Les programmes d’assurances habitation et entreprise mériteraient d’être revus afin qu’ils prennent en compte le risque climatique propre à la région dans laquelle elles se trouvent.

C’est du moins la position que soulèvent les chercheurs Carolyn Kousky, directrice générale du centre Wharton Risk Management and Decision Processes de l’Université de Pennsylvanie et Andy Read, vice-président de la pratique du secteur public de la firme Guy Carpenter, dans un article publié dans Brink, une revue produite par le courtier en réassurance et qui traite des risques et de la résilience mondiale face à ceux-ci.

Les catastrophes naturelles et les répercussions de celles-ci diffèrent d’une région à l’autre, en raison du climat, de la végétation, de l’utilisation du territoire, du relief et de l’élévation de la région, par exemple. L’Ouest américain et canadien connaît bien l’odeur de bois brûlé. Tandis que certaines parties du Québec ont l’habitude de prendre l’eau au printemps.

Une assurance communautaire serait-elle la solution ?

Le centre Wharton Risk et les firmes Marsh & McLennan Advantage et Guy Carpenter explorent ensemble de nouveaux modèles de protection qui tiennent compte des catastrophes naturelles. Ils proposent une protection basée sur le risque communautaire, qui contient différents niveaux de couverture, mais surtout, qui est accessible.

Les protections suggérées par les chercheurs peuvent aller de simples, où la communauté aide à organiser une couverture pour ses membres avec un ou des assureurs, à très pratiques, où une communauté crée sa propre compagnie d’assurance captive. La couverture peut aussi être offerte comme un avantage communautaire volontaire ou comme une condition d’adhésion à la communauté.

S’engager dans une assurance communautaire permet une évaluation et une modélisation continues des risques qui peuvent servir à mieux éclairer la prise de décision concernant l’atténuation et la réduction des risques, notent les chercheurs. Ce genre de protection peut améliorer la résilience fiscale des gouvernements locaux en augmentant les taux de couverture parmi les citoyens. Elle peut aussi renforcer la solidarité communautaire et l’autosuffisance.

Il faut cartographier les risques, dit le BAC

Questionné à ce sujet par le Portail de l’assurance, le Bureau d’assurance du Canada (BAC) explique que pour arriver à proposer une telle protection, au niveau des risques de catastrophes naturelles propres à un secteur, il faudrait être en mesure d’avoir des outils cartographiques qui identifient les zones les plus ou les moins à risques.

« Or, c’est la nature même de ces événements d’être imprévisibles. Il faut aussi considérer que plus le pool de primes est petit pour couvrir des sinistres potentiellement coûteux, plus haute sera la prime pour tous », a indiqué le BAC dans un courriel au Portail de l’assurance.

Les couvertures qui ciblent les catastrophes naturelles, comme les feux de forêt, vents violents, tornade, grêle, foudre et, etc. sont offertes à même la police d’habitation (tous risques ou risques spécifiés) des particuliers, « parce que nous n’avons aucune certitude quant à l’endroit où ces risques pourraient survenir ou quant à la récurrence ou la sévérité des événements », dit le Bureau d’assurance du Canada. Selon l’organisme, tous les assurés sont exposés de façon égale à ces risques.

Dans le cas des inondations, par exemple, un pool d’assurance nationale serait une solution plus envisageable, estime le BAC, car il mettrait en commun les primes (et les réclamations) des résidences les plus à risques au pays. La tarification se ferait tout de même en fonction du risque que chaque résidence représente, la grandeur du pool permettrait probablement de les rendre plus abordables qu’avec des petits pools provinciaux ou régionaux.

Une couverture mal adaptée ne protège pas

Le manque persistant d’une couverture d’assurance adaptée est continuellement mis en évidence lorsqu’un événement extrême et rare survient, écrivent Mme Kousky et M. Read dans leur article paru le 30 juillet 2020. Les raisons attribuables à l’absence de protection se rapportent soit à la question d’accessibilité ou aux biais comportementaux manifestés par les consommateurs, les assureurs et les régulateurs, expliquent-ils.

La plupart du temps, les citoyens et les entreprises sont contraints d’acheter une couverture par obligation, comme une condition d’accès au crédit, par exemple. Les niveaux de couverture restent donc généralement assez bas, soutiennent-ils.

Selon le modélisateur de catastrophes AIR Worldwide, environ 25 % seulement des pertes économiques dues aux catastrophes naturelles sont assurées dans le monde, et la partie non assurée pourrait dépasser le billion de dollars américains au cours d’une année particulièrement mauvaise, citent-ils.

Sans assurances, les ménages et les petites entreprises ont souvent du mal à réparer et à reconstruire ce qui a été endommagé. D’autant plus que l’assurance améliore les résultats de la reprise, d’après les conclusions d’une étude Le rôle de l’assurance contre les catastrophes naturelles dans le relèvement et la réduction des risques réalisées par Mme Kousky. L’assurance peut atténuer l’impact négatif d’une catastrophe sur l’économie d’une région et d’une communauté dans son ensemble, accélérer la reconstruction, soutenir l’activité économique et protéger les notations de crédit.

Le cas des inondations n’est toujours pas réglé

Avec la répétition des inondations majeures, qui déferlent sur la province depuis 2017, les impôts et les fonds publics ne suffiront plus à payer la note et les citoyens n’auront plus la capacité de continuer de payer si de telles inondations se poursuivent. C’est ce qu’avait affirmé le directeur du Réseau Inondations intersectoriel du Québec (RIISQ), Philippe Gachon en entrevue au Portail de l’assurance, en avril 2019.

« On a besoin de transférer ce risque financier aux assureurs, mais encore faut-il qu’ils aient accès aux cartes des risques d’inondations qui compilent les données actuelles et qu’elles soient mises à jour régulièrement », avait-il poursuivi.

Au printemps 2021, les résidents de la communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pourront consulter le site de surveillance « Crues Grand Montréal », qui devrait indiquer l’élévation des eaux par secteur de la CMM.