Le monde ne sera plus pareil une fois que la pandémie de la COVID-19 sera derrière nous.

Cette formule, on l’entend souvent par les temps qui courent. Or, elle s’applique particulièrement au courtage en assurance de dommages, affirme Jean-François Desautels, premier-vice-président au Québec d’Intact Assurance. Le Portail de l’assurance s’est entretenu avec lui le 29 avril, ainsi qu’avec Marie-Lucie Paradis, vice-présidente, distribution stratégique et communications, pour discuter de mesures prises par Intact face à la crise qui sévit. Le jour même, Intact a présenté sa nouvelle série de mesures d’allègement en assurance des entreprises.

Une crise en 3 phases

La crise de la COVID-19 est survenue alors que l’industrie était dans une phase de hausse des taux, dit M. Desautels. Des assureurs se sont alors adaptés et ont ensuite annoncé des mesures d’allègement en assurance des particuliers. C’est maintenant le tour de l’assurance des entreprises. Le bulletin envoyé par l’assureur le 29 avril était la septième communication faite aux courtiers depuis le début de la crise.

M. Desautels affirme qu’un tiers des entreprises clientes d’Intact verront un gel de leurs primes. Intact n’annulera plus les couvertures pour non-paiement. Plusieurs contrats, environ le tiers, sont aussi renouvelés pour les six prochains mois, avec un allègement des inspections et une révision des critères de souscription.

Des entrepreneurs pourraient toutefois voir une hausse de leurs primes. Dans ces cas, Intact affirme qu’elle sera plus flexible dans sa souscription, notamment pour les bâtiments vacants et les chantiers, par exemple. On invite aussi les entrepreneurs à discuter de leur situation avec leur courtier.

« Dans plusieurs cas, on réduit les taux de façon importante, notamment pour tenir compte de la capacité de payer des entrepreneurs. On va donc accepter de déplacer le paiement de la prime dans le temps », dit le premier vice-président d’Intact.

Leadeurship à assumer

M. Desautels se dit conscient que certaines entreprises clientes de courtiers ont subi des hausses importantes de leurs primes, puisque ce ne sont pas tous les assureurs qui ont adopté des mesures d’allègement. « Nous sommes le plus grand assureur des entreprises au Québec. Nous avons un rôle de leadeurship à assumer. On croit qu’on aura une influence sur le marché », affirme M. Desautels.

En assurance des entreprises, Intact entre dans la phase d’exécution de son plan de mesures d’allègement. « Ce sera un défi de faire connaitre nos offres. On les publicise à grande échelle. Notre défi sera aussi de les rendre accessibles au plus de gens possible. On demande donc aux courtiers d’être proactifs en la matière », dit M. Desautels.

Il rappelle qu’Intact a aidé plus de 260 000 de ses clients en assurance des particuliers au Canada, pour un allègement dépassant les 100 millions de dollars (M$).

Ces réductions de primes ont aussi un effet sur les courtiers, qui voit leur rémunération être réduite. « C’est un effort collectif, souligne M. Desautels. Si un rabais est appliqué, la commission est adaptée en conséquence. »

D’où viendra la croissance ?

Avec la pandémie, Intact dit avoir observé une diminution assez importante de soumissions, révèle M. Desautels. Ça reprend un peu ces jours-ci, mais pas au niveau habituel généré par les précédentes campagnes d’Intact, incluant celle du personnage de Rogatien, interprété par Patrick Huard.

Point positif : la rétention de l’assureur demeure stable en assurance automobile et en assurance habitation, ajoute M. Desautels. « On peut donc s’attendre à une reprise de ce côté, étant donné que notre base de clientèle est stable », dit-il.

Il est toutefois plus difficile d’établir des projections en assurance des entreprises, affirme le premier vice-président d’Intact au Québec. « On verra comment cette énigme se résoudra au fil des semaines et des mois. On s’attend à ce que le tout évolue en fonction de la profondeur et de la vitesse de la crise. »

Le segment des risques spéciaux aura toutefois un rôle important à jouer dans la croissance future d’Intact. « Ce n’est pas une cachette, nous avons la ferme intention de mettre la situation actuelle d’Intact à profit dans ce marché », dit M. Desautels.

Rappelons qu’Intact est maintenant propriétaire d’un assureur américain spécialisé dans ce marché : OneBeacon. Intact a aussi mis la main sur La Garantie, compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord, spécialisée dans le créneau de la haute valeur et rebaptisée depuis Intact Prestige.

