Les comptes nationaux ont vu s’enflammer les ventes d’assurance au premier semestre. Dopée par les clients qui veulent devancer la hausse du cout nivelé, l’assurance vie universelle s’est démarquée dans ce réseau. La vie entière a aussi connu de fortes ventes.Les assureurs appellent « comptes nationaux » les courtiers en valeurs mobilières qui offrent leurs produits aux investisseurs. Distribués par des spécialistes en assurance qui travaillent de concert avec les conseillers en placement, ces produits se destinent à la protection de patri­moine. Cantonné à la clientèle à valeur nette élevée, ce réseau évolue ainsi dans l'ombre des agents généraux.

Or, ses performances du premier semestre 2011 ont éclipsé celles des agents généraux. Durant cette période, la croissance des ventes en vie universelle a atteint 38 % pour les comptes nationaux contre 6 % pour les agents généraux. La vie entière a vu ses ventes croitre de 32 % dans ce réseau, contre 25 % chez les agents généraux. Ces chiffres sont préliminaires à une étude que publiera bientôt LIMRA sur les résul­tats du deuxième trimestre en assurance vie.

Les comptes nationaux ont aussi surpassé les ventes des agents généraux au premier trimestre. La croissance globale de leurs ventes d'assu­rance vie a atteint 34 %, contre 8 % pour les agents généraux et 2 % pour les agents captifs.

« Les ventes d'assurance vie universelle et entière ont alimenté cette croissance signifi­cative au premier trimestre », dit la directrice de recherche Karen Terry dans ce rapport de LIMRA. Les ventes issues de ce réseau ralen­tiront toutefois, croit-elle.

« Nous observons que la croissance des ventes des comptes nationaux a été un peu plus lente au deuxième trimestre qu'au premier trimestre. Plusieurs compagnies ont augmenté leurs prix. Nous commençons à en voir les effets », a dit Mme Terry en entrevue au Journal de l'assurance

La plupart des assureurs ont augmenté le prix de leur cout nivelé d'assurance, car leurs pro­duits n'étaient plus rentables. Ce virage touche les polices vie universelle, temporaire 100 ans et vie entière. Certains l'ont pris au premier tri­mestre, d'autres au deuxième. Plusieurs clients qui jonglaient déjà avec l'idée d'acquérir une police ont donc hâté leur décision d'achat pour devancer la hausse.

La hausse du cout nivelé se poursuit
Un des derniers résistants à la vague printanière de hausse du cout nivelé en assurance vie universelle est tombé. BMO Assurance vie a augmenté son cout d'assurance nivelé sur trois produits d'assurance vie universelle.
Les actuaires de BMO Assurance vie s'étaient montrés précurseurs en rajustant le cout nivelé l'an passé, bien avant que ne déferle la vague déchainée par Financière Manuvie en décembre 2010. C'est pourquoi il n'a pas bougé au plus fort de la tempête survenue au printemps. Or, la résistance n'était plus possible et le cout nivelé sera haussé pour toutes les vies universelles de l'assureur émises à partir du 3 octobre.
Comme pour la plupart des hausses effectuées dans le marché depuis l'an passé, ce sont sur­tout les assurés les plus jeunes qui écopent. « Nous augmentons surtout le cout nivelé chez les 18 à 50 ans, a précisé Stephen Carter, vice-président principal au marketing de BMO Assurance vie. Dans cette tranche d'âge, BMO hausse le cout nivelé du produit La Prévoyance de 4 % à 14 % chez les assurés non-fumeurs et de 3 % à 9 % chez les fumeurs, pour les montants d'assu­rance de 100 000 $ et plus. Selon les mêmes critères, BMO hausse le cout nivelé du produit La Gamme Dimension de 3 % à 6 % pour les non-fumeurs et de 3 à 4 % pour les fumeurs. »
Les hausses affectent également le Programme d'assurance vie universelle relative à l'avance aux fins de placement et les avenants T100 des produits de vie universelle.
M. Carter insiste sur un point : « Nous demeurons concurrentiels dans cette tranche d'âge mal­gré ces hausses. » Une recherche effectuée par l'assureur à partir des logiciels d'illustration de neuf de ses concurrents démontre que BMO Assurance vie a le cout nivelé le moins élevé dans la majorité des tranches d'âges, tant pour ses polices Dimension que Prévoyance, individuelles ou conjointes. La comparaison repose sur les illustrations de la prime minimum à cout nivelé des assureurs suivants : Canada-Vie, Empire Vie, Equitable Life, Industrielle Alliance, Financière Manuvie, RBC Assurances, Standard Life, Financière Sun Life et Transamerica Vie Canada.
Pour sa part, Empire Vie a procédé à une hausse dans des produits de vie entière à cout nivelé. Son PDG Les Herr avait prévenu dans une entrevue accordée au Journal de l'assurance en juin, qu'il devrait agir ainsi pour les produits à primes garanties.
Sont touchés les produits avec participations Optimax 100 et Optimax 20 primes, ainsi que les produits sans participations Solution 100 (avec valeurs de rachat) et Solution 20 primes. Empire Vie n'accepte plus les propositions de la version héritage du produit avec participations Optimax III. La hausse a eu du bon pour les produits Solution dont les valeurs de rachat deviennent désor­mais disponibles dix ans plus tôt, soit au 10e anniversaire de police.
Dans une foire aux questions qui suit la circulaire envoyée à ses conseillers, Empire Vie attri­bue la hausse aux bas taux d'intérêt à long terme qui persistent. Elle l'estime essentielle à la viabilité de ses produits.

