Un juge de la Cour supérieure du Québec vient d’entériner le règlement intervenu dans le dossier d’un recours collectif autorisé il y a 13 ans qui portait sur un médicament fabriqué par Pfizer, le Depo-Provera. En vertu de cet accord approuvé le 10 novembre, chaque femme qu’il l’a utilisé et en a subi les effets secondaires décrits dans l’entente pourrait recevoir entre 600$ et 20 000$ selon qu’elle a été victime d’une perte minérale osseuse ou d’une fracture majeure.
Le Depo-Provera est un contraceptif qui est autorisé au Canada depuis 1997. Vendu sous ordonnance, il est administré au moyen d'une injection intramusculaire. Une injection d’une dose de 150 mg toutes les dix à treize semaines fournit une protection contre la grossesse. Les femmes qui l’utilisent à cette fin doivent recevoir quatre injections par année.
Perte de densité minérale osseuse
En novembre 2004, Pfizer Canada avait transmis aux professionnels de la santé un avis concernant ce médicament. Des données d’études cliniques avaient montré que les femmes utilisant Depo-Provera pouvaient subir une perte importante de densité minérale osseuse, perte qui augmentait avec la durée du traitement et pourrait ne pas être complètement réversible. En juin 2005, un avis public sur le même effet était à nouveau publié et la monographie de Depo-Provera était révisée afin d’inclure une mise en garde et des recommandations additionnelles vis-à-vis son utilisation.
La même année, une Québécoise qui prenait ce médicament entreprend une action collective contre Pfizer. De tels recours sont aussi engagés en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, mais ils étaient suspendus en attendant l’issue de l’action intentée au Québec.
En mai 2008, le Cour supérieure du Québec avait autorisé cette Québécoise à intenter une action collective contre Pfizer au nom de « toute autre personne domiciliée au Canada qui prétend subir ou avoir subi perte de densité minérale osseuse en raison de l’utilisation de Depo-Provera avant le 31 mai 2010 ». Il s’agit du premier dossier québécois à reconnaître expressément la possibilité d’entreprendre une action collective pour le compte d’un groupe pancanadien. La Cour supérieure souligne elle-même dans son récent règlement que ce dossier présentait des défis factuels importants et constituait une première en droit québécois quant au caractère national du recours.
10 000 heures pour préparer le dossier
Pfizer défend depuis le début que son produit est efficace et sécuritaire. La Cour souligne toutefois que la science a considérablement évolué depuis le début du dossier.
Les avocats de la dame disent avoir consacré collectivement plus de 10 000 heures à la préparation du dossier. Au taux horaires en vigueur, leur facture se serait élevée à 3 390 000$, ce qui aurait dépassé le montant négocié et obtenu de Pfizer. Ils ont pu avoir accès à des documents, études et dossiers médicaux fournis par le fabricant. Ils estiment que leurs honoraires représentent moins de 15 % de leur investissement total et devront y consacrer encore quelques centaines d’heures pour conclure le dossier. Un procès n’avait pas encore débuté même si la requête pour autorisation d’exercer un recours collectif contre Pfizer avait été déposé en 2005, mais autorisé en 2008.
Entente de règlement
Une entente de règlement qui porte sur le recours collectif au Québec a donc été cherchée et obtenu par les avocats, le cabinet montréalais Belleau Lapointe. Cet accord prévoit que Pfizer payera un montant total de 2 176 250 $. De cette somme, 1 913 750 $ est prévu au bénéfice du groupe. Les honoraires des avocats, soit 478 437 $, seront déduits de ce montant. Une fois les avocats payés, l’argent sera réparti entre deux fonds, un consacré à l’indemnisation des pertes de densité osseuse admissibles et l’autre à l’indemnisation des victimes de fractures.
Le solde, soit 262 500 $, est payé au bénéfice des assureurs de santé publique en règlement des réclamations qu’ils pourraient avoir en lien avec les soins de santé qu’ils ont assumés dans ce dossier.
Plusieurs conditions sont rattachées à cet accord qui a été approuvé par le juge Sylvain Lussier, de la Cour supérieure, le 1er novembre. Le Protocole prévoit que Depo-Provera doit avoir été prescrit et utilisé à des fins de contraception. La première injection doit avoir été reçue après le 2 avril 1997, ce qui coïncide avec la date de son approbation par Santé Canada pour des fins de contraception, et la dernière avant le 30 juin 2006. Cette date correspond à l'expiration d'un délai d'un an suivant l'avis public diffusé par Pfizer le 30 juin 2005 divulguant les risques.
Le Protocole d'indemnisation exige que les membres du groupe prouvent qu'elles ont subi une ostéoporose ou une ostéopénie en présentant les résultats de leurs tests de densité minérale osseuse.
Indemnités aux utilisatrices
Le montant qui sera versé à chaque victime admissible sera établi en fonction de la valeur de l'ensemble des réclamations admissibles. Une réclamante souffrant d'ostéopénie pourrait recevoir 600 $, peu importe la durée, alors que celle ayant souffert d'ostéoporose recevrait 100 $ par mois la première année et 50 $ par mois par la suite. Les indemnités seront toutefois plus généreuses pour les femmes qui ont subi une fracture dite de fragilité. Le montant qui pourrait leur être versé atteint 50 000 $ et varie selon la zone fracturée : il va de 5 000 $ à une main à 10 000 $ pour une jambe et 20 000 $ pour le bassin ou la colonne vertébrale.
Le Tribunal a estimé que le règlement proposé est à l'avantage des membres du groupe et l’a donc approuvé. Cette entente règle l’ensemble des actions collectives au Canada concernant l’utilisation du médicament. Le Depo-Prevora est toujours vendu en pharmacies au Québec, mais peu populaire en raison de ses effets négatifs connus.