Il est loin le temps où les assureurs assuraient les motos de leurs clients pour les accommoder. Le marché de l’assurance des véhicules de loisir a subi une explosion, incitant les assureurs à raffiner et à personnaliser leur souscription, même si les primes sont peu élevées dans ce marché.
Quand on pense à un assureur direct, on pense parfois à une machine à saucisses, imaginant que tout doit être standardisé avant d’être commercialisé. Ce n’est toutefois pas l’approche de La Capitale assurances générales dans le segment des véhicules de loisir. L’assureur a raffiné sa souscription et formé son personnel au fil des ans pour desservir cette clientèle exigeante.
« Les produits liés aux véhicules de loisir sont devenus un marché à part entière, comme l’automobile et l’habitation, dit Pierre Duchesne, coordonnateur à la direction des normes à La Capitale. Nous avons été le premier direct à prendre cette avenue il y a dix ans, et chaque assureur tente depuis d’avoir un produit spécifique. La tarification est maintenant plus pointue, et on ira chercher une prime personnalisée pour l’assuré. Un jeune qui conduit une moto sport n’aura pas la même prime qu’un babyboumeur qui conduit un Harley Davidson. Les valeurs des véhicules sont pourtant les mêmes, mais les risques diffèrent. »
M. Duchesne ajoute que les assureurs se doivent de procéder ainsi pour répondre aux demandes des passionnés que sont les propriétaires de véhicules de loisir. « C’est un loisir qui leur coute cher, et la période d’utilisation est très courte. S’ils ont un sinistre, ils veulent une réparation rapide, car sinon, leur saison y passe. C’est donc plus difficile de répondre à cette clientèle qu’en assurance auto ou habitation », dit-il.
La Capitale ajoute donc certains bonbons à sa couverture. « Nous offrons sans frais un montant de couverture pour les accessoires en moto ou en VTT. Ce n’est pas quelque chose que l’on ferait en automobile. C’est aussi pourquoi nous avons ajouté la protection d’Air Médic à certaines de nos couvertures. Nous voulons cibler les amateurs », dit M. Duchesne.
La compagnie sœur de La Capitale dans le courtage, L’Unique Assurances générales, bonifie aussi son offre dans le marché des véhicules de loisirs. L’an dernier, L’Unique a investi le segment des bateaux, ce qui fait que l’assureur à courtage est maintenant présent dans tous les segments de l’assurance des véhicules de loisir.
« Nous bénéficions, à L’Unique, de l’expertise de La Capitale dans ce segment, dit Yves Gagnon, vice-président en assurance des particuliers. Quand ils font des choses positives, nous en profitons. Il ya beaucoup de synergie à cet effet, maintenant. Tout ce qui peut être intéressant de leur côté, nous l’amenons du côté des courtiers. »
Pour le marché des bateaux, L’Unique a ainsi pu profiter de l’acquisition de Direct Marine par La Capitale. « La portion courtage a été revendue à L’Unique. Nous sommes donc bien installés dans le bateau. C’est un segment important et nous écrivons pas mal de primes en ce moment dans tout le marché des véhicules de loisir », dit M. Gagnon.
En motoneige, L’Unique avait 7 400 polices en vigueur en janvier 2015, contre 6 595 un an plus tôt, pour un volume dépassant 1,6 million de dollars (M$). Du côté des motocyclettes, L’Unique assure plus de 10 000 motos contre 9 333 en 2014. Pour les VTT, le nombre de véhicules assurés est passé de 9 333 en 2014 à 12 794 en 2015. Pour les caravanes en mouvement, L’Unique est passé de 5 661 véhicules assurés en 2014 à 6 128 en 2015. Le volume est plus stable du côté des autocaravanes (campeurs), passant de 2 216 en 2014 à 2 246 en 2015. Pour les bateaux, l’assureur est parti de zéro en 2014. Il assure maintenant 1 781 bateaux, pour un volume totalisant 760 000 $.
Cette hausse se fait malgré le fait que L’Unique ait décidé d’accommoder ses clients en facturant leur prime mensuellement. Généralement, les assureurs font des étalements sur douze mois, et le consommateur paie sa prime sur douze mois.