Réseau dédié à la vie universelle

Les comptes nationaux vendent plus d'assu­rance vie universelle que tout autre produit. La firme de recherche canadienne Investor Economics (IE) révèle que ce réseau a vendu pour 208 millions de dollars (M$) de primes d'assurance vie en 2010. De ces ventes, 63 % ont été réalisées sous forme de vie universelle, soit 132 M$ de primes.

Les ventes de vie universelle des comptes nationaux ont représenté plus de 20 % des ventes totales d'assurance vie universelle en 2010 au Canada. Enfin, la croissance des ventes d'assurance vie universelle du réseau des comptes nationaux a atteint 37 % en 2010 par rapport à 2009.

Cette étude, intitulée Insurance Advisory Service 2011, rapporte les chiffres de vente des dix plus grands assureurs au Canada. Cet échantillon correspond à plus de 85 % du mar­ché, estime Goshka Folda, directrice générale d'Investor Economics. « Le réseau des comptes nationaux demeure centré sur les clients à valeur nette élevée et les babyboumeurs. Les clients avec un patrimoine et un revenu plus élevés optent habituellement pour des polices permanentes », dit-elle.

Analyste chez Investor Economics, Karol Kalejta a mis en lumière les données d'une autre étude axée essentiellement sur les comptes nationaux. Selon les chiffres que révèlent Retail Brokerage Report, publiée au printemps 2011, les comptes nationaux ont vendu 1 750 polices d'assurance vie uni­verselle en 2010. Le capital assuré moyen de ces polices s'établit à 1,5 M$. « En 2010, seul 3,3 % des polices vie universelle en vigueur au Canada comptaient un capital assuré de plus de 1 M$ », précise l'analyste.

Les ventes d'assurance vie uni­verselle demeurent en croissance en 2011, selon cette étude. « Au premier trimestre de 2011, 484 polices d'assurance vie univer­selle ont été vendues par les cinq grandes firmes de courtage. C'est une hausse de 17,8 % par rapport au premier trimestre de 2010 », a renchérit M. Kalejta. L'étude a traqué les résultats des cinq grands comptes nationaux au Canada: BMO Nesbitt Burns, CIBC Wood Gundy, RBC Dominion Securities, Scotia McLeod et TD Waterhouse.

L'assurance est une activité mar­ginale pour les firmes de courtage, mais les assureurs ont foi dans le réseau des comptes nationaux. « Bien que l'assurance représente moins de 5 % des revenus totaux des cinq grandes firmes de cour­tage, les assureurs voient dans ce réseau un accès stratégique aux riches babyboumeurs, explique M. Kalejta. Les polices univer­selles demeurent le meilleur géné­rateur de revenus dans ces firmes, soit 15 M$ au premier trimestre de 2011. »

Réseau lucratif pour les assureurs

Ce réseau est lucratif pour les assureurs. La prime moyenne des produits vendus par les comptes nationaux est sensiblement supé­rieure à celle des autres réseaux de distribution, dit M. Kalejta. « Ils réalisent toutefois que ces affaires lucratives ont leur prix : les clients et les conseillers en placement de ce réseau exigent du choix et un service après-vente exceptionnel », a constaté M. Kalejta dans ses entrevues.

