de l’assurance en a obtenu copie. L’agent général y explique avoir pris cette décision après examen des relations avec ces conseillers.
L’agent général a résilié du même coup les contrats qu’ils avaient obtenus auprès d’assureurs par son intermédiaire. Les conseillers devaient avoir transféré leurs affaires avec ces assureurs à un autre agent général, à la date butoir du 25 novembre 2024.
Les affaires que les conseillers n’auraient pas transférées à temps pouvaient être « réaffectées à un autre conseiller, sans aucune rémunération », peut-on lire dans la lettre de Financière Horizons.
Appelé à commenter cette initiative, le président de la région du Québec de Financière Horizons, Denis Blackburn, n’a pas répondu aux demandes du Portail de l’assurance.
Pas un cas isolé
Si nous constatons que le conseiller a entrepris le transfert vers un autre agent général, nous lui accordons un délai supplémentaire — Cathy Hiscott
PPI a emprunté un chemin semblable auparavant. Présidente et cheffe de la direction de l’agent général, Cathy Hiscott a répondu aux questions du Portail de l’assurance sur son projet de révision. En 2021, PPI a annoncé par lettre qu’il annulait le contrat des conseillers qui n’ont pas traité avec lui depuis un certain temps. « Nous avons envoyé un message similaire à nos conseillers en 2023 », ajoute Mme Hiscott.
La lettre de PPI donne aux conseillers un préavis de 60 jours au terme duquel ils doivent avoir transféré leurs activités vers un autre agent général, ou vers un autre conseiller. Ils doivent cesser d’accepter de nouvelles affaires dès réception du préavis.
Mme Hiscott explique que les conseillers visés sont ceux « qui ne sont pas activement engagés à temps plein dans leur entreprise ». Elle vise aussi ceux « qui ne poursuivent pas leur formation, ne se tiennent pas au courant de la technologie, de la connaissance des produits, de la conformité et des exigences réglementaires », énumère-t-elle.
Cathy Hiscott se dit flexible quant au délai de 60 jours. « Il est généralement plus long. Si nous constatons que le conseiller a entrepris le transfert vers un autre agent général, nous lui accordons un délai supplémentaire pour permettre aux compagnies d’assurance de finaliser les transferts », explique-t-elle.
Chacun gère ses affaires comme il le veut — Phil Marsillo
Président-directeur général d’IDC Worldsource, Phil Marsillo, n’a pas souhaité élaborer sur la décision d’agents généraux de rompre la relation avec des conseillers qu’ils jugent inactifs. « Chacun gère ses affaires comme il le veut », a-t-il tranché, en entrevue avec le Portail de l’assurance. M. Marsillo est également président de l’Association canadienne des agences de courtage en assurance vie indépendante (CAILBA).
En ce qui concerne les intentions d’IDC, son PDG a été bref. « Nous ne sommes pas rendus là. Nous sommes un réseau de conseillers indépendants, ajoute-t-il. Nous n’avons aucune obligation (de volume d’affaires envers les conseillers). Est-ce qu’on aimerait qu’ils placent (leurs affaires) seulement chez nous ? Oui, mais en fin de compte ils ont le choix », dit-il.
Une question de coûts
L’un de nos principaux cabinets a reçu cette lettre de résiliation de la part d’un autre agent général — Corey Cott
Pour sa part, PPI dit agir ainsi pour pouvoir concentrer ses efforts sur les conseillers actifs, et leur garantir un niveau élevé de soutien et d’attention.
Vice-président principal, ventes, de Qualified Financial Services (QFS), Corey Cott confie avoir constaté un afflux de ce genre de cas. « L’un de nos principaux cabinets a reçu une lettre de résiliation de la part d’un autre agent général », a-t-il révélé en entrevue avec le Portail de l’assurance.
Le poids de la conformité explique selon lui la décision des deux agents généraux. Plateforme de conformité à laquelle s’inscrivent les conseillers mis sous contrat, APEXA représente « un coût énorme », témoigne M. Cott. Traiter avec un conseiller improductif devient donc une charge pour l’agent général. Comme la plupart des agents généraux, QFS adhère à APEXA. Il doit ainsi absorber une facture selon la tranche du nombre de conseillers inscrits. M. Cott dit que QFS se situe dans la tranche de 1000 à 2000 conseillers.
Malgré tout, QFS a décidé de laisser le libre choix aux conseillers. « Ils ont le droit de faire affaire avec l’agent général qu’ils veulent. Nous ne les forçons pas », soutient Corey Cott. Il dit que la majorité des conseillers inscrits auprès de QFS traitent régulièrement avec lui.
Nous n’acceptons pas de conseillers qui ne font pas toutes leurs affaires chez nous — Gino-Sébastian Savard
Président de MICA Cabinets de services financiers, Gino-Sébastian Savard dit ne pas avoir eu connaissance d’une vague de résiliation. « Ces conseillers ne cognent pas à notre porte. Ils n’ont pas le profil que l’on recherche et c’est connu dans l’industrie », a-t-il confié en entrevue avec le Portail de l’assurance.
