Neda Nasseri

À l’heure où on parle de l’importance d’être à l’écoute du client, des assureurs font appel aux critiques internes pour améliorer leurs produits. Beneva et Desjardins Assurances ont tenté l’expérience. 

L’idée n’a pas encore été adoptée parmi les grands dogmes du marketing. Cela n’a pas empêché Neda Nasseri, cheffe de produit à la direction développement des produits et formation aux assurances collectives de Desjardins Assurances et Éric Trudel, vice-président exécutif et leader, assurances collectives, chez Beneva, de trouver le moyen de tirer profit de leur double casquette d’employeur et de créateur de produits. 

À chacun sa recette 

Éric Trudel

Chacun, toutefois, exploite l’idée à sa manière. L’équipe d’Éric Trudel l’utilise parfois lorsqu’il veut valider la pertinence d’un produit, offert par une entreprise externe, qui pourrait compléter son offre. On commence par la proposer à un petit groupe, bien ciblé, de dix ou quinze personnes. On élargit ensuite son échantillonnage à l’ensemble des employés, qu’on sonde, à l’aide d’outils d’évaluation de la satisfaction, avant de proposer le produit à d’autres preneurs, si le résultat est concluant.

Chez Desjardins, on privilégie d’abord des utilisateurs repérés par bouche-à-oreille à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, pour discuter de leur expérience du produit, à travers des entrevues structurées, relate Neda Nasseri : « Nous voulions savoir ce qu’ils avaient vécu et quels avaient été leurs irritants. Nous en avons discuté via des rencontres individuelles sur Microsoft Teams. Par la suite, nous avons posé quelques questions et nous avons effectué des suivis par courriel. »

Pour que la démarche demeure productive, il faut que les commentaires parviennent à aller au-delà de l’éloge de l’employeur. Des technologies actuelles permettent aux employés de commenter de façon anonyme sans avoir à en redouter les conséquences. Tant chez Desjardins que chez Beneva, on rapporte inclure des questions concernant les avantages sociaux aux interrogations sur Office Vibe, l’outil d’évaluation de la satisfaction au travail.

Éric Trudel admet toutefois qu’il demeure plus enclin à se laisser convaincre d’opérer de telles transformations lorsque les critiques perdent leur caractère anonyme : « Parfois, je vais répondre : ‟Si vous voulez demeurer anonyme, je respecte votre choix, mais si vous voulez en parler pour discuter de la question en profondeur, moi, je n’ai rien d’anonyme, alors, ne vous gênez pas pour m’appeler ou m’écrire. On peut en discuter.” » 

Un client à écouter 

Éric Trudel parle d’un « modèle qui s’installe », mais qui ne peut pas encore être qualifié de systématique. La démarche est un outil parmi d’autres. Dans certains cas, l’assureur a déjà cumulé suffisamment de données statistiques pour être convaincu d’aller de l’avant avec un produit ou il en a créé un à partir d’une demande énoncée directement par un client.

Même lorsque l’expérimentation s’avère pertinente, il reste à trouver, chez l’assureur, un groupe représentatif du besoin à évaluer, ce qui n’est pas toujours le cas, par exemple pour un produit conçu pour protéger des ouvriers manuels.

Neda Nasseri fait remarquer toutefois que les recherches de compléments d’informations internes et externes ne s’opposent pas. Elle croit, au contraire, qu’en demeurant vigilant aux commentaires provenant de l’intérieur, Desjardins a bonifié ses mécanismes d’écoute et de rétroaction. Mme Nasseri affirme toutefois qu’en montrant une posture d’ouverture à la critique, même auprès de ses équipes, son organisation a accru son agilité à adapter des produits déjà lancés. 

Savoir de quoi on parle 

Qui plus est, Éric Trudel ne voit pas l’intérêt de se priver du bassin de 5 500 critiques potentiels. Pour Neda Nasseri, ces employés apportent aussi une valeur distinctive. Non seulement ils connaissent les produits dont ils parlent, mais leur lien d’attachement envers leur organisation les porte à se livrer davantage. Une meilleure compréhension de la réalité de leurs pairs porte aussi les leaders à adopter une posture plus empathique, ce qui permet de créer des produits qui correspondent à des réalités très concrètes et aux émotions qui les accompagnent : « La plus-value, c’est peut-être que ces gens-là sont plus confortables avec nous parce qu’ils nous connaissent. Ils vont donc avoir tendance à dévoiler un peu plus d’informations que quelqu’un qui serait à l’externe. » 

Mais, si ce genre d’initiative offre un bel aperçu de la réaction des bénéficiaires, elle ne permet pas, pour autant, d’anticiper celle du preneur qui choisit le produit. Malgré cette incertitude, Éric Trudel persiste à croire que d’avoir déjà expérimenté un produit constitue une étape de base pour parvenir à en discuter avec un preneur avec conviction. « Lorsque l’on vient voir les preneurs, que l’on essaie de les convaincre de mettre des initiatives en santé et en mieux-être, on veut être capable de dire : ‟Nous, chez Beneva, on le fait. Nous avons un bon contrôle de notre absentéisme et nous pensons que cela peut apporter des fruits.” »