Les effets d’une inondation majeure ne disparaissent pas en quelques semaines. Cinq mois après l’inondation du 1er mai qui a causé des dommages à près de 275 immeubles, Baie-Saint-Paul panse toujours ses plaies. D’importants dégâts sont encore visibles sur plusieurs maisons qui ont été détériorées par les eaux et plusieurs des résidences les plus endommagées devront être démolies. 

Plus de 600 résidents avaient dû être évacués lors de ce sinistre de l’été 2023 qui a causé la mort de deux pompiers en amont, à Saint-Urbain. Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, avait parlé d’un cocktail parfait causé par un mélange de fortes pluies locales et de fonte des neiges dans la Réserve faunique des Laurentides. Baie-Saint-Paul avait déjà connu trois inondations entre 1968 et 1976, mais celle de mai 2023 est la plus importante à avoir touché cette ville à ce jour. 

« Une chance qu’elle soit survenue en plein jour, car si elle s’était produite la nuit, il y aurait certainement eu des morts », nous a raconté un sinistré qui y louait une maison. Cette résidence a été tellement endommagée que son propriétaire a renoncé à la faire réparer. Elle tombera plutôt sous le pic des démolisseurs. 

Des stigmates encore très présents 

Les stigmates sont encore très présents aujourd’hui. Lors de la crue, l’eau a monté de quatre à cinq pieds autour des façades des immeubles comme en témoignent toujours les revêtements arrachés.

Des travaux de rénovation étaient toujours en cours dans plusieurs demeures lors de notre passage à la mi-septembre. D’autres résidences étaient toujours inhabitées. Des avis de démolition avaient été affichés sur la porte des propriétés vouées à la destruction.

Un bilan dramatique 

Baie-Saint-Paul avait pourtant anticipé de graves inondations sur son territoire avant le 1er mai 2023. Dans le but d’en réduire les risques, elle avait demandé des subventions qu’offrait Québec pour renforcer ou construire des ouvrages de protection à la suite des grandes crues printanières de 2017 et 2019. 

Or, la première phase de financement adressée au ministère des Affaires municipales pour le rehaussement d’un ouvrage de protection contre la rivière du Gouffre, responsable de ce gâchis, avait été refusée le 30 mars, un mois avant les événements. Le ministère avait justifié son refus parce que la subvention demandée concernait un ouvrage de contrôle de l’érosion plutôt qu’un ouvrage de protection contre les inondations…

La ville affirme qu’au total, 273 immeubles ont été affectés par les effets des pluies torrentielles du 1er mai, dont 89 commerces. De son côté, le MSP indique avoir reçu 228 dossiers de résidents qui déclaraient des dommages, 155 venant de propriétaires et 73 de locataires. Tous n’ont pas été acceptés : 171 mandats d’expertise de dommages ont été jugés pertinents à Québec. 

Six mois plus tard, l’étude des dossiers se poursuit, tant à Québec qu’à Baie-Saint-Paul. Le 5 septembre dernier, 103 permis de rénovations ou de démolition avaient été délivrés par la municipalité pour 87 immeubles, dont 5 en vue de raser des bâtiments trop endommagés.

Le processus est loin d’être terminé alors que l’automne est engagé. En date du 22 septembre 2023, 122 dossiers de particuliers (propriétaires et locataires) étaient toujours en traitement à Québec.

Facture élevée pour le gouvernement et la ville 

Le sinistre a coûté cher à la municipalité de 7 300 âmes. À ce jour, elle a dû dépenser 2,7 millions de dollars (M$) en frais divers. La facture sera aussi salée pour les gouvernements provincial et fédéral. En septembre, nous a-t-il précisé par courriel, le MSP avait versé près de 9 M$ en indemnités à 155 propriétaires et 73 locataires et ce n’est pas terminé. 

Le programme général d’assistance financière de l’État québécois lors d’inondations s’établit comme suit : 

  • Hébergement temporaire et ravitaillements du 4e au 100e jour d’évacuation : 40 $ pour chaque occupant d’une résidence évacuée 
  • Mesures préventives temporaires pour limiter les dommages à une résidence principale et biens qui s’y rattachent : 230 $ pour le propriétaire ; 130 $ par jour pour un locataire 
  • Déménagement ou entreposage : 100 % des frais raisonnables déboursés jusqu’à concurrence de 2 500 $ par résidence 
  • Travaux d’urgence : si effectués par le sinistré, 100 % de l’indemnité prévue ; si effectués en partie par le sinistré, 25 % de l’indemnité prévue ; si effectués par un entrepreneur, 90 % des frais raisonnables déboursés, factures à l’appui 
  • Dommages aux composantes de la résidence : 100 % des indemnités prévues pour les travaux de reconstruction 
  • Fissures aux fondations et à la dalle de béton : 100 % des indemnités prévues pour chaque fissure 
  • Dommages au chemin d’accès et à certaines composantes : 90 % des frais raisonnables remboursés 
  • Montant maximal : coût neuf de la résidence pour les dommages s’y rattachant, mais ne dépassant pas 385 000 $. 

C’est sans compter la contribution du ministère des Affaires municipales qui après la catastrophe a trouvé de l’argent pour Baie-Saint-Paul et a débloqué en juillet près d’un million pour réaliser rapidement les travaux de réfection et de consolidation du mur bordant la rivière du Gouffre.

Plusieurs autres ministères ont été sollicités dans le cadre de programmes d’aide après sinistres, dont 3,3 M$ provenant du Programme de résilience et d’adaptation face aux inondations du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation et 19,5 M$ du Fonds d’atténuation et d’adaptation aux catastrophes du gouvernement fédéral

De leur côté, les assurances de la Ville avaient remboursé au début septembre 102 000 $ pour certains équipements de loisirs endommagés.

On s’achemine vers des dommages et indemnités de près de 30 M$ pour l’inondation la plus coûteuse à être survenue à ce jour au Québec en 2023 et la plus meurtrière avec celle de Rivière-Éternité qui a fait deux autres morts.

Pas de double indemnisation 

Québec se garde de verser une double indemnisation à des sinistrés. Pour ceux qui détiennent une assurance personnelle, une analyse des montants versés par l’assureur est effectuée. Le MSP considère l’assistance versée pour les mesures, les frais, les dépenses, les dommages et les travaux qui ont fait ou peuvent faire l’objet d’une assistance d’une autre source que son programme et tient compte des montants versés par une compagnie d’assurance. 

Nouvelle montée des eaux le 8 octobre 

Baie-Saint-Paul n’était pas encore remise de la crue du 1er mai que des pluies de 135 mm en deux jours les 7 et 8 octobre dernier ont provoqué une deuxième montée importante des eaux.

Au printemps, le mur de protection de la rue Ménard s’était rompu sous la force du torrent, permettant aux eaux de la rivière du Gouffre d’envahir plusieurs secteurs et d’endommager des dizaines de maisons. Renforcé, il a tenu le coup, mais en amont, des zones du camping Le Génévrier déjà inondées en mai ont encore une fois été envahies, au grand désespoir de ses propriétaires.

Avec ces deux événements climatiques d’importance en cinq mois, les citoyens de Baie-Saint-Paul s’inquiètent du futur. 

Les changements climatiques touchent également les îles de la Madeleine. Érosion, submersion côtière et ouragans menacent l'archipel, tandis que les résidents s'engagent dans la lutte, malgré des choix difficiles à venir. Retrouvez notre dossier Les îles de la Madeleine en état d’alerte dans l'édition d'octobre 2023 du Journal de l'assurance.