Pour aller chercher des parts de marché des mains des assureurs directs, Intact Assurance a investi dans un centre d’appels dont les représentants font de la prospection pour les courtiers. L’infonuagique joue un grand rôle dans cette nouvelle initiative, qui est présentement réservée à 50 courtiers.C’est ce qu’ont révélé Denis Garneau et Richard Taschereau, respectivement premier vice-président, Québec, et vice-président, marketing, ventes et communications d’Intact Assurance, lors d’une entrevue réalisée avec le Journal de l’assurance à la fin novembre, dans les locaux de l’assureur, à Montréal.
Les clients ciblés sont ceux ne faisant pas partie de la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus. Un représentant d’Intact appelle un prospect depuis un centre d’appels et lui demande auprès de quel assureur il souscrit son assurance automobile et son assurance habitation. Si le prospect répond qu’il traite avec un courtier, il le félicite de son choix et lui conseille de lui parler d’Intact lors de son renouvèlement.
Si le client répond qu’il traite avec un assureur direct, le représentant lui demande quelles sont ses dates d’échéance et s’il souhaiterait être recontacté avant celles-ci. S’il répond oui, un nouvel appel est fait un mois avant sa date de renouvèlement. S’il est toujours intéressé, le représentant d’Intact transfère l’appel à l’un des 50 courtiers faisant partie du projet pilote Web de l’assureur. Le premier courtier disponible, filtré selon le code postal du client, répond.
« On ne veut pas prendre le client d’un courtier pour l’envoyer chez un autre, dit Richard Taschereau, vice-président, marketing, ventes et communications d’Intact Assurance. On croit qu’on peut aller chercher de 50 % à 60 % de la population par cette approche. On a déjà un taux de réponse très élevé. »
60 personnes au centre d’appels
Environ 60 personnes travaillent au centre d’appels d’Intact sur ce projet, de 10 heures à 21 heures, du lundi au vendredi. « On y a va selon la demande. Le tout implique aussi que des courtiers soient disponibles le soir. Ça ne convient pas à tous les courtiers, car certains préfèrent miser sur l’assurance aux entreprises. Ça prend aussi une certaine capacité téléphonique pour participer au projet », dit M. Taschereau.
Pour Denis Garneau, premier vice-président, Québec, la taille d’Intact lui confère des avantages sur le plan de la publicité et de la mise en place de centres d’appels. « Toutefois, nous ne sommes pas des distributeurs. On doit s’assurer que l’exécution est parfaite. Si on perd 50 % des gens à cause d’une mauvaise exécution, c’est couteux. On voit déjà avec seulement 50 cabinets de courtage que certains sont plus performants que d’autres », dit-il.
Est-ce que l’offensive génère des ventes chez les courtiers? Trop tôt pour le dire, dit M. Taschereau. Il dit toutefois voir un grand intérêt des gens pour fournir leur date d’échéance. L’assureur s’attend toutefois à générer « beaucoup de primes » avec cette initiative.
Le courtier touche une commission réduite lors de la vente, mais il touche la pleine commission lors du renouvèlement.
L’assureur entend aussi accélérer ses investissements en publicité à la télévision, ainsi qu’augmenter sa cadence pour donner de nouveaux outils aux courtiers. « On travaille fort pour faire une différence dans la proposition d’offres du courtier. On ne fait pas ça juste pour effleurer. On veut que ça change quelque chose pour le courtier. On veut ainsi que le courtier s’attarde à comment il travaille », dit M. Taschereau.
Les deux hommes précisent que l’assureur ne veut pas se substituer au courtier, mais bien compléter son travail. « Le courtier n’a pas les moyens des assureurs directs. Nous, on les a. Le courtier a sa présence locale et on veut se jumeler à ça. On veut changer la donne », dit M. Taschereau.
L’intégration d’AXA dans sa phase finale
En développant de telles initiatives, M. Garneau dit qu’Intact remplit une promesse que l’assureur a faite au réseau de courtage lors de l’acquisition d’AXA, soit de lui donner des outils que sa taille lui permet d’offrir. « C’est ce qu’on a mis en place en 2012. Ce sera plus fort en 2013 », dit-il. D’ailleurs, l’assureur lancera un nouvel outil le 1er février 2013, mais n’a pas voulu en dévoiler la teneur lors de l’entrevue.
