Le 19 avril dernier en Cour supérieure, une famille de sinistrés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac a échoué dans son recours intenté contre La Personnelle Assurance générale.
La décision, publiée en anglais, a été rédigée par le juge Louis Charette. La poursuite était intentée par Cynthia Rogerson et Anthony Minall, qui ont été évacués dans la soirée du 27 avril 2019 quand la digue s’est rompue à Sainte-Marthe-sur-le-Lac en raison d’une crue importante du lac des Deux-Montagnes.
La famille a transmis une réclamation pour couvrir ses dépenses de relocalisation et les dommages causés au sous-sol de leur résidence. L’assureur a refusé la réclamation en se basant sur l’exclusion prévue de la couverture en cas d’inondation et sur la définition du sinistre prévu au contrat lorsqu’il est question de dommages causés par l’eau.
Malgré ces refus, le couple a néanmoins rénové le sous-sol de la résidence. Il a reçu des indemnités de la part du ministère de la Sécurité publique et du ministère des Affaires municipales et de l’habitation.
Les requérants ont néanmoins continué de poursuivre La Personnelle et de réclamer la valeur des dommages. En sus, ils demandaient des dommages moraux découlant du refus de couverture et des dommages punitifs pour la violation de leur droit de vivre dans un environnement paisible.
Interprétation
Lorsqu’il y a un litige à propos de la garantie, le requérant est tenu de prouver que la couverture d’assurance du contrat s’applique à la situation et la valeur des dommages subis. De son côté, l’assureur doit démontrer que l’exclusion prévue au contrat s’applique dans le cas précis de cette réclamation.
La jurisprudence et la doctrine établissent qu’en cas de litige, les clauses du contrat doivent être interprétées de manière large tandis que les exclusions doivent être analysées de manière très étroite. Si le libellé n’est pas clair, le contrat doit être interprété en faveur de l’assuré.
Les requérants allèguent que le libellé de l’exclusion est flou et devrait être interprété au soutien de leur réclamation. De plus, ils avancent que le dommage au sous-sol n’a pas été causé par l’inondation, mais par le refoulement d’égout. La cour estime plutôt que le texte sur l’exclusion de la garantie ne souffre d’aucune ambiguïté.
Si le refoulement d’égout est bien couvert, indique le tribunal, le contrat prévoit néanmoins que la garantie ne s’applique pas si les limites de la propriété ont été touchées par une inondation. La preuve confirme bel et bien que le débordement est allé plus loin que le niveau de la rue et a touché les limites de la propriété des demandeurs.
Ceux-ci affirment que le refoulement a été causé par l’interruption de l’alimentation électrique des pompes municipales qui tentaient de faire baisser le niveau d’eau. La cour rétorque que l’inondation causée par l’effondrement de la digue a été à l’origine du dommage qui a frappé la résidence des requérants.
Autres dommages
Le contrat d’assurance requiert que chaque partie se comporte avec rigueur et bonne foi. Les assurés doivent prouver leur réclamation auprès de leur assureur, incluant les renseignements additionnels qui surviennent et dont l’assureur doit tenir compte dans son évaluation de la réclamation.
Le refus d’indemniser n’est pas en soi une preuve de mauvaise foi qui entraîne des dommages moraux. Les assurés doivent prouver que l’assureur est fautif dans la gestion de la réclamation.
Le tribunal note que La Personnelle a créé un comité d’étude des réclamations, présidé par René Beaudouin, afin d’étudier toutes les réclamations provenant des assurés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. Dès le 30 avril 2019, après avoir visité leur domicile, les requérants ont pu parler aux représentants de l’assureur. L’exclusion de la garantie a été mentionnée par l’assureur.
Le même jour, après avoir pris connaissance des faits, l’assureur a écrit aux requérants pour leur confirmer que l’inondation n’était pas couverte dans leur contrat d’assurance habitation. Le 2 mai, les requérants ont pris contact avec l’assureur pour modifier leur réclamation en reliant les dommages au refoulement d’égout.
L’expert en sinistre de l’assureur a visité le domicile le 8 mai et a confirmé à ses supérieurs que le dommage était relié à l’inondation. Le refus d’indemniser a été de nouveau confirmé.
Le 16 mai, la famille a porté plainte auprès du centre des relations avec la clientèle de l’assureur. Leur réclamation a été transmise au comité présidé par M. Beaudouin. L’enquête menée n’a pas permis de modifier le refus initial de la couverture.
Le 1er août 2019, une nouvelle demande d’indemnisation a encore une fois été refusée. Le tribunal estime que l’assureur a correctement géré la réclamation et qu’il a pris soin d’analyser tous les renseignements qui lui ont été fournis par les assurés et les différents intervenants publics concernés par cette catastrophe.
L’estimation
La limite de la garantie était de 50 000 $. Les requérants affirment avoir dépensé davantage pour remettre leur résidence en état. L’assureur rappelle que, si la réclamation devait être acceptée par le tribunal, l’indemnité devrait être abaissée d’une somme de 29 920,74 $ correspondant à la somme versée par Sécurité publique Québec à la famille.
Tout en reconnaissant le stress vécu par la famille à la suite du sinistre, le tribunal établit que le refus de couverture de l’assureur ne le rend pas responsable des tourments vécus par les requérants en raison de l’inondation. Même si l’assureur avait décidé de couvrir leurs dommages, la famille aurait quand même été évacuée, aurait perdu ses biens personnels et aurait eu à vivre les travaux de remise en état du sous-sol.
Le délai de remise en état a été provoqué par leur contestation de la décision de l’assureur. Le tribunal précise que si l’assureur avait été fautif dans sa gestion de la réclamation, les deux requérants auraient eu droit à une somme de 5 000 $ en dommages moraux.
Concernant les dommages punitifs, le tribunal rejette aussi la réclamation des assurés. Le refus de couverture ne les a pas empêchés de reprendre possession de leur résidence et de procéder aux travaux. En réalisant eux-mêmes les travaux de démolition et de rénovation, ils ont prolongé le temps mis à remettre la maison en état.
L’assureur a mis tous les efforts requis pour analyser et gérer le surplus de réclamations découlant du sinistre survenu en avril 2019. Même si l’assureur n’a jamais modifié sa position, ses représentants ont analysé les renseignements soumis chaque fois que la famille a réitéré sa demande d’indemnisation.
L’assureur a été constant dans son obligation de bonne foi et a été respectueux du droit des assurés. Sans preuve de mauvaise conduite de sa part, cette dernière réclamation pour dommages punitifs est aussi rejetée.