Selon Marcel Larochelle, associé directeur de Novacap Services financiers, le financement supplémentaire provenant des nouveaux investisseurs permettra à la filiale de Revau Souscription avancée aux États-Unis de progresser rapidement dans le marché des agents généraux (MGA) en assurance de dommages.
En entrevue avec le Portail de l’assurance, M. Larochelle explique le choix du véhicule de continuation comme outil de financement dans le cas particulier de Revau, comme annoncé le 3 septembre dernier. « Les fonds privés d’investissement ont une durée normale de 10 ans, dit-il. Il y a des limites pour le montant qu’on peut placer dans chaque compagnie, de manière à diversifier le portefeuille. »
L’investissement dans Revau fait en 2020 a vite porté ses fruits, selon M. Larochelle : « Cela a été un succès fulgurant. L’entreprise est passée d’un joueur régional québécois à un joueur majeur au Canada. »
Des acquisitions stratégiques ont eu lieu et ont permis à l’agent général d’ajouter de nouvelles lignes d’affaires, comme en cautionnement ou en protection juridique.
En 2023, l’équipe de direction a commencé à chercher un point d’entrée à partir duquel elle allait développer la division de Revau aux États-Unis. Elle a fini par trouver les premières cibles l’année dernière et la transaction a été annoncée en mai 2025.
« Le marché américain est tellement grand que tu peux avoir une entreprise qui fait une ou deux lignes d’affaires et ça va être suffisant pour générer autant de revenus et de profitabilité qu’une firme de la taille de Revau au Canada », explique M. Larochelle.
Pour la croissance
L’acquisition des deux MGA basés au Texas a nécessité un nouvel apport de capitaux. Il y avait encore des capitaux dans le fonds d’origine créé par Novacap pour appuyer Revau. Les investisseurs institutionnels qui confient des sommes à cette firme privée pouvaient aussi devenir des co-investisseurs dans Revau, mais cette formule de financement avait des limites, selon M. Larochelle.
Les investisseurs du premier fonds avaient l’option de vendre leur participation au nouveau fonds qui sert de véhicule de continuation, ou encore de conserver leur placement. C’est ce que Novacap a fait avec sa propre participation dans Revau, « car on a aussi investi dans l’entreprise et pas seulement l’argent de nos investisseurs », précise-t-il.
De nouveaux investisseurs peuvent désormais se joindre au nouveau fonds pour favoriser l’expansion de Revau. Le nouveau fonds est prévu sur cinq ans avec une possibilité d’extension de deux ans. Les capitaux disponibles sont réservés uniquement au développement futur de Revau.
« À la fin, Revau pourrait être vendue, mais cette échéance ne veut pas dire qu’on est obligé de vendre la compagnie. On pourrait tout simplement créer un autre fonds qui donnera la même liquidité qui était offerte dans le premier fonds », explique Marcel Larochelle. Dans l’histoire de Novacap, la société d’investissement a conservé certaines de ses participations durant plus de 15 ans.
La possibilité d’un premier appel public à l’épargne pour créer une société publique n’est pas une bonne option pour Revau, selon M. Larochelle. « Dans les services financiers au Canada, outre les grandes banques et quelques grandes sociétés d’assurance, il n’y a pas grand-chose pour les investisseurs », dit-il.
Il cite l’exemple de Guardian Capital qui a tenté l’aventure boursière avant d’accepter récemment une offre du Mouvement Desjardins pour redevenir une société à capital fermé.
L’industrie canadienne des services financiers demeure très fragmentée, selon Marcel Larochelle. Il a pu le constater en analysant le marché des intermédiaires en souscription que sont les MGA. « C’est une collection de petits joueurs. Dans notre jargon, on appelle ça du lower mid-market », dit-il.
Peu de temps après son investissement, un chef de la technologie issu de la société Lightspeed a été rapidement recruté pour participer à l’implantation de la nouvelle plateforme de souscription de l’entreprise.
« Les investissements qu’on a faits en technologie représentaient quand même plusieurs années de profitabilité, ajoute M. Larochelle. Revau est maintenant une des entreprises les plus avancées dans son secteur d’activité en Amérique du Nord. » Cette plateforme technologique a par la suite facilité l’intégration de nouvelles ressources en souscription ajoutées dans le portefeuille de Revau.
Expansion américaine
La croissance des affaires aux États-Unis était déjà dans les cartons de Revau en 2023, comme l’avait révélé son président, Jean-François Raymond, dans une entrevue au Portail de l’assurance.
Comme président du conseil d’administration de Revau, Marcel Larochelle appuie entièrement la démarche d’expansion sur le marché états-unien.
