L’action collective intentée par des cliniques dentaires contre leur assureur, concernant son refus de couvrir l’interruption des affaires en lien avec les mesures sanitaires imposées par la COVID-19, poursuit son chemin dans le système judiciaire.
Le 13 mai dernier, le tribunal a reçu la déclaration commune soumise par les parties. Le 6 octobre 2025, le juge Shaun E. Finn a approuvé la liste des faits admis par les deux parties et inscrit l’instruction du dossier au rôle de la cour.
La Cour supérieure du Québec entendra les parties lors d’une audience qui doit durer cinq jours et demi, du 10 au 17 mai 2026 au palais de justice de Montréal.
L’action collective est portée par le Centre dentaire boulevard Galeries d’Anjou. Le cabinet d’avocats Kugler Kandestin mène le dossier pour les demanderesses.
L’Unique assurances générales est visée par ladite action collective. La société, filiale de Beneva, est représentée par le cabinet Norton Rose Fulbright Canada.
Comme c’est le cas des autres assureurs qui ont nié cette même couverture concernant l’interruption des affaires durant la pandémie, L’Unique soutient que la police couvre uniquement les dommages touchant les biens corporels de l’entreprise assurée. Partout en Amérique du Nord, la très grande majorité des actions collectives déposées contre des assureurs ont été rejetées par les tribunaux sur la base de cet argument.
Le cabinet Sogedent, exploité par l’Association des chirurgiens dentistes du Québec, a agi comme courtier pour les trois quarts des cliniques dentaires assurées par L’Unique.
Les questions en litige
Plus tôt en 2025, le juge Finn avait également entendu les représentations des parties afin de discuter du déroulement de l’instance.
Lors d’une audience de gestion de l’instance tenue le 15 janvier 2025, le tribunal constate que toutes les étapes procédurales ont été franchies. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur deux aspects.
Premièrement, l’identité des membres du groupe que la demanderesse entend interroger lors du procès demeure à déterminer. Deuxièmement, le problème du dépôt de polices qui ne font pas partie du présent dossier est aussi soulevé.
La demanderesse soutient qu’elle communiquera les noms des membres du groupe en temps utile, soit bien avant le procès. Elle ajoute que les polices d’assurance qui seront déposées en preuve ont déjà été déposées et analysées à l’étape de l’autorisation de l’action collective. Selon elle, il n’est donc pas nécessaire de les déposer par des témoins compétents provenant des assureurs concernés.
De son côté, la défenderesse demande qu’on lui communique les noms des membres du groupe afin qu’elle puisse préparer sa preuve. Elle ajoute que les polices issues d’autres assureurs que celui au dossier ne sont pas pertinentes.
Dans son jugement rendu le 5 mars 2025, le tribunal donne raison partiellement aux deux parties.
Analyse du tribunal
La demanderesse estime avoir besoin d’un délai de trois semaines afin de pouvoir nommer les cinq membres du groupe qu’elle entend interroger. La demanderesse devait communiquer les noms des témoins au plus tard le 17 mars 2025.
Quant aux pièces qui pourront être déposées par la demanderesse, le tribunal rappelle que le jugement d’autorisation comprend un tableau comparatif des différents formulaires d’assurance.
Le tribunal ajoute que le processus d’autorisation et l’instruction sur le fond du dossier sont deux étapes procédurales distinctes. Même si les pièces contestées se trouvent au dossier à l’étape de l’autorisation, elles doivent être déposées en preuve à l’étape de l’instruction, afin que la défenderesse puisse contre-interroger les témoins compétents.
Le droit au contre-interrogatoire fait partie des règles de procédure. Le tribunal estime qu’il ne peut accepter la position de la demanderesse, qui suggère à l’assureur d’appeler et d’interroger lui-même les témoins qu’il souhaite contre-interroger.
Le tribunal estime que la clinique dentaire n’a pas besoin de déposer par témoin compétent la police d’Intact alléguée dans l’exposé sommaire des moyens de défense, car cet élément fait partie de la preuve admise.
Quant à la police de l’assureur La Capitale, comme L’Unique fait partie du même groupe (Beneva) et que les polices sont similaires, de l’aveu même de la défenderesse, la demanderesse n’a pas non plus besoin de la faire déposer en preuve par un témoin compétent. Les autres contrats devront être cependant déposés par la demanderesse, estime le tribunal.
Enfin, concernant le tableau comparatif, la demanderesse n’a pas non plus besoin de le déposer. Si la défenderesse croit que le document ne constitue pas un élément de preuve et qu’il ne devrait pas se trouver au dossier de la cour à l’étape du fond, elle pourra toujours s’y opposer lors du procès, conclut le tribunal.
La procédure
La demanderesse détient une police d’« Assurance des bâtiments et du matériel à usage professionnel des marchandises » contractée auprès de L’Unique. Après avoir dû interrompre ses activités en raison du décret imposé par le gouvernement du Québec, la clinique dentaire soumet sa réclamation, laquelle est refusée par l’assureur.
La demande d’autorisation a lieu en avril 2023, en même temps que deux autres requêtes similaires visant d’autres compagnies d’assurance. Le 18 août 2023, le tribunal autorise l’action collective contre L’Unique. Le groupe est défini par toutes les cliniques dentaires du Québec qui ont dû cesser leurs activités durant les premiers mois de la pandémie et qui ont reçu un refus de couverture de la part de ce même assureur.
Le juge Finn rappelle qu’une autre clinique dentaire a vu sa demande d’action collective être rejetée. Celle-ci visait La Personnelle assurances générales et plusieurs autres assureurs. Une troisième action, celle-ci visant Intact compagnie d’assurance, a été refusée à cette même occasion.
La Cour d’appel a ensuite rejeté la demande pour permission d’en appeler du jugement d’autorisation soumise par l’assureur, toujours en 2021. Les interrogatoires au préalable ont eu lieu par la suite. En novembre 2024, la demanderesse dépose unilatéralement une demande d’inscription pour instruction et jugement. La défenderesse a déposé à son tour une demande similaire, et unilatérale, en décembre 2024.