Les polices d’assurance vie à souscription complète disputent aux polices à émission simplifiée le titre de produits rapides à obtenir. Pour courtiser les jeunes consommateurs, des joueurs traditionnels raccourcissent leurs délais grâce au Web et à l’intelligence artificielle.

Un nombre croissant d’assureurs élimine les tests d’urine et sanguins pour des montants d’assurance de plus en plus élevés. IA Groupe financier et Desjardins Sécurité financière ont joint ce rallye dans les dernières semaines.

Avec le lancement de la plateforme EVO en mai, iA a assoupli ses exigences médicales pour les clients âgés de 50 ans et moins qui souscrivent une assurance vie dont le capital assuré est inférieur à 500 000 $. Ces clients n’ont plus à présenter de profil sanguin, de résultats de signes vitaux ou d’analyse d’urine. De plus, les tests d’électrocardiogramme (ECG) et ECG à l’effort, tant en assurance vie qu’en assurance maladies graves, ne sont plus exigés pour tous les groupes d’âge. La plateforme contribue aussi à accélérer et simplifier le processus grâce à un moteur de tarification automatisée et l’utilisation de la signature électronique.

Lors d’une entrevue accordée au Journal de l’assurance en marge de son assemblée générale annuelle du 11 mai, le PDG d’iA Groupe financier, Yvon Charest a relaté les avancées qui ont mené l’assureur à lancer EVO. Il s’agit d’une plateforme qui permet à près de la moitié des clients d’adhérer instantanément au point de vente, à tous les produits d’assurance vie, maladies graves et invalidité d’iA. La seule concerne son produit d’assurance vie à émission simplifiée Accès Vie, qui sera intégré à EVO plus tard.

En vertu du nouveau système, près de 50 % des propositions d’assurance pourront être acceptées au moment de la signature. Le délai moyen d’une transaction d’assurance passe pour ces gens de « 32 jours à une seconde », dit M. Charest. La plateforme offre une tarification qui s’adapte à l’état de santé du client.

Les proposants admissibles à la voie rapide seront principalement ceux qui demandent un montant d’assurance de 500 000 $ ou moins, et dont l’état de santé est supérieur à la moyenne. « D’ici deux ans, nous prévoyons que le logiciel sera assez avancé pour accepter jusqu’à 75 % des proposants instantanément. »

Le logiciel s’appuie sur plusieurs années de données de souscription. « Nous sommes deuxième vendeur d’assurance vie au Canada, en termes du nombre de polices. Cela fait beaucoup de propositions accumulées depuis des années. Avant, nous n’avions pas de système pour analyser et numériser toutes ces données. Nous venons d’ailleurs de créer un poste de vice-président et chef de l’analytique et des données », a dit M. Charest. Vice-président issu de la filiale Industrielle Alliance, auto et habitation, François Blais occupe maintenant ce poste.

Tendance lourde dans toute l’industrie, l’accélération des processus de tarification répond à un important changement de mentalité, et se répercute dans tous les secteurs d’activités, estime M. Charest. « Les processus se sont accélérés dans plusieurs secteurs, notamment en assurance collective, où le traitement des réclamations est très rapide, ce qui crée une pression alors que les gens veulent de plus en plus l’instantanéité », a-t-il observé.

EVO sera évolutif, a ajouté le PDG d’iA. « Il sera un exemple d’application de l’intelligence artificielle. Toute l’information dans le système sera numérisée et facilement accessible. Elle nous permettra de savoir comment tout changement que nous apportons à nos normes de tarification des risques affecte notre expérience de mortalité. »

Sans analytique

Desjardins Assurances a aussi fait le saut en mai vers une souscription allégée. L’assureur dit avoir simplifié et accéléré l’émission des contrats. Ainsi, Desjardins a éliminé plusieurs exigences de sélection afin d’émettre ses contrats d’assurance vie plus rapidement. Il y aura moins d’analyses de sang et d’urine, et moins d’électrocardiogrammes.

Desjardins fera tout cela sans recourir à l’analytique, a dit en entrevue avec le Journal de l’assurance Nathalie Tremblay, chef de produits vie et santé, développement et mise en marché de la filiale du Mouvement Desjardins. « Nous avons revu notre modèle de sélection des risques, sans le changer. Nous nous concentrons davantage sur le questionnaire médical que sur les résultats des tests, ce qui a pour effet de réduire les délais. »

Les tests sanguins et d’urine ont été éliminés pour les clients d’au plus 40 ans qui souscrivent un montant d’assurance jusqu’à 500 000 $, a-t-elle précisé. Mme Tremblay a ajouté que l’absence de ces tests prévaut aussi auprès des clients de 41 ans à 45 ans, pour les montants d’assurance inférieurs à 500 000 $. L’électrocardiogramme disparait des demandes d’assurance vie jusqu’à un montant de cinq millions de dollars.

