Comme l’avait fait le gouvernement du Québec la veille, le gouvernement du Canada a accordé un répit fiscal aux contribuables mercredi 18 mars. Ceux-ci pourront transmettre leur déclaration de revenus pour l’année 2019 le 1er juin. Le congé de paiement du solde fiscal est reporté après le 31 aout 2020.

En matinée le 18 mars à partir de sa résidence officielle à Ottawa, où il est toujours en isolement, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé les mesures de son plan d’intervention économique pour répondre à la COVID-19. Le report du paiement des impôts dus privera le trésor fédéral d’environ 55 milliards de dollars (G$). Le report du paiement n’entrainera aucune pénalité ni frais d’intérêt.

Des mesures sont annoncées pour les travailleurs privés de revenus de même que pour les entreprises. Une partie des députés aux Communes seront rappelés pour adopter les mesures requises par ce plan d’aide, particulièrement les mesures d’aide ciblant les particuliers. Pour ceux qui n’ont pas accès aux prestations d’assurance emploi, le gouvernement crée la nouvelle Allocation pour soins d’urgence (ASU) qui sera versée par l’intermédiaire de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Institutions financières

Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a par la suite fourni plus de détails sur les mesures fédérales. Il était accompagné du président de la Banque du Canada, Stephen Poloz, car des mesures d’assouplissement sont aussi prévues pour le secteur financier. Ceux-ci avaient déjà été réunis vendredi dernier pour annoncer une baisse du taux directeur à 0,75 % et d’autres mesures pour soutenir le bon fonctionnement des marchés.

Le gouvernement a obtenu l’assurance des institutions financières qu’elles pourront accorder un report des paiements d’hypothèque pouvant atteindre six mois aux clients qui en font la demande, de même que la possibilité d’un allègement sur d’autres produits de crédit. Depuis lundi dernier, la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) peut fournir le financement nécessaire pour faciliter le rachat des prêts hypothécaires assurés les plus problématiques.

Pour inciter les PME à garder leurs salariés, le gouvernement prévoit une subvention salariale équivalant à 10 % des salaires pendant les 90 prochains jours, et ce, jusqu’à concurrence de 1 375 $ par employé et de 25 000 $ par employeur. Cette seule mesure pourrait couter 3,8 G$. Les sociétés admissibles à la déduction pour petites entreprises, les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance ont accès à ce programme.

Le congé de paiement du solde fiscal des entreprises est aussi reporté après le 31 aout 2020. L’ARC suspend ces vérifications fiscales pour les quatre prochaines semaines. De nouvelles facilités de crédit sont offertes par l’entremise de la Banque de développement du Canada (BDC) et Exportation et développement Canada (EDC).

Des facilités de crédit d’environ 500 G$ sont accordées aux institutions financières pour maintenir la solidité du système bancaire canadien.

Réactions des milieux d’affaires

Les réactions du milieu des affaires ont été généralement favorables. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) rappelle toutefois que les mesures de confinement ont pour effet de faire chuter les revenus de nombreuses entreprises du secteur des services. La FCEI juge insuffisante la subvention salariale de 10 % et ne croit pas qu’elle suffira à aider les PME à garder en emploi leurs salariés.

La FCEI félicite le gouvernement pour avoir élargi l’accès à l’assurance emploi aux personnes malades ou en quarantaine, en plus d’offrir une aide financière temporaire aux autres employés et aux travailleurs autonomes qui n’ont pas de filet social.

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) « salue l’aide financière élargie aux individus, en particulier ceux à faible revenu et les parents, pour maintenir le pouvoir d’achat de la population ». Les mesures de soutien aux entreprises, dont le report de la déclaration de revenus et du paiement des montants d’impôts qui deviennent exigibles, de même que la subvention salariale temporaire, sont aussi bien accueillies par le CPQ.

Du côté de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), l’accueil est tout aussi positif, mais on souhaite que d’autres mesures soient mises en place dans les prochains jours. Concernant l’ASU, « il est important de s’assurer que les montants prévus sont administrés le plus rapidement possible aux individus concernés », indique la FCCQ.

Les travailleurs autonomes qui n’ont pas accès à l’assurance emploi et les travailleurs saisonniers qui pourraient ne pas compter assez d’heures pour se qualifier à ce même programme ne doivent pas être oubliés, souligne la Fédération.

La FCCQ estime que le gouvernement fédéral doit arrimer les efforts de la BDC avec ceux d’Investissement Québec afin de s’assurer que « l’aide aux entreprises réponde aux besoins, soit facile d’accès et soit complémentaire à l’offre retrouvée par les institutions financières ».

À la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc se réjouit aussi de l’ampleur inégalée des mesures annoncées par Ottawa. « L’injection d’un montant de 27 G$ en appui direct aux entreprises et aux particuliers est un geste majeur pour aider les entreprises et les particuliers à se garder la tête hors de l’eau en cette période difficile », note le président et chef de la direction de la CCMM.

M. Leblanc réclame lui aussi que les entreprises et les particuliers puissent avoir accès rapidement à ces sommes, que les processus de demande soient simples et que les délais de traitement soient courts.

Travailleurs étrangers temporaires

Le 18 mars, la FCEI et l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) avaient exprimé leur inquiétude à la suite de l’annonce de la fermeture des frontières canadiennes aux visiteurs étrangers. Quelque 16 000 travailleurs étrangers temporaires (TET), surtout en provenance du Mexique et d’autres pays d’Amérique centrale, sont embauchés par les producteurs agricoles québécois pour les aider à livrer des fruits et des légumes aux détaillants en alimentation.

En après-midi, le premier ministre du Québec François Legault a confirmé que les discussions avec le gouvernement fédéral allaient permettre de contourner cet obstacle de la fermeture des frontières. Le ministre canadien de la Sécurité publique et de la Protection civile, Bill Blair, a plus tard confirmé que « les étudiants internationaux, les travailleurs sous visa et les travailleurs étrangers temporaires pourront également entrer au Canada, à la condition de respecter la demande du gouvernement de s’isoler pendant 14 jours ».

Reste à voir si ces TET pourront trouver un moyen de transport pour venir au Canada, étant donné les problèmes vécus par les compagnies aériennes, qui ont annulé de nombreuses liaisons.

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