Dalles de béton qui s’abattent sur des autoroutes, égouts fluviaux qui ne suffisent pas à la demande, bouts de pont qui s’effondrent… La liste de problèmes des infrastructures québécoises est longue. Pourtant, des solutions existent pour pallier ces problèmes. Malgré tout, gouvernements et municipalités demeurent négligents dans l’entretien de leurs infrastructures.L’Alliance pour la protection des infrastructures souterraines du Québec (APISQ) a mis en place un système permettant aux municipalités de comptabiliser les bris d’infrastructures au Québec. À lire les journaux et à écouter les bulletins de nouvelles, on pourrait croire que le téléphone ne dérougit pas chez cet organisme. Alors, combien de municipalités ont rapporté de bris à l’APISQ? Zéro! Et ce, malgré l’insistance de l’organisme. L’APISQ ne baisse néanmoins pas les bras et poursuivra sa croisade en sensibilisant les municipalités par écrit, compte tenu que les contacts établis jusqu’à maintenant ne semblent pas porter des fruits.
L’application virtuelle de l’ASPIQ permet de comptabiliser tous les bris d’infrastructures au Québec, que ce soient des bris de conduites publiques ou des bris d’installations appartenant à des propriétaires d’infrastructures tels que Hydro-Québec, Gaz Métro ou Bell Canada. Ce décompte pourrait permettre de savoir combien il y a de bris et les couts reliés à ces bris.
Six bris par jour
Même si elle n’a pas de signes de vie des municipalités du Québec, l’APISQ a dressé un portrait de la situation en 2010 à partir de données fournies par différents propriétaires d’infrastructures. Cette analyse démontre qu’il se produit plus de six bris de conduits souterrains par jour. Le bris qui revient le plus souvent est celui causé par une rétrocaveuse, qui accroche un câble ou un tuyau lors de travaux d’entretien et d’amélioration de conduites publiques ou d’égouts municipaux.
« Tout ceci pourrait être évité si, avant de faire des améliorations souterraines, on prenait le temps de contacter le centre d’appels d’Info-Excavation qui peut à ce moment indiquer où se trouvent les infrastructures autour de l’équipement à entretenir ou améliorer », dit Nathalie Moreau, directrice générale de l’APISQ. Malheureusement, dans le tiers des cas la vérification n’est pas faite avant, dit-elle. Les conséquences de ces bris sont néanmoins désastreuses. Le tiers des bris nécessitent le déplacement de services d’urgence afin de régler la situation. Dans 91% des cas, cela se traduit par une interruption de service pour le client.
« Le Québec a bien du retard à rattraper de ce côté. Non seulement du point de vue de la comptabilisation
des bris, mais aussi du côté de la règlementation à appliquer. En Ontario, il a fallu un décès lors d’un travail d’excavation pour que les différents intervenants s’impliquent. Dans cette province, la commission de la santé et de la sécurité au travail est impliquée directement dans le dossier. Notre organisme veut s’assurer que le maximum de propriétaires d’infrastructures et aussi de municipalités s’impliquent et collaborent avec nous pour réduire le nombre de bris », dit-elle.
(LB) Bien que jugée préoccupante, la problématique posée par les dégâts ne doit occulter celle des dégâts causés par le feu, rappelle la Mutuelle des municipalités du Québec, une filiale du Groupe Ultima.
La Mutuelle assure des municipalités de 30 000 habitants et moins. La réalité y est tout autre qu’à Montréal, Laval ou Québec, souligne Louise Desjardins, directrice des communications et des relations publiques. La priorité de ces municipalités demeure le feu, surtout en ce qui a trait aux poursuites qui peuvent découler d’un incendie, dit-elle.
« Un citoyen peut poursuivre la municipalité en alléguant que le combat de l’incendie de sa résidence a été mal fait. Toutefois, les municipalités doivent maintenant se doter d’un schéma de couverture de risque contre l’incendie et ce, depuis 2000. Ce schéma consiste notamment en l’amélioration des connaissances des risques d’incendies dans les municipalités afin de favoriser une protection optimale du patrimoine et une plus grande efficacité des ressources. Ces schémas rendront les poursuites contre les municipalités plus difficiles », explique-t-elle.
Les assureurs aussi inquiets
Il n’y a pas que les maitres d’oeuvre des grandes infrastructures du Québec qui sont inquiets. Les assureurs le sont aussi.
La situation est à ce point critique que le Bureau d’assurance du Canada (BAC) a fait des dégâts causés par l’eau sa priorité. Le regroupement d’assureurs travaille à mettre au point un outil de gestion de risque avec les municipalités.