Dans les produits traditionnels sans examens, le tarificateur pourra demander un rapport ou un examen selon les réponses à la proposition. Mme Tremblay estime toutefois que Desjardins se classe souvent parmi les moins sévères. Dans une comparaison avec ses deux principaux compétiteurs, Mme Tremblay a entre autres découvert que Desjardins se classe comme l’assureur offrant les meilleures conditions, sans tests d’urine ni sanguin, chez les assurés de 18 à 50 ans, pour les montants d’assurance de 250 000 $ à 300 000 $.

Outre l’élimination des tests, Desjardins offre aussi à ses conseillers un guide accessible par Intranet, lequel permet au conseiller de prévoir l’effet d’un risque sur les conditions d’émissions de la police de son client. Plus de 40 risques médicaux et non médicaux y sont répertoriés. Il est possible d’estimer les surprimes, selon les cas. Grâce à l’accès intranet, l’information sera accessible en tout temps plutôt que de 9 h à 5 h, a indiqué Mme Tremblay. Elle pourra par exemple permettre à un conseiller de dire à son client diabétique quelles sont ses chances d’être accepté pour une couverture d’assurance invalidité, ajoute-t-elle.

Un attrait réduit

« Le marché tend vers des produits plus sélects avec un délai d’émission tellement court qu’ils réduiront l’attrait des produits à émission simplifiée, dit Mme Tremblay. Le besoin pour un contrat d’assurance à émission simplifiée demeurera. Le produit typique est plus cher pour une couverture qui ne pourra jamais égaler la qualité de celle d’un produit avec pleine souscription. »

Mme Tremblay estime que la tendance s’accentuera. Selon elle, les assureurs veulent s’adapter à la nouvelle génération de consommateurs.

« Il faut penser aux générations plus jeunes qui achètent tout par Internet et s’attendent à recevoir leur commande dans 48 à 72 heures. Attendre 32 jours pour de l’assurance ne les intéresse pas. »

Joueur de niche actif dans les produits à émission simplifiée transigés sur le Web depuis 2013 avec Assurance sans examen médical (ASSEM), Humania Assurance a fait le saut dans la souscription accélérée de produit à sélection des risques complète en octobre 2016, avec HuGO. Son PDG, Stéphane Rochon, pense que les deux produits représentent deux gammes différentes qui ont chacune leur place dans le marché. Les personnes atteintes du VIH, qui ont subi plusieurs crises cardiaques ou ont un dossier de conduite avec facultés affaiblies continueront d’aller vers les produits simplifiés, croit-il.

Le Web a encore facilité le processus d’émission simplifié, ajoute M. Rochon. « Les produits à émission simplifiée ont été adaptés au Web plus rapidement, car ils comportaient moins de questions médicales. Lorsque nous avons commencé avec Assurance sans examen médical, nous prenions des risques plus grands qu’avec un produit traditionnel », a expliqué M. Rochon. Le tarif est toutefois ajusté en conséquence, par exemple deux fois plus cher qu’une prime régulière dans certains cas aggravés.

Gain d’efficacité

Le lancement d’HuGO en octobre 2016 a été un grand pas en avant, relate le PDG d’Humania Assurance. Il s’est inscrit dans une tendance où les assureurs parviennent à accepter instantanément un proposant, à un prix régulier. « Le vrai enjeu du produit traditionnel sur le Web n’est pas de créer une proposition électronique. Cela existe depuis 20 ans. La clé est dans l’algorithme qui prend les décisions », dit M. Rochon. Par exemple, la plateforme HuGO se connecte à la centrale de renseignements médicaux MIB, dès le début de la transaction. « Le plus complexe est d’interpréter cette information. Il faut adapter le questionnaire instantanément à un refus pour telle ou telle condition, puis modifier l’expérience client en temps réel. »

La transaction pourra prendre 15 minutes pour quelqu’un qui n’a pas de fiche au MIB alors qu’elle s’étirera à 45 minutes pour celui qui en a une. « Réduire le délai de 38 jours à un ou deux jours change l’expérience des clients et des conseillers de façon importante, dit-il. Si l’agent général reçoit une proposition d’assurance vie temporaire dix ans, il y a un cout à la traiter avec des humains et des pieds carrés de bureau. Si HuGO la traite instantanément, le cabinet du conseiller réalise un gain d’efficacité très important. »