Les contrats de fonds distincts avec avantage de retrait minimum garanti sont en pleine ébullition. Investissements Manuvie lançait le premier produit du genre au Canada en octobre 2006, suivi de Sun Life en avril 2007. Il y a quelques semaines, Desjardins Sécurité financière s’est joint au bal. Au moment de mettre sous presse, l’Industrielle Alliance comptait lancer son produit le 3 décembre. Ce produit qui vise les baby-boomers fait recette en soulageant leur crainte de survivre à leur pécule de retraite.Malgré les frais élevés imputables aux fonds à caractéristique de retrait minimum garanti, les clients se ruent sur ce produit importé des États-Unis par Manuvie en 2006.

En cinq ans, le produit a amassé plus de 400 milliards$ aux États-Unis, indique une présentation web interactive sur le site de Sun Life. Au Canada, l’assureur s’attend à voir se multiplier les milliards$ d’actif dans ce marché au fil des ans.Première preuve tangible de l’engouement ambiant, Manuvie a engrangé 2,5 milliards$ en un peu plus d’un an grâce à son produit RevenuPlus.

Quant à Sun Life, elle garde le secret sur ses résultats. Deuxième arrivé dans ce marché, Sun Life se dit en fait très heureux des ventes récoltées depuis son lancement au printemps. Son vice-président gestion du patrimoine individuel, Peter Glaab, qualifie simplement les ventes de SunWise Élite Plus de « significatives ».

Arrivé à la fin d’octobre avec Helios, Desjardins Sécurité financière (DSF) a bon espoir de récolter au moins 160M$ de ventes brutes en un an.

Pour son tout nouveau produit Eco-Flextra, l’assistant vice-président au marketing, assurance et rentes individuelles, Jacques Potvin s’aligne quant à lui sur le même objectif énoncé récemment par son président et chef de la direction, Yvon Charest. Un objectif qui consiste à obtenir une croissance de 5% supérieure à la moyenne de l’industrie pour chacun de ses produits.Bref, la confiance est contagieuse dans ce marché, et cette contagion s’étend au consommateur lui-même. « Mon conseiller ne connaît pas les produits à retrait minimum garanti, pouvez-vous m’en référer un qui les connaît? », s’est récemment fait demander

J. Roy Firth, vice-président directeur, gestion de patrimoine individuelle, division canadienne, et président et chef de la direction, Elliott & Page. « Les clients appellent nos conseillers tous les jours pour demander de l’information sur RevenuPlus », fait observer M. Firth. Du jamais vu pour un produit financier, dit-il.Chez DSF, le directeur principal, développement des produits d’épargne, Claude Paré, signale quant à lui un effet de concurrence qui prépare le terrain. « Les clients appellent nos conseillers. Ils leur disent qu’ils ont été sollicités par les conseillers de nos compétiteurs », observe-t-il.

Pourtant, le coût de la nouvelle garantie aurait pu en décourager plus d’un.

Selon les fonds distincts que choisit le client au sein du contrat de Manuvie, les frais s’échelonneront généralement de 3,25% à 3,50%, et peuvent atteindre jusqu’à 3,75%, révèle M. Firth. Pour un fonds d’actions typique à 2,5% de frais de gestion (RFG), Revenu Plus requerra des frais de 3,25%, mentionne M. Firth.

Moins les fonds sont risqués, moins le coût de la garantie sera élevé. Chez Desjardins, le fonds équilibré canadien Fiera coûtera 2,60%, soit 30 points de base (0,30%) de plus que la version avec garantie au décès et à l’échéance de 75%. Par contre, le fonds distinct mondial Fidelity coûtera 85 points de base de plus sous Helios, poussant les frais à 3,80%.

À l’Industrielle Alliance, M. Potvin parle pour sa part d’un coût oscillant autour de 80 points de base de plus qu’un fonds distinct avec garantie à l’échéance et au décès de 75%.

Chez Sun Life, on parle de frais compétitifs, sans préciser davantage.

La longévité fait peur

Si les clients éventuels sont prêts à payer des frais si élevés, c’est qu’ils y trouvent leur compte, croient les assureurs interviewés. Ceux-ci visent les baby-boomers avec la garantie de retrait minimum. Or, ce qui prime surtout dans l’esprit de l’investisseur qui approche la retraite, croient-ils, ce n’est pas la crainte des frais élevés mais plutôt celle de survivre à son épargne-retraite (voir tableau de longévité).

« Nous avons trouvé un produit pour répondre à la crainte de vivre 100 ans », résume Roy Firth, de Manuvie. Selon lui, les frais ne sont pas si élevés en regard de la paix d’esprit que procure ce type de produit lors de la retraite ou à la veille d’y arriver.

C’est un produit qui prend soin de trois risques de base pour l’investisseur, renchérit Peter Glaab : la longévité, l’inflation et la volatilité. « Ces trois éléments sont à la clé du besoin pour ce type de garantie », ajoute-t-il.