Le BAC rappelle que les dommages causés par l’eau ont monté en flèche depuis le début des années 2000. Il y a dix ans, ils représentaient 25 % de toutes les réclamations. Cette proportion est aujourd’hui supérieure à 50 %. Les dommages par l’eau sont devenus la source principale de réclamations. Toutes catégories confondues, les sinistres payés pour les dommages par l’eau ont totalisé 630 millions de dollars (M$) en 2008.
Selon certaines estimations faites par le BAC, il y a une tendance àla baisse en assurance des particuliers. Les dommages causés par l’eau ont totalisé environ 550 M$ en 2010, soit 50 % des sinistres payés par les assureurs dans ce segment d’affaires. La baisse observée de 2008 à 2010 s’explique essentiellement par le montant total des sinistres se rapportant aux biens des particuliers, qui est passé de 1,3 milliard de dollars (G$) en 2008 à 1,1 G$ en 2010, ajoute le BAC.
Les changements climatiques jouent un rôle prépondérant dans cette réalité. Or, les infrastructures municipales d’évacuation de ces eaux ne suffisent plus à capter toute cette eau et à l’évacuer, dit Jack Chadirdjian, directeur des affaires publiques du BAC.
Manque d’entretien
« Selon nos évaluations, 40 % des dommages par l’eau sont causés par le manque d’entretien des installations sanitaires ou par le manque d’entretien du bâtiment de l’assuré. Il n’en reste pas moins que 60 % des dégâts d’eau sont causés par la défaillance des infrastructures municipales », précise-t-il. Le BAC exerce des représentations auprès des municipalités et du gouvernement du Québec afin de les sensibiliser à l’importance d’investir de l’argent dans l’entretien des infrastructures souterraines. « Les élus ne voyaient pas le lien entre les changements climatiques et les dommages par l’eau ni entre les changements climatiques et les assurances. Ce n’est pas aussi vendeur pour un gouvernement de faire campagne en annonçant des améliorations à son réseau souterrain que s’il annonce la création de nouveaux parcs ou l’amélioration du réseau routier » dit-il.
Pourtant, la pluie abondante due aux changements climatiques est bien réelle et il faut que les gouvernements
continuent à investir dans le réseau, dit M. Chadirdjian. Le consommateur peut aussi prévenir les dégâts par l’eau en prenant diverses mesures, comme s’assurer que son bassin de captation est fonctionnel, dit-il.
« Malgré tout, les infrastructures municipales datent de tellement longtemps qu’elles ne supportent pas de si grandes quantités d’eau. Les évaluations du BAC démontrent qu’en moyenne ces infrastructures ont atteint 63 % de leur vie utile, dont certaines sont carrément désuètes, alors que d’autres achèvent leur durée de vie », dit-il.
Autre problème soulevé par le BAC : l’octroi de permis de toutes sortes qui influent sur le nombre de dommages par l’eau. Les municipalités permettent souvent la construction de garage en pente ou encore l’enlèvement de gazon au profit d’asphalte ou de pavé-uni, fait remarquer M. Chadirdjian.
Dans le cas des garages en pente, si le drain pour évacuer l’eau est le moindrement bloqué ou trop petit, l’eau entre dans le garage. Quant au pavé uni et à l’asphalte, ceux-ci n’absorbent pas l’eau comme le ferait le gazon et l’eau est donc évacuée ailleurs chez l’assuré ou chez le voisin. « Les municipalités doivent réfléchir avant d’octroyer ce genre de permis » dit-il.
Le BAC travaille d’ailleurs actuellement sur un outil de gestion
de risques qui mesurera la probabilité d’un dommage par l’eau pour une municipalité ou un secteur précis. On pourra identifier par cet outil les rues ou secteurs où il s’est produit un dommage par l’eau. Le gouvernement pourra aussi savoir où investir son argent afin de moderniser les installations qui en ont le plus besoin. Les assureurs pourront aussi mieux gérer leurs risques avec ces informations.
Mme Moreau dit croire que la situation pourrait s’aggraver d’ici les dix prochaines années, compte tenu du fait que les municipalités prévoient des plans de rénovation majeurs des infrastructures souterraines,
avec une pointe prévue en 2014. Plus on fait de travaux, plus il y a des conséquences et des bris, dit-elle.
À cet effet, Mme Moreau dit vouloir travailler avec les assureurs pour promouvoir les bonnes pratiques à adopter lors de tels travaux. Le BAC est d’ailleurs membres de l’ASPIQ. Michèle Malo, directrice des sinistres pour le Québec chez RSA, siège sur un comité permanent sur les pratiques d’excellence en matière de creusage auprès de l’APISQ.