Les comptes nationaux consti­tuent un réseau important pour la Financière Sun Life. « Il compte pour 40 % à 45 % des ventes de notre réseau indépendant, affirme Stéphane Vigneault, vice-prési­dent régional de la distribution aux intermédiaires. Au Québec, cette proportion atteint 50 % en raison de la forte présence dans cette province de la Banque Nationale du Canada, un de nos plus gros comptes nationaux. »

« Notre réseau des comptes natio­naux connait une croissance soute­nue depuis de nombreuses années, mais plus particulièrement en 2010 et au début de l'année. En raison de la hausse du cout nivelé, ce réseau nous a amené plusieurs ventes au début de l'année. Nous avons connu des ventes d'assurance vie universelle phénoménales. C'est une bulle. Nos ventes des six premiers mois de 2011 dans les comptes nationaux ont doublé par rapport à celles des six premiers mois de 2010, tous produits confondus. Nous ne pourrons maintenir cette performance tout au long de l'année », prévoit M. Vigneault.

La vie entière se démarque

La vie entière connait aussi une croissance marquée dans les comptes nationaux de Sun Life. C'est ce qu'a voulu réaliser l'assureur lorsqu'il a réintroduit son produit de vie entière avec participations il y a quelques années. « La vie entière est passé de zéro à des ventes très importantes dans nos comptes nationaux », a révélé M. Vigneault. Financière Sun Life entend maintenir l'accent sur la vie entière dans ses comptes nationaux.

Investor Economics a d'ailleurs détecté une tendance vers la vie entière dans les comptes nationaux. En 2010, les ventes de vie entière ont représenté 22 % des ventes totales dans les comptes nationaux alors qu'elles en représen­taient 21 % l'année précédente. Les ventes en vie entière de 2010 ont atteint 44,8 M$ dans les comptes nationaux, en croissance de 22 % sur l'année précédente.

Parmi ses principaux concurrents qui utilisent le réseau des comptes nationaux, Stéphane Vigneault dénombre Financière Manuvie et Canada-Vie au Canada ainsi qu'Empire Vie et l'Industrielle Alliance au Québec.

Outre la Banque Nationale, Sun Life compte aussi parmi ses comptes nationaux les cinq grandes banques canadiennes, ainsi que Valeurs mobilières Desjardins et Assante, énumère entre autres M. Vigneault. Avec Groupe Investors, elle exploite une entente inter-cor­porative similaire à celle d'un compte national, ajoute-t-il.

Vice-président principal et directeur général de BMO Nesbitt Burns, Gérard Taillon est aussi président de BMO Nesbitt Burns services financiers, le compte national de BMO. Il remarque que l'offre intégrée incluant l'assu­rance est une tendance appelée à s'accentuer. « Il est plus facile de piloter un dossier de gestion privée lorsque les différents besoins du client peuvent se régler au même endroit », rappelle-t-il.

Les activités de BMO Nesbitt Burns services financiers impliquent une quarantaine de conseillers en sécurité financière exclusifs à travers le pays, révèle M. Taillon. « Nous ne per­mettons l'exercice des deux permis que pour les fonds distincts. Les ventes d'assurance passent par nos spécialistes en sécurité financière, à qui les conseillers en placement réfèrent des clients », explique-t-il. Dans ses activités, le compte national a comme four­nisseur BMO Assurance vie, Financière Manuvie, Sun Life et Industrielle Alliance.

La demande envers ces four­nisseurs n'est pas près de se tarir dans la province. « Nous avons au Québec un créneau de PME qui ont connu une grande croissance », illustre M. Taillon. L'offre de ser­vices est devenue plus complexe et plus globale pour accommoder les besoins de ces entrepreneurs qui, après avoir créé de la richesse, doivent maintenant la transférer, tout en planifiant leur retraite.

Anatomie d'un compte national

Souvent qualifié d'agent général, le compte national n'en est pas un, tranche le vice-président régional de la distribution aux intermé­diaires à la Financière Sun Life. « Dans un compte national, nous sommes uniquement en relation avec le courtier en valeurs mobi­lières. C'est lui qui signe le contrat avec ses conseillers en sécurité financière et qui les supervise », précise M. Vigneault. Dans un compte national, le dossier du client appartient au courtier en valeurs mobilières plutôt