La Cour d’appel du Québec a confirmé un jugement de la Cour supérieure concernant des versements payés en trop par L’Unique assurances générales à son assurée à la suite d’une erreur d’un expert en sinistre.
L’assurée, Brigitte Roy, est dentiste. En janvier 2010, elle a vu sa clinique être complètement détruite par un incendie. Elle avait souscrit à une police d’assurance « des pertes d’exploitation » auprès de L’Unique.
L’expert en sinistre, Yves Luc Perreault, est spécialisé dans les sinistres entourant les dentistes et les cliniques dentaires. Il travaille à son compte et fait affaire avec la firme comptable Boyco Joly afin de chiffrer les pertes de bénéfice brut de la clinique de Dre Roy. Le comptable Daniel Lamoureux travaille sur le dossier avec lui.
M. Lamoureux chiffre la perte mensuelle moyenne d’exploitation à 10 000 $. Or, M. Perreault, dans son rapport remis à l’assureur, dit que ce montant est hebdomadaire. La Cour d’appel stipule que cette erreur est un « imbroglio qui est à l’origine du litige ». Le rapport du comptable était joint à celui de l’expert en sinistre.
Le jugement de première instance
Questionné lors du procès, Richard Consigny, directeur principal chez L’Unique à l’époque, « [a reconnu] que les premiers réviseurs n’ont pas constaté cette erreur et qu’il ne l’a pas constatée lui-même », peut-on lire dans le jugement de la Cour supérieure. Ayant une formation d’expert en sinistre, ce dernier était l’un des réviseurs du rapport de M. Perreault.
Cette erreur est répétée jusqu’au 9e rapport de l’expert en sinistre, onze mois après l’incendie. « [...] l’erreur répétée qui implique la remise d’un bien d’une grande valeur ou d’une somme importante détectée tardivement sera plus susceptible d’être qualifiée d’erreur inexcusable assimilable à la négligence grossière ou la faute lourde », explique la juge de la Cour supérieure Anne Jacob.
Dans son jugement, elle affirme qu’il s’agit bel et bien d’une erreur inexcusable vu l’expérience de M. Perreault. Le même principe s’applique aussi à l’assureur, qui n’a pas été en mesure de corriger l’erreur.
Les dommages accordés en première instance
Au final, Dre Roy a reçu 280 000 $ en indemnités pour ses pertes d’exploitation après l’incident. Or, ses pertes sont évaluées à 63 775 $ par M. Lamoureux. Il s’agit d’une différence de 216 225 $. C’est ce montant qui était réclamé à Dre Roy et à Yves Luc Perreault par L’Unique.
« L’article 1556 [du Code civil du Québec] énonce que si ce qui est dû est une somme d’argent ou autre chose qui se consomme par l’usage, le paiement ne peut être recouvré contre le créancier qui l’a consommé de bonne foi. Cet article vise à éviter de causer un préjudice financier à celui qui n’a plus en sa possession l’objet dont la restitution est ainsi convoitée. Il n’y a pas lieu de contraindre une partie à s’endetter pour corriger l’erreur inexcusable de son cocontractant », peut-on lire dans le jugement de première instance, déposé en aout 2017.
Ainsi, l’assurée n’avait pas à rembourser la totalité du montant en raison du long délai de détection de l’erreur, d’où la qualification d’erreur inexcusable. Néanmoins, la Cour supérieure a condamné Dre Roy à rembourser 70 000 $ à la compagnie d’assurance. Ce paiement, le 5e au total, était le dernier chèque remis à l’assurée.
« Le Tribunal note, par ailleurs, que le 15 décembre 2010, lors de la divulgation à Dre Roy qu’une somme supérieure à ce à quoi elle avait droit lui avait été versée, un délai de seulement six semaines s’était écoulé depuis l’encaissement du chèque de 70 000 $ le 28 octobre. Il lui appartenait dès lors de provisionner à tout le moins le solde résiduel de ce montant. [...] Il y a lieu d’exiger de Dre Roy le remboursement de ce 70 000 $ », affirmait la juge Anne Jacob dans son jugement.
En ce qui a trait au montant restant de 146 225 $, l’assureur et l’expert en sinistre ont eu à séparer le tout, en raison, stipulait la juge, de leur erreur inexcusable.
La Cour d’appel confirme
Par la suite, la dentiste assurée qui a perçu les montants en trop, a contesté le jugement de première instance devant la Cour d’appel du Québec. Celle-ci affirme que lui faire rembourser 70 000 $ était incorrect.
« Ce pourvoi requiert plus particulièrement de décider si une erreur inexcusable constitue une fin de non-recevoir à un recours en répétition de l’indu », peut-on lire dans le jugement rendu en septembre dernier.
Elle voulait prouver que l’erreur inexcusable faisait en sorte qu’elle n’avait pas à rembourser le montant, ce que la Cour d’appel a rejeté. L’Unique tentait aussi de faire valoir qu’elle n’avait pas à séparer la responsabilité avec l’expert en sinistre, ce que la Cour d’appel a aussi rejeté.