Par ailleurs, l’intégration des affaires d’AXA dans les livres d’Intact est bien avancée. M. Garneau estime qu’entre 80 % et 90 % des polices d’AXA ont été converties. Les contrats qui restent sont ceux de deux ans en assurance des particuliers, ainsi que quelques polices en assurance aux entreprises. Le transfert des polices dans les segments plus spécialisés, comme l’assurance erreurs et omissions (E&O), administrateurs et dirigeants (D&O) et marine, a débuté à la fin de l’été.
L’assureur terminera 2012 avec le même volume que celui du début de l’année, malgré le taux de déchéance usuel de 10 %. « Ce qu’on a perdu, on l’a remplacé. On s’attendait à perdre un peu plus que le 10 % à 12 % habituel. C’est extraordinaire pour nous. L’intégration d’AXA a pris beaucoup de place, et c’était un défi en soi, mais malgré tout, on a réussi à lancer plusieurs initiatives, dont de la publicité et de la vente par le Web », dit M. Garneau.
Au début de l’année, Intact avait annoncé à ses courtiers vouloir aller chercher un volume supplémentaire de 200 millions de dollars (M$), au Québec. « On n’a pas le choix d’être compétitif, dit M. Taschereau. Les courtiers comprennent très bien l’envergure de notre défi. On ne peut pas réussir sans développer de nouveaux projets et sans contribuer au développement des courtiers. Il faut sortir des sentiers battus. »
M. Garneau ajoute que les 200 M$ visés représentent la taille de quelques assureurs directs au Québec. « C’est primordial. Avec la taille qu’on a maintenant, il faut aller chercher des parts de marché aux mains des directs. On le voit aussi avec Internet. Ce moyen va rester. Ça ne sert à rien de vouloir stopper le changement », dit-il.
Pour mener à bien la conversion, l’assureur avait embauché 75 personnes dédiées à cette opération. « En assurance des particuliers, on n’a pas eu beaucoup de problèmes. Les difficultés qu’on a pu avoir ont trait à l’apprentissage de nos systèmes par les courtiers. Il a fallu en former beaucoup en peu de temps », dit M. Garneau.
Malgré tout, les courtiers n’ont pas semblé en souffrir, car les résultats du sondage sur le service à la clientèle que mène Intact auprès de ses courtiers sont demeurés semblables. « À notre agréable surprise, si on compare avant et pendant l’intégration, les cadrans n’ont pas bougé, dit M. Taschereau. Les courtiers comprenaient que c’était une période d’intégration. Ils étaient conscients que tout ne serait pas parfait. »
L’assureur souligne toutefois que la conversion a été plus difficile pendant un temps, en assurance des entreprises. « Les mois d’avril, mai et juin sont toujours de grosses périodes dans ce segment. On a eu plus de difficultés, mais ça s’est résorbé », dit M. Garneau.
Quant au choix des produits à conserver, Intact a choisi de regarder le mot-à-mot de chaque produit offert et de conserver les meilleures protections pour renforcer les polices de base. Dans les segments spécialisés, ce fut encore plus simple, car Intact en souscrivait peu. Les ententes liées à divers groupes, comme CAA-Québec ou la FADOQ, ont été maintenues.
« Ce qu’on dit aux courtiers, c’est que nous préférons être forts dans 4 ou 5 marchés, plutôt qu’en avoir une douzaine où on est moins forts. Le consommateur n’y perd rien en bout de ligne », dit M. Garneau.
Acquisitions futures
Appelée à commenter les propos du PDG de l’Autorité des marchés financiers Mario Albert, qui a mentionné au cours des derniers mois qu’il ne dirait pas nécessairement oui à une nouvelle transaction en assurance de dommages, M. Garneau a préféré ne pas commenter, disant qu’il ne lui revenait pas de commenter les positions du régulateur. Il a toutefois rappelé que le Bureau de la concurrence du Canada a établi à 35 % le niveau de concentration dans un marché, alors qu’Intact dispose d’une part de marché d’environ 25 %, au Québec.
« Avant d’atteindre un niveau de 35 %, il n’y a pas lieu de soulever un drapeau jaune ou un drapeau rouge. Le Bureau de la concurrence regarde toujours le point de vue du consommateur. Il regarde s’il y a de la compétition pour s’assurer que le consommateur ait du choix. Il ne faut pas confondre le choix du consommateur avec des notions de réseaux de distribution », dit-il.