« On arrive dans ce marché avec l’avantage d’avoir une équipe de direction qui est très solide, avec une plateforme technologique peu ou pas présente chez les autres MGA en Amérique du Nord. Et on a une équipe de gestion qui a l’habitude de gérer plusieurs lignes d’affaires, d’en ajouter d’autres et de les optimiser », explique-t-il.
Les entreprises d’une taille similaire à Revau aux États-Unis n’ont pas eu besoin d’optimiser leurs activités, en raison de la taille considérable de ce marché, selon M. Larochelle. L’expertise développée par l’équipe de direction de Revau au Canada sera ainsi mise à profit aux États-Unis.
Marcel Larochelle affirme qu’il n’est généralement pas emballé par l’idée d’une expansion aux États-Unis, où de nombreuses sociétés canadiennes ont détruit la valeur qu’elles avaient établie au Canada. « Dans le cas de Revau, on demeure prudent, mais le potentiel de croissance est incroyable. »
Les deux grossistes acquis au printemps 2025 sont spécialisés dans leur niche, note M. Larochelle, ils connaissent leur marché et leurs activités se poursuivent normalement. L’approche utilisée au Canada servira à ajouter de nouvelles lignes d’affaires aux États-Unis.
« Ces gens-là se retrouvent dans une entreprise où la plateforme technologique est unique. En se joignant à Revau, on leur offre aussi la possibilité d’en être actionnaires. C’est très intéressant pour eux », conclut Marcel Larochelle.
Trois autres dossiers
Novacap Services financiers a précédemment utilisé la formule du véhicule de continuation à trois reprises :
- Groupe Systèmes Syntax, un important fournisseur de services d’infonuagique. Selon le communiqué du 13 octobre 2021 annonçant l’investissement, Novacap indiquait que depuis l’investissement dans l’entreprise fait en 2016, Syntax avait multiplié son chiffre d’affaires par près de 15 fois.
- Groupe Master, firme fondée en 1952 et spécialisée dans les équipements de chauffage et de ventilation. Novacap y a investi en 2014 et a permis à la société de quadrupler son chiffre d’affaires jusqu’à la création du véhicule de continuation, annoncée en décembre 2021.
- Corporation Nuvei, leader mondial des services de paiement. Dans une transaction annoncée le 1er avril 2024, Nuvei est sortie du marché public et a été transformée en société privée à capital fermé.
Un marché différent
Revau cherche sa place dans cet univers composé d’énormes firmes et d’une multitude de grossistes de la même taille, mais dont la souscription de risques est concentrée dans une seule industrie.
Depuis qu’il a déménagé ses pénates au Texas en juin dernier, Jean-François Raymond fait quelques constats de ses premiers mois aux États-Unis. Lors de l’entretien avec le Portail de l’assurance, il souligne « l’éthique de travail, qui est excellente ».
Il mentionne aussi la chaleur de la réception qu’il a reçue de ses collègues. L’arrivée d’investisseurs canadiens ne leur cause aucun souci. « La relation Canada–États-Unis n’est pas très bonne en ce moment, mais ça n’est pas un enjeu ici, on a été très bien accueilli », dit-il.
M. Raymond rappelle que les deux MGA de Dallas sont axés dans des créneaux où les conditions de souscription sont très strictes : le camionnage et la construction. « Ça brasse dans ces deux secteurs. Les primes augmentent, les assureurs réduisent leurs capacités. »
Le marché des MGA aux États-Unis est très différent de celui du Canada. Bon nombre de ces intermédiaires en souscription ont un très gros volume, mais ils se spécialisent dans un seul secteur. Les marges bénéficiaires sont réduites, alors les gestionnaires compensent par le volume.
« Il y a beaucoup de commissions contingentes au Canada; ce n’est pas le cas aux États-Unis. Les MGA prennent une plus petite commission, ils en donnent moins au courtier, mais ils écrivent de gros volumes », dit-il.
« C’est le même principe qu’un grossiste comme Costco. Tu réduis les prix pour en vendre plus », explique Jean-François Raymond. Aux États-Unis, les MGA tolèrent des taux de sinistralité plus élevés que ce que l’on voit au Canada.
Chez Revau, l’approche est généraliste. On souscrit des risques dans une grande variété de secteurs en assurance aux entreprises. Aux États-Unis, les agents généraux sont axés dans un seul créneau, souvent très niché. « Il y a des MGA qui ont un volume de primes de quelques centaines de millions, mais seulement dans un produit très précis, par exemple la construction résidentielle de trois étages ou moins, et rien d’autre », précise-t-il.
« Les Américains ne comprennent pas ce qu’on fait. Ils sont ouverts à l’idée, mais ils disent : “Pourquoi se disperser dans quatre ou cinq lignes, quand tu peux être le meilleur dans une seule?” C’est le modèle ici », précise M. Raymond.