La Chambre de la sécurité financière confirme en partie les informations publiées par le quotidien La Presse du 19 septembre 2024, concernant les problèmes de roulement de personnel vécus à la Direction de la déontologie et de l’éthique professionnelle (DDEP), dont fait partie le bureau du syndic. La Chambre affirme que la situation est temporaire et qu’elle est en voie de se rétablir. 

À la suite du départ de Me Gilles Ouimet à la fin de juillet 2023, le poste de syndic de la Chambre a été occupé par Me Julie Dagenais sur une base intérimaire. 

La Chambre a finalement recruté Me Claude Baril, laquelle est entrée en fonction en janvier 2024. Cette dernière a remis sa démission en septembre dernier, après un congé de maladie entamé quelques semaines auparavant. Me Dagenais assume l’intérim depuis ce temps. 

Le Portail de l’assurance a vu le message de Mme Baril où elle annonçait son absence aux membres de la DDEP, le 24 juillet dernier. La syndique parlait d’une période de « turbulences ». Elle énumère : « Manque d’effectifs, charge de travail, insatisfaction salariale, démotivation pour certains(es). »

Outre la perte de deux syndiques adjointes durant les quatre premiers mois de 2024, on constate six autres départs dans les effectifs d’enquête de la DDEP depuis l’été 2023.

Une situation temporaire ? 

Contactée par le Portail de l’assurance, par l’entremise de son vice-président Daniel Richard, la Chambre a transmis ses commentaires en réaction à l’article de La Presse « concernant l’équipe du bureau du syndic et faisant état de la surcharge de travail et des départs récents de quatre enquêteurs ». 

« Ces départs étant survenus en même temps qu’une hausse des demandes d’enquête, la charge sur les autres membres de l’équipe s’est effectivement alourdie. La situation est temporaire. Des mesures sont déjà place depuis quelques mois pour pallier la situation et nous nous attendons à ce que tout soit résorbé bientôt. Avec 15 personnes en poste aujourd’hui (sur 19 à la DDEP), nous avons les choses en main », écrit M. Richard.

Le caractère dit « temporaire » de la situation est contredit par le dernier rapport d’inspection de l’Autorité des marchés financiers sur le volet déontologie des activités de la Chambre de la sécurité financière.

Roulement de personnel 

Publié en mars 2022 et couvrant pour la période du 1er juin 2018 au 30 avril 2021, on lisait ce qui suit dans les faits saillants dudit rapport : 

« Plusieurs dossiers d’enquêtes sont restés inactifs sur des périodes de trois mois et plus, et quelques-uns de plus de douze mois. Différents facteurs ont contribué à cette situation, notamment le taux de roulement du personnel à la DDEP. La Chambre devra porter une attention particulière à cette situation. Des mesures ont d’ailleurs déjà été prises en ce sens. » 

L’Autorité rapportait aussi le taux de roulement annuel pondéré de 22 % dans cette même direction « et du risque que cela engendre pour le traitement des dossiers d’enquête ». 

Sur un échantillon de 64 dossiers vérifiés, 16 sont restés inactifs de 4 à 6 mois, 16 pour une période de 7 à 11 mois et 4 pour plus de 12 mois (36 sur 64). 

Contacté par le Portail de l’assurance, le porte-parole de l’Autorité, Sylvain Théberge, confirme qu’une nouvelle inspection est en cours. Il n’est pas en mesure de préciser à quel moment le rapport sur cette inspection sera publié. 

Des mesures 

Toujours selon Daniel Richard, la Chambre a ainsi adopté les mesures suivantes concernant les effectifs de la DDEP : 

  • Depuis le mois d’avril, ayant constaté une hausse des dossiers entrants, la Chambre a sollicité « le concours de procureurs externes en droit disciplinaire afin d’apporter le soutien dans les dossiers et dégager les syndics adjoints pour qu’ils puissent travailler plus étroitement avec les enquêteurs ». 
  • L’organisme d’autoréglementation a également ajouté une personne en soutien administratif au courant de l’été « pour appuyer les enquêteurs afin de les soulager de certaines tâches administratives qui représentent environ 35 % de leur travail ». 
  • « À la suite du départ de quatre enquêteurs entre la mi-juillet et la fin du mois d’août, nous sommes déjà en recrutement actif avec une firme spécialisée et nous espérons embaucher rapidement. Le travail avance bien. » 
  • En septembre, la Chambre a accueilli une personne temporaire aux enquêtes, laquelle « possède d’ailleurs une riche expérience de plus de vingt années au bureau du syndic de la Chambre. Elle agira comme enquêteur et demeurera avec nous le temps de finaliser les embauches permanentes ». 
  • S’ajoute à cela la présence d’une stagiaire en droit, « ce qui ajoute un soutien à l’ensemble de l’équipe », ajoute-t-on. 

Daniel Richard souligne également les 18 années d’expérience de Me Julie Dagenais au sein de l’équipe du syndic de la Chambre. De plus, la Chambre a réussi à pourvoir les deux postes vacants à la fonction de syndic adjoint. 

« Nous sommes très attentifs à la situation et si d’autres mesures sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de notre mission et soutenir nos employés, nous n’hésiterons pas à les mettre en place », dit-il. 

