L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) a annoncé, à la fin du mois de mai, l’élargissement de son programme de mutualisation des données pour la détection de la fraude en assurance collective vie et santé. 

Ce programme, lancé en 2021, met en commun les données de l’industrie afin de détecter les tendances et les scénarios de fraude et de créer des alertes que les assureurs participants peuvent prendre en compte dans leurs propres efforts de lutte contre la fraude.

Le programme mise également sur la collaboration : il permet aux assureurs d’intensifier leurs enquêtes et de coopérer avec d’autres régimes lorsqu’une anomalie émerge de leurs propres données ou lorsqu’une tendance plus large, détectée par l’outil d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique (AA), correspond à leur expérience. 

Lancé dans le secteur de l’assurance collective de personnes pour pallier le problème de la durabilité des régimes, mais aussi pour répondre au nombre considérable d’acteurs au service des membres des régimes (plus de 70 % des Canadiens sont couverts par un régime d’assurance collective de personnes, selon l’ACCAP), le programme fait partie d’une série d’outils qui permettent aux membres de l’association de collaborer. 

 Ces outils comprennent également un registre central des prestataires de services, la mise en commun des données relatives aux demandes de remboursement et un dispositif d’enquête entre entreprises.

Le partenaire technologique de l’ACCAP dans cette initiative est la société Shift Technologies, spécialisée en science des données et en solutions d’IA pour les assureurs et les associations à l’échelle mondiale. Déjà active au Canada, Shift collabore également avec Équité Association dans le développement d’un outil similaire pour le secteur de l’assurance de dommages. 

Analyse, détection et coopération 

« L’objectif fondamental est d’aider les membres de l’ACCAP à détecter davantage d’activités suspectes dans le traitement des réclamations », explique au Portail de l’assurance Al Culbertson, directeur du marketing produit chez Shift. « La solution repose entièrement sur l’intelligence artificielle, avec différentes combinaisons d’analyse prédictive et d’apprentissage automatique. Ce sont ces technologies qui permettent d’analyser les données de réclamations et d’identifier les comportements anormaux. » 

Actuellement, 20 assureurs participent à l’initiative. Le programme cible la fraude commise par les fournisseurs de services, par exemple, des facturations pour des services non rendus ou l’utilisation de prestations pour des amis ou membres de la famille non admissibles. Aucune donnée personnelle des assurés n’est partagée dans le cadre de ce projet. 

Shift Technology analyse les données de réclamations des fournisseurs provenant des 20 assureurs participants, les analyse au moyen de l’IA, puis identifie des schémas potentiels de fraude à l’échelle de l’industrie. « Chaque assureur peut ensuite examiner les résultats et, s’il le souhaite, entamer une enquête », indique Joanne Bradley, vice-présidente à la lutte contre la fraude à l’ACCAP en entrevue avec le Portail de l’assurance.

« Quand on peut combiner toutes ces données, collaborer et utiliser un outil capable d’en faire ressortir des cas potentiels ou suspects de fraude, on commence à voir des tendances émerger à l’échelle sectorielle », poursuit-elle. 

Une fois l’analyse effectuée, la technologie de Shift génère des alertes qui sont diffusées aux assureurs participants. Ces derniers ont accès aux résultats propres à leurs données, ainsi qu’aux alertes sectorielles. De son côté, l’ACCAP ne voit que des rapports globaux, sans détails propres à un assureur. 

« Vous et moi pourrions lutter individuellement contre la fraude, mais lorsque plusieurs régimes unissent leurs efforts, cela donne une image beaucoup plus complète des activités suspectes », souligne M. Culbertson. « Cela permet de détecter des tendances et des comportements à l’échelle de l’industrie qu’un seul régime ne verrait peut-être pas. » 

Un effort concerté entre concurrents 

Enfin, si la collaboration entre concurrents peut sembler contre-intuitive, l’ACCAP affirme que cette démarche reçoit un appui important de la part de ses membres. 

« Nous croyons fermement que la lutte collaborative contre la fraude en assurance est un avantage majeur », affirme M. Culbertson. « Trouver des zones de collaboration, plutôt que de se concentrer uniquement sur la compétition, élève véritablement l’ensemble de l’industrie. » 

« Si des fraudeurs sévissent dans votre régime, il y a fort à parier qu’ils opèrent aussi ailleurs », indique-t-il.