L’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) part en guerre contre la cession d’une police d’assurance vie à des fins spéculatives. Le ministre des Finances du Québec, Carlos J. Leitão, a toutefois laissé entendre qu’il ne comptait pas l’interdire.

Même si cette situation n’apparait pas encore problématique au Québec, elle veut éviter les graves abus comme en vivent les États-Unis et qui ont obligé plusieurs États à légiférer en cette matière.

Les mesures du projet de loi insuffisantes

L’ACCAP s’était réjouie de voir le ministère des Finances annoncer son intention de modifier le Code civil pour encadrer le commerce ou le trafic d’assurance qui est expressément interdit par la plupart des provinces canadiennes. L’Association juge toutefois que les dispositions à ce sujet dans le projet de loi 150 ne sont pas suffisantes pour assurer la protection du consommateur et de ses clients les plus vulnérables.

En commission parlementaire mardi à Québec, l’ACCAP a pressé le ministre Carlos J. Leitão d’agir plus efficacement. L’Association lui a même fourni le modèle du projet de loi sur la cession de police d’assurance à un tiers adopté et promu aux États-Unis par la National Conference of Insurance Legislator.

Des pratiques prédatrices

Ces « pratiques prédatrices » de rachat de police prennent trois formes, a décrit l’ACCAP : 1) Le règlement d’assurance viatique (Viatical Settlement) où le titulaire d’une police dont l’assuré est en phase terminale peut « vendre » (entre guillemets dans le texte) à un promoteur en échange d’une somme d’argent.

2) La cession de police à escompte (Life Settlement) qui vise généralement les personnes les plus âgées. Le promoteur prétend offrir au titulaire de la police la possibilité de « monnayer » (entre guillemets dans le texte) de son vivant la valeur de sa police en lui offrant un montant pour devenir bénéficiaire irrévocable à son décès. Ce montant est moindre que celui du capital-décès.

3) L’assurance détenue par un étranger (STOLI). Le promoteur souscrit une police d’assurance vie et offre un montant d’argent à la personne âgée ou malade. « Le concept de l’assurance vie détenue par un étranger est propice à la fraude, soutient l’ACCAP, car la police est souscrite uniquement dans le but de produire un retour sur l’investissement et non pour combler un besoin d’assurance. »


Carlos J. Leitão

Carlos J. Leitão | Photo : Denis Méthot


Marché émergent au Québec

Selon l’ACCAP, il existe actuellement un marché émergent au Québec dont le seul objectif est de spéculer sur la mort imminente. Suzie Pellerin, vice-présidente adjointe, affaires publiques et gouvernementales à l’Association, a indiqué aux élus que des groupes non règlementés tentent de développer un marché de cessions de polices d’assurance vie à des fins commerciales ou spéculatives.

« Le profit de celui qui rachète la police dépend de la vitesse à laquelle l’assuré décède : plus il décède rapidement après l’achat de la police, plus l’investissement (rachat) lui sera profitable », a-t-elle précisé.

Il ressort des exemples américains que le rachat de police à des fins spéculatives des personnes vulnérables telles que des personnes âgées, malades ou ayant un urgent besoin d’argent a entrainé des pratiques très agressives. L’ACCAP dit craindre que ce marché au Québec n’entraine du harcèlement auprès des ainés et même favorise le blanchiment d’argent. 

La FADOQ aussi favorable à la cession de polices

Pourtant, la Fédération des clubs de l’âge d’or du Québec (FADOQ) se montre favorable au principe de la vente de sa police d’assurance en échange d’un montant d’argent, un facteur auquel s’est dit sensible le ministre Leitão, qui ne tient pas à empêcher cette pratique pour les gens qui veulent en bénéficier.

« On doit être capable de trouver un moyen de permettre cette activité quand l’initiative vient de l’assuré, a-t-il réagi. Je comprends que des questions de harcèlement ou de vente sous pression se posent. Mais quand c’est le consommateur qui a décidé de le faire, je pense qu’on doit trouver un moyen de le lui permettre, sinon, comme le dit la FADOQ, on risque d’infantiliser les personnes âgées. Elles peuvent prendre des décisions qui sont dans leur intérêt. Comment encadrer cette activité pour éliminer les abus et les ventes sous pression ? Pour cela, l’Autorité des marchés financiers a un bon rôle à jouer. »

Les propositions de l’ACCAP

Les représentants de l’ACCAP ont fait remarquer au ministre qu’il existe d’autres solutions que la vente de sa police d’assurance vie, notamment sous forme de prêts ou des programmes compassion qu’offrent certains assureurs.

Comme le gouvernement n’a pas l’intention d’interdire cette pratique, mais semble ouvert à mieux l’encadrer, l’Association croit que la solution se trouve entre le droit actuel et une loi spécifique au rachat de police. Elle propose à cet effet des amendements au projet de loi 150, qui auraient notamment pour effet d’interdire la cession de la police à titre onéreux durant les deux premières années de son entrée en vigueur. Dans l’éventualité d’une cession de la police à un tiers, l’assureur pourrait, dans les 30 jours suivant la transaction, résilier cette police en payant à l’acheteur la somme qu’il a déboursée pour l’acheter à son premier titulaire.