L’expérience glanée aux États-Unis permettra notamment à Intact de renforcer sa souscription en assurance agricole, marché dans lequel Intact détient une filiale nommée Intact Assurance agricole. « De nouvelles technologies nous permettront de renforcer nos systèmes à cet égard. Dans les marchés spécialisés, ce qu’on apprend de nos nouvelles entités nous permettra de dégager une rentabilité et d’y devenir un joueur important », dit-il.

L’apport du numérique

Mettre de l’avant les outils numériques sera un combat important à mener dans le monde post-COVID-19, dit aussi M. Desautels. Il n’y a pas que les courtiers qu’il faut convaincre, dit-il. C’est aussi le cas des autres assureurs, dit celui qui porte aussi le chapeau de président du comité BAC-Québec. Les lois devront aussi être adaptées à cet égard, souligne-t-il.

Marie-Lucie Paradis dit sentir un plus grand mouvement pour adopter des outils numériques en ces temps de pandémie. « Les gens prennent conscience que le monde ne sera plus le même après la COVID-19 », dit-elle.

M. Desautels affirme que les courtiers se divisent en trois catégories en ce moment face au numérique. Il y a tout d’abord ceux qui n’en ont jamais assez et qui veulent toujours avoir accès à plus d’outils numériques. Viennent ensuite ceux à qui il faut une crise comme celle que l’on vit actuellement pour prendre conscience de l’importance du numérique.

Il reste ensuite un petit groupe de courtiers qui y sont fermés pour des raisons philosophiques ou opérationnelles. Ces derniers peuvent néanmoins tirer leur épingle du jeu de par le service, mais ils devront s’adapter un jour ou l’autre, croit M. Desautels.

L’importance des courriels

Avoir les adresses courriel des clients sera aussi important, dit M. Desautels. Il juge qu’il y a un écart important entre les courtiers et les assureurs directs à ce niveau. La pandémie est toutefois une occasion de se rapprocher d’eux pour mieux faire connaitre leur offre de services, estime M. Desautels. « Les courtiers ont un avantage par rapport aux assureurs directs à ce niveau. Ils sont proches de leurs communautés. Ils peuvent faire jouer cela. »

Il souligne que des gens qui n’avaient pas l’habitude d’utiliser le numérique ont été obligés de le faire vu la pandémie. M. Desautels donne l’exemple de sa propre mère qui fait dorénavant son épicerie via Internet.

« Ça peut devenir la nouvelle norme pour beaucoup de gens. Le numérique est bien pour gérer la crise actuelle, mais il le sera aussi pour la suite des choses, tant pour la relance économique, l’adaptation qui s’en suivra et les nouvelles attentes des clients qui en découleront. On s’en va vers cela. »

Une volonté à mousser

Il souligne que la grande majorité des systèmes de gestion de courtage (BMS) sont capables de fournir des systèmes de gestion de la clientèle (CRM) aux courtiers. Selon M. Desautels, c’est plutôt leur volonté qui peut faire défaut.

Marie-Lucie Paradis ajoute qu’Intact sensibilise les courtiers à ces enjeux depuis deux ans, notamment en matière de collecte de données. L’assureur souhaite ainsi que les courtiers puissent offrir des options 100 % numériques à leurs clients.

« On les encourage aussi à créer des espaces clients, dit Mme Paradis. La pandémie a aussi amené une recrudescence des réclamations en ligne. Ça accélère le règlement des sinistres et il est plus facile pour les clients de voir que les transactions ont eu lieu. »

D’ailleurs, à la fin mars, avec le soutien des courtiers, Intact a envoyé 750 000 courriels incitant les clients de l’assureur à s’inscrire à leur espace client et à télécharger l’application mobile qui y est liée. Dans une communication datée du 1er avril, Intact demande aux courtiers d’intensifier ensemble leurs efforts pour parvenir à une transition 100 % numérique.

Mme Paradis souligne que des courtiers embarquent très rapidement dans ce type de processus. Il y en a aussi qui multiplient les courriels à leurs clients, notamment pour faire connaitre les mesures d’allègement qu’Intact a mises en place, mais aussi le site transactionnel qui a été conçu à cet effet.

Au bout du compte, le courtier doit s’assurer d’informer son client, dit Mme Paradis. « Il y a plus d’ouverture et de conscientisation de la part des courtiers face au numérique », dit-elle.

PAR HUBERT ROY ET SERGE THERRIEN