Les courtiers déplorent le comportement grégaire des assureurs qui abandonnent un segment de marché devenu moins rentable.
Yves Brassard, du Groupe Viau, donne en exemple l’assurance des immeubles à logements multiples. « Tous les assureurs ont quitté ce marché parce qu’ils perdaient leur chemise. Un seul assureur continue d’offrir des polices à ces propriétaires. Il doit s’y prendre autrement, car il réussit à faire de l’argent quand même », dit-il.

M. Brassard soulève un autre phénomène constaté depuis une décennie, soit les assureurs qui se lancent dans un nouveau marché prometteur, pour ensuite le déserter lorsque les concurrents s’y pointent et font baisser les prix. « Tu as un beau produit pour les garages de mécanique : tu es fier. Ça coute 4 000 $, et après un certain temps, le concurrent l’offre à 3 500 $, puis un autre, 3 000 $. » Il trouve ridicule que tous les assureurs baissent les prix avant de se retirer du marché tous en même temps.

Jean Bilodeau, de BC Assur, confirme le phénomène. « L’autre assureur regarde son concurrent se retirer d’un marché et se dit que si lui n’arrive pas à faire d’argent, il finira par en perdre aussi. Et tout le monde barre la porte. »

Selon M. Brassard, l’assureur doit rester ferme sur son prix afin de demeurer rentable et présent dans le marché, quitte à perdre des clients. « Ceux que tu auras gardés ne te feront pas perdre d’argent. » Il suggère plutôt aux assureurs d’ajuster le produit en fonction du prix que le client est prêt à payer. « Tu dois offrir des conditions qui feront en sorte que tu seras capable d’en écrire, des polices. Tu vas en faire, de l’argent. »

Autre comportement qui l’irrite : certains assureurs refusent d’assurer de nouvelles copropriétés, et le courtier doit passer par un grossiste. Toutefois, si le courtier investigue un peu, il constate que les mêmes assureurs font partie du pool mis sur pied par le grossiste. « Si tu leur poses la question, ils répondent que les conditions ne sont pas les mêmes. Mais changez-les, les conditions! Vous êtes le manufacturier du produit! », s’indigne M. Brassard.

Denis Allard, de RSA Assurance, confirme que la situation est la même chez les propriétaires d’immeuble à logements multiples. « Le problème n’est pas de tarifer le produit, mais de décider de lâcher le marché quand on ne sera plus profitable. On se fait attaquer. On a vu des grossistes arriver dans le marché régulier », dit-il. Il ajoute que chaque assureur est prêt à assurer n’importe quel type de risque s’il peut le faire tout en faisant de l’argent.

Yannick Jetté, du Groupe Jetté, confirme qu’il devient de plus en plus difficile pour le courtier d’offrir de l’assurance habitation, à cause des exigences des assureurs qui rendent le produit complexe à vendre tout en rapportant des profits minimes.

Glen Bates, vice-président Québec, de RSA Canada, ajoute que le resserrement du marché en assurance de dommages n’est pas un phénomène unique au Québec ou au Canada. « C’est partout pareil. »

M. Allard ajoute que le marché évolue et que tout le monde doit s’adapter. « Prenons l’exemple du courtier hypothécaire, un métier qui n’existait pas, il y a quelques années. Je trouve ça curieux que d’un côté, on reconnait le travail du courtier pour négocier une hypothèque, mais pour s’assurer, on va chez les directs. »

M. Bilodeau insiste sur l’innovation et la révision des produits. « Avec des produits plus spécialisés, conçus pour des entreprises dans des secteurs pointus, on peut développer des marchés. Il faut innover dans les structures, mais aussi dans les produits. » Quand son cabinet assure des entreprises manufacturières, « elles ne sortent plus de chez nous. Nous avons vraiment bien évalué leurs biens et leurs équipements. Les concurrents ne sont pas capables d’offrir les mêmes garanties, c’est trop compliqué », ajoute-t-il.

M. Brassard note qu’il n’est pas facile de sortir du lot et d’offrir une couverture qui n’existe pas ailleurs. Dans les lignes personnelles, il cite l’exemple de Chubb, qui demande des primes plus élevées que son concurrent, La Garantie. « Mais ils ont gardé leurs clients parce qu’ils ont une excellente réputation pour les réclamations. »

M. Bilodeau cite le marché des avenants pour les tremblements de terre. « Le Québec est la deuxième région la plus à risque au pays, et on ne vend pas ce produit. » Certes, le produit coute cher, reconnait-il, mais le prix baissera si la demande augmente. Si les courtiers commençaient à la vendre à leurs clients commerciaux, ils pourraient développer leur expertise et l’utiliser en assurance des particuliers.

M. Allard suggère une autre forme de protection en assurance personnelle, appelée Umbrella. Cette police responsabilité complémentaire couvre par exemple les véhicules utilisés par les enfants du client en voyage aux États-Unis. « C’est un produit méconnu, qui ne coute pas très cher non plus. »