« Contrairement à bien des assureurs, nous acceptons d'étaler la prime mensuellement pour les véhicules de loisir, même si la période d'acquisition des primes est concentrée seulement sur les quelques mois de la saison d'utilisation. On court un risque si un assuré ne nous paye que pendant les mois d'utilisation et annule sa police par la suite, mais nous acceptons ce risque », dit M. Gagnon. L’Unique permet aussi la facturation d’honoraires dans ce segment pour les courtiers qui le souhaitent.
Segment rentable
M. Gagnon mentionne lui aussi que la souscription a évolué en assurance des véhicules de loisir. « Ce n’est pas une tarification simplifiée. Il y a maintenant de nombreux codes. On ne parle pas simplement de l’âge du conducteur, de la cylindrée de son véhicule et de s’il compte l’utiliser en ville ou en campagne. C’est très élaboré, même si les primes y sont peu élevées. Ça vaut la peine, car c’est un segment rentable », dit-il.
Fait particulier : L’Unique offre un rabais pour ses clients qui ont une multitude de véhicules de loisir. Et l’assuré n’a pas à avoir son contrat d’assurance auto ou habitation avec l’Unique. « C’est quelque chose qu’on voit de plus en plus. Un usager fera de la motoneige l’hiver et du VTT en été.
Lucie Fréchette, présidente de Leclerc Assurances, note que la saison des usagers de véhicules de loisir s’étire. Ce cabinet de courtage se spécialise dans les segments des caravanes et des VTT.
« Pour certains types de caravanes, on voit certains clients commencer leur saison en mars et la terminer à la mi-octobre. Ils se servent donc de leur caravane plus longtemps. Les gens magasinent aussi leurs véhicules en fin de saison pour être fin prêts pour la saison à venir. Le même phénomène se voit aussi pour les VTT, avec l’avènement des chenilles qui remplacent les roues. Ce véhicule peut donc être utilisé pendant quatre saisons », dit-il.
Autre constat : le marché des véhicules de loisir n’est pas nécessairement réservé aux babyboumeurs. De plus en plus de jeunes familles se dotent de caravanes non motorisées, contribuant à la croissance de ce marché, souligne Mme Fréchette.
Elle ajoute par ailleurs que le marché des véhicules de loisir peut ouvrir d’autres portes. « Quand un assuré te fait confiance pour ce type de véhicule, il est souvent prêt à te faire confiance pour autre chose », dit-elle.
Comme son nom l’indique, April Marine se spécialise dans le segment des bateaux comme grossiste. Son directeur pour le Québec, Bertrand Rouault, souligne que le marché y est très concurrentiel. Au Canada, il l’estime à 130 M$, dont 30 M$ pour le Québec. Le volume d’April dans ce segment avoisine les 10 M$. Le grossiste a affiché une croissance de 9 % en 2014.
Produits de spécialité
« Nous essayons d’y être le plus inventifs possible. Nous essayons d’être près de nos plaisanciers. Nous avons une niche importante pour les bateaux de pêche et nous a un produit sur mesure pour eux. Il faut comprendre que les valeurs y augmentent rapidement. La valeur d’un bon coffret de pêche et de son contenu peut facilement atteindre 1 500 $, plus un autre 1 600 $ pour les cannes et les moulinettes. Nous mettons donc l’accent sur la protection des biens du pêcheur. Nous essayons de nous distinguer de la concurrence. Ce n’est plus un produit générique, mais bien de spécialité », dit M. Rouault.
Autre exemple : le marché des motomarines, longtemps redouté par les assureurs. Ceux-ci exigent désormais d’avoir la liste de toutes les personnes qui pourraient conduire l’engin de l’assuré pour les couvrir.
« C’est un irritant pour ces plaisanciers. Si la personne n’est pas inscrite, certains assureurs vont refuser d’indemniser en cas de sinistre. L’assuré ne veut pas en oublier une, car parfois, il peut y avoir 15 personnes à inscrire. Nous nous sommes adaptés, de notre côté, et nous demandons plutôt que la franchise soit multipliée par deux si un conducteur n’était pas inscrit en cas de sinistre. C’est en écoutant les clients qu’on s’adapte », dit M. Rouault.
April Marine a ajouté un service d’assistance nautique à son offre, fonctionnant comme un CAA-Québec en automobile. Ainsi, si un plaisancier est pris avec son bateau au milieu de l’eau, il aura de l’aide, et ce, qu’importe le jour ou l’heure.
