De plus en plus multipolaire, le monde devient aussi de plus en plus « multiconceptuel ». En clair, plus les relations interétatiques s’affaiblissent, moins les pays s’entendent sur le maintien de normes communes et d’actions conjointes. C’est le constat que pose le Forum économique mondial (FEM).

Dans son rapport intitulé The Global Risks Report 2019 – 14th Edition, le FEM explique que « beaucoup de dirigeants politiques et de communautés sentent qu’ils ont perdu le contrôle, que ce soit au profit de divisions internes, de rivaux externes ou d’organismes multilatéraux ». Alors, en réponse, ils « cherchent à renforcer le pouvoir de l’État », dans un monde jusqu’alors tourné vers la mondialisation.

Cette quête les pousse notamment à tourner le dos aux compromis multilatéraux. Une attitude qui influe sur les politiques et sur l’économie à l’échelle mondiale.

Trois comportements qui menacent l’économie

Dans son rapport, le FEM dégage trois tendances susceptibles d’entrainer des bouleversements dans l’économie mondiale.

1) Des actions isolées. Malgré des consensus mondiaux, le nombrilisme des États rend difficile la mise en place d’actions communes autour de différentes questions clés.

Parmi ces enjeux majeurs, on trouve celui de l’éthique. Avec la quatrième révolution industrielle, les frontières entre les sphères humaine, numérique et biologique tendent à s’effacer. De plus en plus, des technologies novatrices sont à l’étude dans différents domaines, dont celui de la biotechnologie. Des études qui, si elles font fi des valeurs fondamentales, « pourraient avoir d’importantes conséquences pour l’avenir de l’humanité ».

Le FEM prend l’exemple de la Chine qui, fin 2018, a affirmé être à l’origine des premières naissances de bébés génétiquement modifiés. Cette démarche isolée a fait scandale dans le monde de la recherche, tant elle déroge aux règles éthiques partagées à l’échelle mondiale.

2) Le multilatéralisme fragilisé. De plus en plus, les États font pression sur les mécanismes de multilatéralisme et de règlement des différends entre les pays.

Cette pression est exercée de différentes façons. Certains États se retirent des accords et des organes internationaux, bloquent l’adoption de consensus ou choisissent de ne pas toujours respecter les normes et les règles.

Les États-Unis peuvent être pris en exemple ici. Ils se sont retirés de l’Accord de Paris, le premier consensus mondial sur la question des changements climatiques, en juin 2017. Un an après, en juin 2018, ils ont quitté le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies. Et, depuis aout 2018, ils bloquent le processus de sélection des magistrats de l’Organisation mondiale du commerce.

3) La menace géoéconomique. De plus en plus, les États élaborent des stratégies politiques autour de menaces d’ordre commercial.

Les États-Unis sont une nouvelle fois cités en exemple. Début 2018, Donald Trump a en effet brandi l’argument de la sécurité nationale pour imposer des hausses de tarifs douaniers pour l’importation de panneaux solaires, de machines à laver, ou encore d’acier. Le président américain a même déclenché une guerre commerciale avec la Chine, en augmentant les tarifs douaniers de certains produits. La Chine avait alors rapidement répliqué.

Un autre moyen de pression passe par le filtrage, voire le blocage, des investissements étrangers. En décembre 2017, la Commission européenne a proposé des mesures pour contrôler les investissements non européens dans les entreprises de l’Union européenne. Tandis que du côté des États-Unis, une loi a été introduite en 2018 pour améliorer le contrôle des investissements dans 27 secteurs, dont celui des télécommunications.

« Comme pour le commerce, si le climat relatif aux investissements transfrontaliers continue d’empirer, la croissance économique mondiale en souffrira. On risque alors de se retrouver devant un cercle vicieux dans lequel les tensions économiques et géopolitiques s’aggravent mutuellement », résume le FEM.

Les 7 articles de ce dossier :

  1. L’environnement : le plus grand risque pour l’économie
  2. Repli des États sur eux-mêmes : un risque pour l’économie mondiale
  3. Santé mentale : le cout sociétal du mal-être humain
  4. Bactéries et virus : les armes de guerre de demain
  5. Montée des eaux : un risque de plus en plus réel pour les villes côtières
  6. Les dix grandes menaces de demain
  7. Des menaces qui ne cessent de s’intensifier