Les tarifs douaniers décrétés plus tôt cette année par l’administration américaine touchent beaucoup de secteurs, dont celui de l’assurance de dommages. Celui-ci se dit toutefois prêt à faire face à toute éventualité.
C’est le constat qu’ont dressé quatre experts réunis le 2 avril dernier au Palais des congrès de Montréal dans le cadre du panel de clôture de la Journée de l’assurance de dommages, événement des Éditions du Journal de l’assurance.
En provoquant une poussée de l’inflation, les tarifs exerceront certainement une pression à la hausse sur les coûts en assurances, mais aussi sur la facture totale des indemnisations et des réclamations, soulève Jean-François Lussier, vice-président principal, région du Québec, chez Northbridge Assurance.
L’inflation, mais aussi l’incertitude autour du contexte économique actuelle, dévalue également le dollar canadien, ce qui rend bon nombre de produits et services plus onéreux, rappelle aussi Martin Boyer, professeur titulaire au département de finance à HEC Montréal.
L’industrie de l’automobile happée de plein fouet
L’industrie se souvient des effets de la pandémie et du resserrement des frontières sur les chaînes d’approvisionnement, notamment celle de l’industrie automobile. Celle-ci pourrait « se défaire demain matin » en raison des tarifs et de la réorganisation que ceux-ci entraîneront chez plusieurs fabricants, note Jean-François Lussier.
« Vous vous souvenez, c’était difficile d’obtenir certaines pièces d’auto, il y avait des délais, rappelle-t-il. Tout ça a un coût assez important pour les consommateurs et ça pourrait se répercuter sur les primes d’assurance. »
Jocelyn Laflamme, vice-président actuariat et souscription chez Desjardins Groupe d’Assurance Générale, est du même avis.
« On peut s’attendre que l’assurance automobile soit une des lignes d’affaires les plus touchées en raison de la grande intégration de l’industrie [à travers le continent] », avance-t-il.
« De l’autre côté, on peut aussi s’attendre à ce que les consommateurs aient moins d’argent pour acheter des véhicules neufs, et donc que ça occasionnera une baisse des assurances auto », poursuit-il.
Mais Alain Fortin, premier vice-président pour Québec chez Intact Assurance, estime que l’industrie est suffisamment résiliente pour ne pas subir de contrecoups trop sévères.
« On a fait des analyses sur la chaîne d’approvisionnement et on estime, chez nous, un impact de 12 % sur les coûts d’indemnisation en assurance automobile et de 8 % sur les coûts en indemnisation globaux, indique-t-il. Pour nous, c’est gérable, et on regarde vers des solutions canadiennes et plus locales [pour compenser]. »
Des primes à la baisse
À l’inverse, la facture salée qui accompagne les tarifs douaniers pourrait forcer certaines entreprises à renégocier leur contrat d’assurance, fait valoir M. Lussier. Une pression qui se fait sentir depuis quelques mois, ajoute-t-il. « La première chose que les gens vont vouloir couper, c’est leur prime », dit-il.
Les entreprises assurées pourraient devoir « choisir entre payer leurs employés ou la réfection du toit de la bâtisse », illustre également M. Lussier, ce qui pourrait mener à une baisse d’entretien préventif des infrastructures et conduire à une augmentation des réclamations à la suite d’un dommage.
M. Lussier craint aussi qu’une récession provoquée par l’imposition des tarifs ne conduise à une augmentation des fraudes à l’assurance, un phénomène déjà observé.
« Tout ça ensemble pourrait exercer une pression à la baisse des taux et augmenter le risque et les paiements d’indemnisation », résume-t-il.
Le secteur des transports touché
S’ils n’épargnent personne, les tarifs douaniers feront souffrir certaines industries plus que d’autres, le transport par autocar en tête de file.
« Plus personne ne veut voyager aux États-Unis et ça affecte énormément les compagnies d’autobus qui font du charter : il y aura un impact sur le renouvellement de nos programmes d’assurances », prévoit M. Lussier.
Une tendance qui s’observe depuis janvier, précise-t-il, et cela forcera les entreprises touchées à revoir leur offre. « Il faudra qu’elles reviennent à un mode canadien interprovincial, ce qui change toute la dynamique de ces entreprises qui sont habituées de faire 80 % de leur business aux États-Unis. »
Comment éviter le pire ?
Les assureurs peuvent mettre en place des mesures pour atténuer les effets des tarifs. « Comme assureur, notre travail est aussi de chercher des solutions pour que les chaînes d’approvisionnement soient moins impactées », souligne Alain Fortin.
« Les courtiers peuvent aussi magasiner des protections supplémentaires pour [leurs clients], des compagnies qui pourraient être nerveuses, ajoute-t-il. Il y a des assurances crédit : il y a une opportunité-là pour essayer de protéger les acquis. »
Le secteur bancaire n’est pas en reste, note Jocelyn Laflamme. « On a un rôle préventif à jouer. Chez nous, le secteur bancaire entreprises de Desjardins a déjà communiqué proactivement avec 40 000 membres entrepreneurs pour leur donner des conseils stratégiques, pour les aider à diversifier leur clientèle et également leur présenter des solutions financières. »
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