Traitant avec des courtiers, April Marine les forme, mais investit aussi dans des outils pour les aider à mieux vendre. « Si le courtier a la personne au téléphone et que celle-ci lui dit qu’elle a un bateau de 36 pieds d’une marque donnée, le courtier verra apparaitre une photo de ce bateau sur son écran dans notre portail de souscription pour bien voir de quoi il s’agit », dit-il.
M. Rouault note aussi que les propriétaires de véhicules de loisir n’achètent pas leur engin par catalogue. « Pour un bateau, ils veulent le toucher, d’où l’importance pour nous d’être présents dans ces salons. Nous en voyons même enlever leurs souliers pour toucher le tapis de leurs pieds dans les bateaux. C’est une voie classique et nous ne pouvons l’abandonner », dit-il.
Et cet investissement ne s’arrête pas là. April envoie régulièrement des infolettres à ses clients, en plus d’être présent sur Facebook et LinkedIn. Le grossiste offre aussi dans certains cas un abonnement gratuit à des revues spécialisées.
Cibler ainsi les amateurs de véhicules de loisir nécessite toutefois des efforts, note Pierre Duchesne, de La Capitale. « Nous devons faire preuve d’ouverture concernant les nouveautés. Quant le CanAm Spyder est arrivé sur le marché, le réflexe attendu d’un assureur direct aurait été de voir l'évolution du produit pour être compétitif. Ce n’est pas l’approche que nous avons eue à La Capitale. Notre approche est plus de comprendre le produit et à qui il s'adresse pour avoir une prime et une protection les plus compétitives possibles. C’est un changement de mentalité en ce qui concerne les risques d'accommodation. Ceux qui ont encore une approche d’accommodation auront de la difficulté dans le futur, car le véhicule de loisir est de plus en plus considéré comme un risque à part », dit-il.
En 2014, La Capitale comptait 115 000 clients propriétaires d’un véhicule de loisir. L’assureur estime sa part de marché au Québec à 12 % en primes, tous segments confondus. En assurance des motos, La Capitale estime sa part à 13,5 %.
Un investissement nécessaire
Même si les primes y sont peu élevées, les assureurs et spécialistes du marché rivalisent pour se faire connaitre des usagers de véhicules de loisir. Ils investissent ainsi de fortes sommes pour être présents dans la multitude de salons qui ont cours dans l’année.
« C’est une visibilité, dit Pierre Duchesne de La Capitale. Nous vendons l’image de la compagnie. C’est une des raisons pour lesquelles les gens viennent chez nous. Ça passe aussi par la formation de nos agents. Ils doivent savoir de quoi ils parlent. Nous y mettons beaucoup d’efforts. Même si nous avons un bon produit et un bon prix, si l’assuré a l’impression que notre agent ne sait pas de quoi il parle, ça ne fonctionnera pas. Le bouche-à-oreille joue beaucoup. Sur un terrain de camping, ça peut aller vite. »
Lorsque le Journal de l’assurance l’a joint, Bertrand Rouault, d’April Marine, revenait d’un séjour à Toronto, où il avait passé dix jours dans un salon nautique. « C’est de la visibilité. Les gens passent dans le couloir et voient le nom de l’entreprise. Nous n’avons pas le choix, il faut être présents. Ce salon, qui durait dix jours, a connu une baisse d’achalandage de 5 % par rapport à l’an dernier, mais c’est tout de même 70 000 personnes qui l’ont fréquenté. Ça coute cher d’y être présents, mais nous avons distribué 8 000 dépliants et rempli 500 soumissions en ligne », relate-t-il.
Lucie Fréchette, de Leclerc Assurances, souligne qu’elle a une équipe qui fait la tournée du Québec durant l’été pour visiter les gens où ils se trouvent, notamment sur les terrains de camping. « Il faut être présents pendant que les gens l’utilisent. C’est aussi pour cette raison que nous signons des partenariats avec certains clubs de motoneige et de VTT. Nous voulons que les gens pensent à nous lorsqu’ils changent leur unité ou quand vient le renouvèlement de leur contrat », dit-elle.
À L’Unique, Yves Gagnon souligne que l’une de ses priorités est de développer des outils conviviaux et efficaces pour les courtiers. « Pour avoir une croissance à long terme, il faut faire en sorte que les courtiers s’approprient nos produits. C’est un segment où ils peuvent se démarquer », dit-il.