L’imposition d’un devoir fiduciaire aux représentants en épargne collective inquiète les conseillers. Parmi d’autres, le Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ) milite actuellement pour en mitiger l’impact. Les spécialistes croient toutefois que ce projet des ACVM n’aura qu’un faible impact, au Québec.

Dans le document de consultation 33-403, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont demandé à l’industrie s’il est souhaitable et faisable d’introduire un devoir légal d’agir au mieux des intérêts du client ou si la norme de conduite canadienne actuelle est suffisante. La consultation terminée depuis le 22 février, les ACVM préparent maintenant un règlement qui ajoutera ce devoir de fiduciaire aux obligations du représentant en épargne collective. En gros, le conseiller aurait l’obligation d’accorder la primauté absolue aux intérêts du client, d’éviter les conflits d’intérêts, de se garder d’exploiter le client et d’informer celui-ci de façon complète.

Le nouveau président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ), Michael Luciani, a fait vœu de militer pour ses membres dans des dossiers règlementaires épineux. Celui-ci en fait partie. Il a énoncé ce mandat, lors d’une assemblée spéciale tenue à huis clos, à Montréal, le 24 avril. Durant cette assemblée, des spécialistes se sont prononcés sur cette question, ainsi que sur le document de consultation 81-407 (frais des fonds communs) et la possibilité pour les conseillers de récupérer des montants de taxe de vente du Québec (TVQ) perçus sur leurs commissions, avant l’harmonisation de la TVQ, le 1er janvier.

Le RICIFQ s’objecte sur la question du devoir fiduciaire : pourquoi le fardeau de la preuve devrait-il être transféré des épaules du client à celles du conseiller, alors que le Code civil du Québec régit déjà les relations entre le conseiller et son client ?

Dans le mémoire qu’il a soumis aux ACVM dans le cadre de 33-403, le RICIFQ rappelle d’ailleurs que le représentant n’est pas un fiduciaire. Le représentant en épargne collective agit déjà au mieux des intérêts de ses clients « en complétant les documents utiles pour mieux connaitre son client, pour mieux évaluer ses choix et ses objectifs, et pour l’aider au mieux dans ses placements, en fonction de son profil d’investisseur et de sa tolérance aux risques », ajoute le RICIFQ, dans son mémoire.

Dans la présentation sur le devoir de fiduciaire, Élise Renaud, avocate spécialisée en valeurs mobilières et associée à Fasken Martineau, rappelle que tout un corpus de lois et règlements existe déjà au Québec pour protéger les intérêts des clients. Dans l’ensemble, Me Renaud ne s’attend pas à ce que le futur règlement vienne renverser le fardeau de la preuve, au Québec. Ce devoir aurait, selon elle, des conséquences moins importantes ici, qu’ailleurs au Canada. Sans plus teintera-t-il les décisions prises sur la base de la LVM, entre autres, et resserrera le devoir applicable aux sociétés inscrites.

Quelles que soient les conclusions des ACVM, Me Renaud suggère aux conseillers d’informer les clients du rôle qu’ils jouent auprès d’eux, du service qu’ils offrent, de leur rémunération et de leur modèle d’affaires. Quoi qu’il en soit, on ne peut éviter complètement les conflits d’intérêts, indique-t-elle. On peut toutefois en expliquer l’existence.

En ce qui touche la consultation terminée le 12 avril sur les frais des fonds communs (81-407), Me Renaud rappelle que la prochaine initiative des ACVM entrera en vigueur en juillet, lors de la phase 2 du Modèle de relation conseiller – client. Cette phase prévoit, entre autres, des obligations accrues en matière d’information sur les couts et les rendements, la remise d’une description des frais pouvant potentiellement être payés par le client lors de l’ouverture d’un compte, y compris les commissions de suivi, et la remise d’un sommaire annuel qui indiquent tous les frais payés par le client (y compris les commissions de suivi).

D’autres mesures proposées par les ACVM sont à venir. Me Renaud recommande aux conseillers de « se faire entendre ». Selon elle, modifier la rémunération des courtiers en épargne collective aura des répercussions, non seulement sur les représentants, mais aussi sur l’accès des petits investisseurs aux produits d’investissement et surtout aux conseils.

Elle croit en outre que les ACVM doivent tenir compte de la particularité de l’industrie canadienne, par rapport à celle des pays étrangers. Par exemple, le régulateur du Royaume-Uni a réagi à des scandales sans pareil au Canada.

Le RICIFQ se fait pour sa part tranchant dans son mémoire sur le règlement 81-407. Il estime que les ACVM n’ont pas à règlementer la rémunération des représentants, qui constitue une récompense pour les efforts de trouver un client et lui donner un service après-vente. Il est en désaccord avec la proposition de devoir indiquer, lors de l’ouverture d’un compte, les frais et les commissions de suivi que paie le client. Aucune mesure ne permet, en effet, de quantifier la valeur réelle qu’ajoute le service-conseil.

D’un autre côté, le RICIFQ estime que l’ajout de ces mesures ne fera qu’augmenter les couts du service et pénaliser les petits investisseurs.