De son côté, Claude Paré parle d’un rempart contre le risque catastrophique de voir les marchés baisser dans les premières années de la retraite. De telles pertes sont en effet très difficiles à récupérer par la suite pour le retraité, explique-t-il. « Le message que nous envoyons avec Helios c’est que, si le marché se corrige, vous n’avez pas à paniquer ni à vendre ou à transférer vos fonds quand le marché est bas. »

Jacques Potvin va jusqu’à remettre en question l’idée que les frais soient si élevés. « Je ne suis pas certain qu’il y ait un coût réel si important attaché à cette garantie. Elle offre au retraité qui a peur de voir le marché boursier tomber d’aller dans des placements plus performants que les CPG. Le meilleur rendement qu’il obtient ainsi rembourse les frais. »

De l’avis de tous les joueurs, l’industrie était plus que mûre pour un produit d’investissement davantage axé sur les revenus que l’accumulation. C’est une tendance démographique incontournable, disent-ils. « Trois millions de Canadiens prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie », rappelle le site interactif de Sun Life.

L’assureur y ajoute que la moitié des femmes et le tiers des hommes qui ont 65 ans aujourd’hui vivront jusqu’à 85 ans. Un argument de taille pour justifier une garantie de retrait minimum durant au moins 20 ans. En outre, même avec un taux d’inflation de 2%, un dollar ne vaudra plus que 60 cents dans 20 ans, ajoute la compagnie.

Manuvie a lancé toute une campagne médiatique pour annoncer qu’elle offrait maintenant une garantie de retrait minimum à vie à ses clients de RevenuPlus lorsqu’ils atteignent 65 ans. L’option s’appelle Montant du retrait viager (MRV)

L’Industrielle Alliance a décidé d’emboîter le pas avec la même garantie à vie à partir de 65 ans.

La garantie habituelle se résume quant à elle à un retrait annuel garanti pendant 20 ans, qui correspond à 5% du capital de départ. C’est aussi la garantie qu’offre Sun Life sur son produit.

Chez DSF, Helios offre un retrait garanti de 7% du capital accumulé, mais pour une période de 14 ans seulement (plus un retrait garanti de 2% la quinzième année). Toutefois, la compagnie est la seule à offrir un remboursement des frais de la garantie à l’échéance.

Tous les produits offrent de réinitialiser la valeur marchande du contrat un certain nombre de fois durant la période de retrait. Si les rendements du marché excèdent la garantie, la plus value donnera lieu à une plus longue période de retrait ou à des retraits bonifiés.

Enfin, des produits offrent un boni de 5% pour chaque année sans retrait. Pour son option de retrait viager, Manuvie offre un boni de 5% à chacune des 15 premières années où le titulaire du contrat n’effectue aucun retrait. Chez Sun Life, cette garantie est offerte les 10 premières années sans retrait, ce qu’offre aussi Manuvie pour la version de son produit avec période de retrait de 20 ans.

Autre avenue

Chez Standard Life, pas de garantie de retrait minimum pour l’instant. L’assureur a toutefois lancé une nouvelle mouture de ses fonds distincts Idéal qui vise particulièrement la clientèle à l’aube de la retraite.

Dans un premier temps, le nouveau contrat de rente différé en vertu duquel sont constitués les fonds distincts Idéal ouvre l’accès à 26 fonds communs et quatre fonds de fonds sous-jacents manufacturés par Fonds de placement Standard Life. Ensuite, il offre l’Option Platine, une caractéristique qui permet de réduire les frais. Ce contrat est réservé à un dépôt minimum de 250 000$.« La tendance est à la consolidation des actifs en prévision de produire un revenu de retraite, lance

Michel Fortin, vice-président du marketing, marchés individuels chez Standard Life. Dans cette perspective, 250 000$ est vraiment le minimum pour créer un revenu de retraite. »

Les frais réduits sont aussi une caractéristique recherchée par le marché ciblé : les investisseurs de 45 ans et plus, croit M. Fortin. En vertu d’Idéal, les frais des fonds offerts oscillent entre 1,95% et 2,05%. Par exemple, le fonds distincts d’actions canadiennes de base comporte des frais de 2,4% alors que l’Option Platine comportera des frais de 1,95%. Pour sa part, le fonds d’actions américaines affiche des frais de base de 2,5% qui se trouvent réduit à 2,05% avec Option Platine.

Dormir la nuit

« Les gens près de leur retraite veulent les plus bas frais possibles pour s’assurer un meilleur niveau de revenu à la retraite. Bref, ils veulent dormir la nuit. Tu peux avoir le meilleur gestionnaire du monde, en bout de ligne, ce sont les frais qui feront toute la différence. »

Plutôt qu’offrir un bénéfice de retrait minimum garanti, Standard Life offre sa Rente Performance, laquelle est en fait une rente viagère qui se distingue de celles des concurrents en ce qu’elle permet au capital du rentier de participer aux rendements des actions grâce à cinq indices de fonds communs.

Produisant au début un revenu quelque peu inférieur à la moyenne des rentes viagères usuelles, la rente peut ensuite voir une partie de son capital transférée dans une nouvelle rente avec un taux bonifié. « C’est un peu comme le principe de recristallisation (réinitialisation) chez les fonds distincts. »

Selon M. Fortin, le produit miracle qui réglera tous les problèmes n’existe pas. « Ce qu’il faut, c’est permettre au conseiller d’accéder à un ensemble de produits qui, une fois combinés, lui permettront de répondre à tous les besoins de ses clients. » Aussi, le conseiller doit s’assurer de réviser les besoins de son client chaque année, recommande Michel Fortin. Ceux qui s’astreignent à cette discipline iront chercher le gros des actifs sur le marché, conclut-il.