L’explosion du camion-citerne survenu sur le boulevard Métropolitain, à Montréal, le 9 août 2016, n’a pas fini de faire des vagues. L’affaire devrait rebondir sous peu devant les tribunaux en 2022, soit six ans après les faits.
Le ministère des Transports du Québec (MTQ) poursuit les transporteurs impliqués et leur assureur respectif, pour le paiement des dommages causés aux infrastructures de l’Autoroute 40. La poursuite de l’assureur de l’immeuble situé en bordure de l’autoroute dont la façade a été endommagée par l’incendie sera entendue dans le même recours, puisque les mêmes défendeurs sont concernés.
Au ministère de la Justice du Québec, on nous indique que la mise en état du dossier afin d’obtenir une date d’audience est prévue ce printemps. Le procureur général du Québec, par l’entremise de Me Bernard Roy, portera le dossier au nom du MTQ.
La poursuite a été déposée par le MTQ le 30 septembre 2019. Les dommages s’élèvent à plus de 826 000 $, sans compter les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis le 28 mai 2019.
La majeure partie de la somme, plus de 650 000 $, est reliée aux travaux de maintien de la circulation et aux travaux de remise en état de la structure autoroutière, de même que la surveillance des travaux, estimés à 60 000 $.
Un carambolage mortel
Le rapport de la coroner Stéphanie Gamache sur l’accident de camion-citerne ayant causé la mort de Gilbert Prince, le 9 août 2016, a été rendu public en février 2021. Elle y rappelle les circonstances du carambolage qui ont mené à cette tragédie.
La coroner cite d’abord le rapport d’enquête rédigé par les agents de la Sûreté du Québec. Le premier incident est survenu vers 15 h 55 en direction ouest sur l’autoroute 40, entre les kilomètres 171 et 172 sur le boulevard Métropolitain, à hauteur de la rue Lajeunesse.
Un camion-citerne de Bombardier Aéronautique s’arrête soudainement, en raison d’un problème mécanique. Cet engin, conduit par Pierre Landreville, sert à l’avitaillement en kérosène d’un aéronef et ne circule que très rarement sur la voie publique. M. Landreville revenait de Pointe-aux-Trembles où il était allé livrer du carburant à un autre camion-citerne de la même entreprise. Il roulait avec seulement 15 % ou 20 % du contenu, précise la Commission des transports du Québec dans son analyse publiée le 25 juin 2020.
Trois autres véhicules lourds et une automobile circulant dans la voie de gauche subiront des dommages dans cet accident. Le premier véhicule est un camion cube dont le propriétaire et exploitant est la société Interglobe (9278-3307 Québec inc.). Ce camion cube est conduit par Stephen Sutliff. La preuve est contradictoire quant à savoir s’il a réussi à immobiliser cet engin avant de percuter le camion-citerne de Bombardier.
Un tracteur avec une remorque-plateforme de la compagnie Givesco, conduit par Carol Bujold, tente d’éviter le camion d’Interglobe en déviant vers la gauche. Il heurte le véhicule de promenade et percute quand même l’arrière de ce camion lorsque l’autre camion-citerne le percute.
Ce camion-citerne conduit par la victime est un tracteur avec une remorque-citerne dont le propriétaire et exploitant est Les Entreprises de gestion Georges & Robert (EGGR). Après avoir embouti la remorque-plateforme, ce camion-citerne prend feu, ce qui cause l’incendie qui endommage les camions de Givesco, d’Interglobe et du véhicule de promenade, de même que les infrastructures de l’autoroute.
M. Bujold tente sans succès de secourir M. Prince, séquestré dans la cabine de son camion. Pendant ce temps, M. Landreville voit le camion d’EGGR prendre feu et fait avancer le camion de Bombardier d’environ 45 mètres.
La coroner souligne que l’autoroute 40 est surélevée à cet endroit et que la limite de vitesse est de 70 km/h. Selon elle, les conditions climatiques sont favorables, la visibilité est bonne et la chaussée est bon état.
Un système défectueux
La coroner Gamache cite ensuite le rapport d’enquête de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui analyse en détail la défectuosité du camion Bombardier ayant provoqué le carambolage. Le camion-citerne d’avitaillement est muni d’un dispositif d’interverrouillage qui permet d’appliquer les freins dans le but d’effectuer des chargements et des déchargements sécuritaires du kérosène.
Ce dispositif est installé dans la partie citerne du camion, du côté conducteur, à la base du cadre d’un rideau métallique en arrière duquel se trouvent les équipements de pompage. Dès que ce rideau est soulevé, le dispositif applique les freins pour empêcher les déplacements du camion même si son moteur est en marche.
L’enquête de la CNESST révèle que le camion-citerne de Bombardier avait subi quatre fois le même problème d’arrêt intempestif lors de ses deux précédentes sorties sur la voie publique.
La CNESST souligne aussi que la distance séparant le camion de EGGR et la remorque-plateforme de Givesco, estimée à 31 m par la caméra du MTQ environ 42 secondes avant l’accident, était insuffisante pour permettre à M. Prince d’éviter la collision.
Les défenderesses
Trois transporteurs de même que leur assureur respectif sont visés par la poursuite du MTQ. La société EGGR est défendue par la Compagnie d’assurance AIG du Canada. Les deux firmes sont représentées par le cabinet Robinson Sheppard Shapiro. Me Justin Beeby est le procureur principal affecté à ce mandat.
De son côté, Bombardier aéronautique est défendue par l’assureur Zurich. Le cabinet d’avocats Lapointe Rosenstein Marchand Mélançon s’occupe de leur défense. Me Francis Meagher est le principal avocat au dossier.
Enfin, la firme Givesco est assurée par Aviva Canada. Le cabinet Bélanger Sauvé est mandaté pour les représenter. Me Éric P. Masse nous informe que les interrogatoires préalables ont déjà eu lieu. Les parties en sont au stade de l’expertise pour déterminer le quantum des dommages.
Au Fonds de solidarité FTQ, on confirme que l’immeuble situé au 555, du côté est de la rue Lajeunesse et voisin du siège social du Fonds, est celui dont la façade a été endommagée par l’incendie provoqué par l’explosion du camion-citerne. Courbec, qui était le gestionnaire de l’immeuble à l’époque, a été indemnisé par l’assureur Northbridge, qui poursuit les mêmes transporteurs. Les deux litiges seront unis dans l’instance.