Présidente du Million Dollar Round Table (MDRT) depuis le 1er septembre, la britannique Caroline Banks prend l’abolition des commissions comme une occasion d’affaires plutôt qu’une calamité qui décime les rangs des conseillers financiers.Mme Banks a livré en exclusivité au Journal de l’assurance son point de vue sur l’avenir de l’industrie au Royaume Uni. Ses propos ont été recueillis en marge du congrès annuel du MDRT tenu à Toronto en juin.

La nouvelle présidente pratique dans un secteur des services financiers bouleversé depuis le 1er janvier 2013, alors que la Financial Services Authority du Royaume-Uni a aboli les commissions. En vertu de la Retail Distribution Review, les conseillers sont désormais payés à l’acte, par honoraires. Les pires scénarios ont été évoqués, notamment le déclin de la cohorte des conseillers financiers. Finalement, la cohorte a plutôt augmenté de 6 %, révélait un rapport de la Financial Conduct Authority (FCA) publié en juillet 2013.

Mme Banks reconnait d’emblée que sa pratique concentrée auprès d’une clientèle à valeur nette élevée lui a permis de mieux parer le coup. PDG de Caroline Banks and Associates, une firme certifiée en planification financière établie à Londres, elle touchait déjà une large part de sa rémunération en honoraires.

Une abolition qui a purifié le marché

La nouvelle présidente du MDRT croit que l’abolition a purifié le marché. « Des conseillers quittent l’industrie parce qu’ils ne touchent plus de commissions, mais aussi parce que le régulateur a rehaussé ses exigences de formation. Les conseillers de longue date ne sont pas tous disposés à se soumettre à de nouveaux examens pour s’y conformer », dit-elle.

En plus d’interdire les commissions au Royaume-Uni, la FSA a établi que tous les conseillers financiers devraient dorénavant franchir le niveau 4 du National Qualifications Framework, pour être autorisé à offrir des conseils. Ce niveau correspond à un certificat universitaire.

Combiné à l’interdit sur les commissions, la nouvelle exigence de formation a certaines conséquences sur le bassin de conseillers, mais elle ne freine pas l’afflux de sang neuf dans l’industrie, observe toutefois Mme Banks.

« Beaucoup de candidats hautement qualifiés entrent encore dans l’industrie des services financiers. Ils viennent soutenir des firmes comme la mienne. Ils ne pourront conseiller au départ, mais participeront, entre autres, aux réunions, rédigeront des rapports et effectueront des recherches. On les appelle des paraplanificateurs », explique-t-elle.

La fin des commissions a même eu un effet positif pour les conseillers et leurs cabinets, croit-elle, surtout pour ceux qui pratiquent la planification financière. Le conseiller à commission courait, selon elle, le risque de fournir des services de planification sans être rémunéré en retour.

« Vous savez maintenant que, si vous allez jusqu’à rédiger un rapport hautement détaillé, c’est que votre client vous a mandaté de le faire et est prêt à payer en conséquence », a-t-elle ajouté.

Meilleure segmentation de la clientèle

L’abolition a ainsi amené les conseillers à mieux segmenter leur clientèle. « Cela a fait de nous des gens d’affaires plus intelligents », dit-elle.

Autre conséquence de l’abolition, le délaissement de la clientèle à faible valeur nette alimente la controverse. « Une personne à valeur nette moyenne n’est pas en mesure d’assumer les frais liés à mes services », reconnait Caroline Banks. Elle rappelle toutefois que le secteur public tente de prendre en charge ce segment de la population au Royaume-Uni. « Les régime de retraite à adhésion automatique ont fait leurs débuts dans mon pays », a-t-elle rappelé.

Parmi les solutions offertes figure le National Employement Savings Trust (NEST), un régime semblable au régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) au Québec. En vertu d’une nouvelle loi qui entre progressivement en vigueur au Royaume-Uni et s’appliquera pleinement en 2018, les employeurs sont tenus d’intégrer automatiquement les employés de 22 ans et plus dans un régime existant ou dans le NEST. Cette disposition permettra, selon le gouvernement, de rejoindre entre 5 et 6 millions de travailleurs sans régime. La firme de Mme Banks et ses 11 employés seront d’ailleurs admissibles aux nouvelles dispositions.

« J’aurais souhaité le même système en assurance, car les gens ne courent pas pour s’assurer », déplore-t-elle. Or, la clientèle cible de Caroline Banks doit compter sur elle-même tant en assurance qu’en épargne. « Je suis privilégiée que mes clients se situent dans la courbe de la valeur nette la plus élevée », dit-elle. Elle croit toutefois que ce segment a de criants besoins de planification financière.

Énorme écart entre les besoins et la couverture d'assurance

En fait, les statistiques de son pays révèlent une communauté d’affaire mal en point en matière de sécurité financière. Selon des chiffres qu’elle a obtenus de Swiss Re et qu’elle a mis à jour, la firme de services financiers londonienne Legal & General révèle un énorme écart entre les besoins d’assurance des entreprises et leur couverture réelle au Royaume-Uni. Cet écart atteignait, selon ses recherches, 1,35 billion de livres sterling, soit 1 350 milliards de livres sterling (G£), qui équivalent à près de 2 460 milliards de dollars (G$) canadiens en 2013. Il comprend plus de 223 millions de livres sterling (M£), soit 406 millions de dollars (M$) canadiens, de dettes d’entreprises non couvertes, 683 M£ (1,2 G$ canadiens) de déficit d’assurance aux actionnaires et 439 M£ (800 M$ canadiens) de déficit d’assurance aux personnes-clés.

« Les entreprises ont toujours eu à s’adapter pour survivre, mais les récentes pressions économiques ont sensiblement accéléré le rythme des changements. En conséquence, les entreprises du Royaume-Uni détiennent plus de risques non couverts que jamais », dit Mme Banks.

« J’adore ce que je fais. Ce que j’aimerais toutefois créer dans ma pratique, c’est encore plus d’occasions de démontrer la valeur de l’assurance dans le marché des entreprises », a dit la planificatrice financière, aussi comptable agréée. Par exemple, elle croit que toutes les entreprises devraient avoir de l’assurance sur les personnes-clés.

Un grand avenir malgré la clientèle vieillissante

Elle entrevoit un grand avenir avec sa clientèle plutôt vieillissante. Elle se présente aux enfants par l’entremise des besoins d’assurance vie et maladies graves. Pour les clients plus âgés, la conversation tourne davantage autour de la fiscalité. « Leur intérêt va à l’assurance conjointe au dernier décès parce que l’impôt successoral au Royaume-Uni est de 40 %, rappelle-t-elle. Vous pouvez léguer 325 000 £, soit un peu plus de 590 000 $ canadiens, (650 000 £ pour un couple, soit près de 1,2 M$ canadiens) sans imposition. Au premier décès, vous pouvez tout laisser à l’autre, mais ensuite c’est 40 % de tout! »