« Nous n’acceptons pas de conseillers qui ne font pas toutes leurs affaires chez nous », lance M. Savard. Il dit miser sur la combinaison agent général et courtier en épargne collective et en produits dispensés, MICA Capital, pour satisfaire tous leurs besoins.
Il croit que d’autres agents généraux en mesure d’offrir tous les produits et services en viendront à la même exigence, pour sabrer les coûts. « MICA a plus de 160 employés pour 320 conseillers. Nous avons des conseillers performants et nous les appuyons pour qu’ils le soient au maximum. Nous donnons beaucoup de service, mais je veux au moins bénéficier d’un retour », explique le président de MICA.
La majorité de ses 320 conseillers ont aussi le droit de pratique en assurance de personnes. M. Savard ajoute qu’environ 125 à 150 de ses 320 conseillers vendent de l’assurance régulièrement. Individuellement, leur volume de primes soumises « est très élevé », dit-il. Le volume total de ces conseillers lui permet d’avoir des contrats directs avec 16 assureurs. Très développées chez MICA, les activités d’assurance aux entreprises contribuent à cette production élevée, estime Gino-Sébastian Savard.
Une porte ouverte
Je vois beaucoup de gens désespérés, qui ont reçu une lettre de résiliation avec une date butoir — Louis-Xavier Savard
Président fondateur de Groupe Financier Signature, Louis-Xavier Savard s’insurge quant à lui contre la résiliation des contrats de conseillers moins productifs. Le dirigeant de l’agent général associé à Groupe AgenZ en a surtout contre le court délai accordé.
« C’est ce qui les stresse le plus, dit M. Savard. Je vois beaucoup de gens désespérés, qui ont reçu une lettre de résiliation avec une date butoir. Ils doivent transférer leur clientèle à un autre agent général ou à un conseiller, sinon ils risquent de perdre tous leurs clients ; ils ne savent pas quoi faire », témoigne-t-il.
Groupe Financier Signature leur ouvre ses portes. Il en a accueilli quatre en décembre 2024. Au moment d’écrire ces lignes le 12 février, M. Savard n’avait pas eu d’autres demandes. « La vague de décembre est terminée », ajoute-t-il.
Parmi les quatre conseillers accueillis, il cite le cas d’une conseillère ayant traité avec le même agent général pendant 40 ans. Elle devait transférer sa clientèle en 30 jours. Le président de Groupe Financier Signature dit avoir réussi à transférer les affaires de cette conseillère, ainsi que celles des trois autres conseillers. Louis-Xavier Savard confie que dans un cas, un des assureurs du conseiller a refusé le transfert d’agent général.
Il déplore aussi que des conseillers âgés soient forcés de terminer leur carrière sur une telle note. Après les avoir accueillis, M. Savard dit s’efforcer de jumeler chacun de ces conseillers avec un conseiller plus jeune. Ils pourront entamer un partenariat d’affaires ou un processus de relève.
Problème de relève
À QFS, Corey Cott croit que les résiliations reflètent un problème plus vaste : celui de la relève. « Les conseillers ont en moyenne dans la cinquantaine avancée, et plusieurs agents généraux n’offrent pas d’outil de planification de la relève. De nombreux conseillers viennent chez QFS après avoir reçu une lettre de résiliation d’un autre MGA et nous demandent ce qu’ils doivent faire. Certains d’entre eux ont des portefeuilles assez importants », explique M. Cott.
« Nous nous efforçons de résoudre ce problème à l’interne avec nos conseillers », ajoute-t-il. QFS offre depuis 2019 IGNITE, un programme qui aide les conseillers et leurs successeurs à planifier la relève.
M. Cott rappelle que lui, ainsi que son frère Jesse Cott et sa sœur Haley Cott, respectivement vice-président principal, ventes et opérations, et vice-présidente principale, ventes et administration, sont passés à travers un plan de relève amorcé par leur père, Kevin Cott, président du conseil et fondateur de QFS. « La même chose doit se faire avec les conseillers », dit Corey Cott.
De son côté, PPI dit soutenir les conseillers inactifs qui souhaitent vendre leur bloc d’affaires à un autre conseiller. « Nos responsables des ventes travaillent avec eux individuellement pour trouver un successeur, et ils peuvent également utiliser les ressources disponibles par le biais de notre service Matchbook, optimisé par FindBob », précise Cathy Hiscott. Ce service en ligne aide les conseillers à évaluer leur clientèle et trouver des acheteurs potentiels, ajoute la PDG de PPI.
Dans sa lettre de résiliation, Financière Horizons invite les conseillers à communiquer avec elle s’ils ont besoin d’aide pour trouver une conseillère ou un conseiller apte à prendre le relais pour desservir leur clientèle.