Plan stratégique 

Dans son plan stratégique 2021-2023 de la Chambre, parmi les quatre grandes orientations, la troisième traitait de la performance de l’organisation qui visait à être « agile, efficace et crédible ». Le troisième objectif mentionné disait ceci : 

  • Réingénierie du modèle opérationnel du bureau du syndic afin de réduire les délais d’enquête.

Dans son rapport annuel couvrant l’exercice 2023, à la section déontologie et éthique professionnelle, la Chambre indiquait qu’« au cours des cinq dernières années, l’équipe en place a su apporter des améliorations importantes aux délais d’enquête. Il importe d’ailleurs de souligner le respect de la dignité des membres dont l’équipe fait preuve en privilégiant l’aspect préventif de leur rôle ». 

Un peu plus loin, on soulignait que malgré la hausse des demandes d’enquête, soit 431 en 2023 contre 381 en 2022 et 358 en 2021, « le délai de traitement des dossiers est demeuré semblable ». 

Le délai moyen de traitement des dossiers d’enquête était d’environ 9 mois au 31 décembre 2023, ce qui est conforme à ce qui est indiqué dans le rapport d’inspection de l’Autorité. 

Dans le plan stratégique 2024-2026, l’une des trois principales orientations concerne l’excellence opérationnelle. « En misant sur une gouvernance irréprochable et en se dotant d’outils technologiques d’avant-garde, la Chambre s’investit pour optimiser ses retombées (TI, données, employés mobilisés, etc.) et centrer ses actions sur l’expérience client. » 

Au deuxième objectif associé à cette orientation, la Chambre précise : « Développer et retenir notre personnel nécessaire à la performance de la CSF. » 

Les départs 

Une première syndique adjointe, Me Sandra Robertson, en poste depuis 2013, est partie en janvier 2024 et occupe désormais une fonction similaire au sein de la Chambre de l’assurance de dommages, ce que confirme son profil sur le réseau LinkedIn

Quant à Me Valérie Gingras, embauchée comme enquêtrice, puis devenue syndique adjointe en 2019, elle est partie en avril 2024. Elle travaille désormais à l’Autorité des marchés financiers,

Le site d’information juridique Droit-Inc rapporte les noms de 6 des 11 enquêteurs qui ont quitté l’organisation depuis juillet 2023, ce que confirment les vérifications faites par le Portail de l’assurance. Les deux premiers départs sont survenus en 2023. 

Me Anabelle Lehouillier, qui a été enquêtrice au bureau du syndic durant trois ans et demi, est partie en juillet 2023. Elle est désormais syndique adjointe à l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Par la suite, Lucie Coursol, enquêtrice durant neuf ans et demi, est partie en novembre 2023 et travaille désormais comme planificatrice financière. 

Durant l’été 2024, ce sont quatre autres enquêteurs qui ont quitté le navire. Moises Ramirez, en poste durant trois ans comme enquêteur principal, travaille désormais au Service de police de la ville de Montréal. Son départ de la Chambre a eu lieu en juillet 2024, tout comme celui de Stéphanye Cousineau. Cette dernière, qui était en poste depuis novembre 2020 à la Chambre, travaille désormais comme enquêtrice chez IG Gestion de patrimoine

Nicolas Saillant, après un an et demi en fonction à la DDEP, est partie en août dernier. Ce dernier travaille désormais chez Élections Québec. Une autre enquêtrice, Penny Constance, est partie à la fin août.

L’autre chambre aussi 

Les problèmes de roulement de personnel au bureau du syndic ne sont pas exclusifs à la Chambre de la sécurité financière. La Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) a aussi des défis à relever concernant l’organisation du bureau du syndic.

Depuis le mois de juillet dernier, Carole Chauvin est de retour comme syndic par intérim. Elle occupe aussi la fonction de directrice des enquêtes. Mme Chauvin a été syndique de la Chambre de 1999 à 2014. 

Depuis le départ de Me Marie-Josée Belhumeur qui a pris sa retraite au printemps 2022, trois personnes distinctes ont occupé le poste de syndic, et la ChAD cherche encore la personne qui en deviendra la titulaire permanente. 

Son successeur, Me Yannick Chartrand, est entré en poste en mai 2022. Il est parti en novembre 2023. Il travaille depuis peu à l’Ordre des ergothérapeutes du Québec. Michel Déry, qui a d’abord occupé le poste de manière intérimaire à partir de décembre 2023, avant d’être confirmé dans ses fonctions en avril 2024, a quitté l’organisme en juin. On a appris son départ quand une autre personne a été nommée pour le remplacer. 

En juillet 2023, l’Autorité des marchés financiers rendait public son rapport d’inspection de la Chambre de l’assurance de dommages. L’Autorité soulignait l’existence d’un problème structurel dans les ressources humaines en matière de déontologie à la Chambre de l’assurance de dommages. On mentionnait notamment que plusieurs postes clés sont parfois laissés vacants de façon prolongée. 

À l’heure actuelle, la ChAD confirme au Portail de l’assurance que trois postes sont vacants au bureau du syndic. On cherche deux personnes aux enquêtes, dont une pour une durée temporaire. On est aussi à la recherche d’un adjoint à la direction des enquêtes, également une assignation temporaire. 

Par ailleurs, depuis septembre 2022, soit la fin de la période couverte par la précédente inspection de l’Autorité, la ChAD indique au Portail de l’assurance avoir recruté 16 personnes au bureau du syndic, dont cinq personnes pour des mandats temporaires. Cette direction emploie 18 personnes au total.