Zahid Salman

Le groupe d’entreprises Green Shield Canada (GSC) veut se distinguer comme le fournisseur qui offre le meilleur accès numérique aux soins de santé mentale et dentaire au Canada. Pour atteindre son but, GSC s’affaire à constituer une plateforme qui offre tous les services de santé numériques. 

Steve Laberge

Lors d’une entrevue exclusive accordée au Portail de l’assurance, Zahid Salman, président et chef de la direction de Green Shield Canada, et Steve Laberge, vice-président Québec et solutions stratégiques de HBM+ et de Green Shield, ont dévoilé les détails de leur stratégie. Division de Green Shield, HBM+ fournit entre autres des solutions de gestion des réclamations en assurance médicaments.

En plus d’avoir récemment effectué plusieurs transactions pour élargir sa plateforme, Green Shield s’affaire à accroître sa présence au Québec, une province dans laquelle il est moins connu qu’ailleurs au Canada. Steve Laberge sera responsable de ce développement.

Héritage philanthropique 

En entrevue, M. Salman a d’abord insisté sur le caractère sans but lucratif de son entreprise. Il s’agit selon lui d’une valeur très importante dans la culture de l’entreprise fondée en 1957 par Bill Wilkinson, pharmacien de Windsor en Ontario. Il rappelle qu’en qualité d’entreprise sans but lucratif, Green Shield emploie ses bénéfices à soutenir des causes sociales dédiées à une meilleure santé. Elle le fait particulièrement en santé orale et mentale. 

Le PDG de Green Shield aime à raconter l’histoire du fondateur, aussi un pharmacien. Une jeune mère se présente un jour à son commerce pour se procurer deux prescriptions : l’une pour elle et l’autre pour sa jeune fille. Elle a seulement les moyens d’en payer une. Confronté au dilemme de cette jeune mère, M. Wilkinson fait naître Green Shield, en créant le premier programme de médicaments prépayés (pre-paid drug plan), relate Zahid Salman.

Offrir des soins  

Zahid Salman affirme que Green Shield figure au quatrième rang des assureurs en ce qui touche la couverture des soins de santé et dentaires au pays. « Le tout par croissance organique », soutient-il. GSC est aussi selon son PDG l’un des plus grands gestionnaires de régimes d’assurance médicaments au Canada, et le plus grand au Québec. « Dans ce secteur d’affaires, nous soutenons d’autres assureurs avec notre plateforme », ajoute M. Salman. Ces activités sont dirigées par Steve Laberge, sous l’égide de HBM+. 

M. Salman classe d’ailleurs les soins dentaires parmi les grands oubliés. « La plupart des gens ne se préoccupent pas vraiment du sujet des soins dentaires », déplore-t-il. Green Shield Canada a ainsi donné 6,15 millions de dollars à la Faculté de dentisterie de l’Université de Toronto pour financer un programme de recherche destiné à offrir des soins dentaires gratuitement à des familles pauvres (The Green Door Project).

« Nous voulons rendre plus visibles les lacunes du système de santé en matière de soins dentaires. Environ le tiers des Canadiens n’ont pas de couverture de leur employeur ou du gouvernement pour s’offrir des soins dentaires. C’est terrible, car une mauvaise santé dentaire affecte toute notre santé », s’exclame M. Salman. Il veut le démontrer par cette recherche, afin que gouvernements et autres payeurs y portent davantage attention. 

Plateforme ouverte 

Or, le PDG de Green Shield dit vouloir être plus que le quatrième assureur du marché des soins de santé et des soins dentaires. « Nous avons décidé de nous repositionner comme une compagnie de soins de santé intégrés, révèle-t-il. En plus d’offrir des couvertures d’assurance collective, de payer des réclamations et d’administrer des régimes, nous deviendrons la première compagnie d’assurance à offrir aussi des soins. Nous commençons maintenant à acquérir et détenir entièrement des fournisseurs de services de santé. » 

À savoir si la plateforme de GSC sera ouverte aux concurrents et accessible à tous les paliers de la chaîne de distribution, MM. Salman et Laberge répondent que oui. Ils ont expliqué leur stratégie par les mots « acquisitions, partenariats et développement interne ». Les entités qui en résulteront cohabiteront dans sa plateforme, assurent-ils. 

« Nous voulons créer un écosystème de partenaires numériques en santé, ajoute M. Salman. Il s’appelle La clinique numérique offerte par GSC. Nous détiendrons certains services alors que nous conclurons un partenariat avec d’autres. Par exemple, Maple est notre partenaire en télémédecine. Avec tellement de bonnes compagnies de télémédecine dans le marché, il nous a semblé préférable d’établir un partenariat. » 

Green Shield Canada veut permettre aux assureurs d’utiliser sa plateforme. Il veut aussi le permettre aux cabinets qui agissent à titre de tierce partie en administration ou en paiement de réclamation en assurance collective. Green Shield considère ces tiers comme ses clients. M. Salman signale que GSC permet déjà l’accès de sa plateforme aux tiers, dans la gestion des régimes d’assurance médicaments que dirige Steve Laberge. 

Plusieurs transactions récentes 

Le 9 mars 2022, Green Shield Holdings a acquis deux firmes du secteur pharmaceutique. Zahid Salman a qualifié la double acquisition d’étape déterminante dans son repositionnement comme seul joueur qui soit à la fois payeur et fournisseur au Canada. 

Réseau pancanadien de quatre pharmacies et 19 cliniques axées sur le traitement de maladies complexes comme la polyarthrite rhumatoïde, la migraine et la sclérose en plaques, NKS Health dit desservir 30 000 patients par an. Pharmacie numérique, The Health Depot se spécialise pour sa part dans le traitement des maladies chroniques.

En octobre 2021, HBM+ a conclu un partenariat avec la firme néo-zélandaise Sentro. Les partenaires offrent une plateforme qui offre la gestion des polices et des réclamations, ainsi qu’un service de détection des fraudes.  

En août 2021, Green Shield Canada a acquis Tranquility Online, entreprise d’Halifax en Nouvelle-Écosse, dont la plateforme numérique offre la thérapie cognitivo-comportementale en ligne, et l’accompagnement en santé mentale. 

En mars 2021, Green Shield Canada a acquis Inkblot Technologies. Dans l’annonce de cette transaction, Zahid Salman annonçait son intention de développer un écosystème centré sur les soins de santé numériques. Plateforme numérique, Inkblot permet à GSC d’offrir aux personnes, aux employeurs, aux systèmes de santé et aux gouvernements des soins en santé mentale. 

En décembre 2020, Green Shield Benefits Association a acquis Benecaid des mains du groupe April. Benecaid est un cabinet ontarien qui agit comme tiers administrateur de régimes collectifs de soins de santé et de soins dentaires auprès des petites et moyennes entreprises. 

Green Shield a aussi investi de façon importante dans certains partenaires. Lorsque MindBeacon a émis des actions sur le parquet torontois en décembre 2020, GSC en a acquis près de trois millions. Clinique virtuelle en santé mentale, MindBeacon compte aussi Manuvie et TELUS parmi ses actionnaires.

Sur son site, MindBeacon indique que ses programmes sont couverts par des assureurs tels que Green Shield, Croix Bleue Medavie, Croix Bleue de l’Alberta, Croix Bleue du Pacifique, Desjardins Assurances, La Capitale et SSQ Assurance (regroupés dans Beneva), Manuvie, et Sun Life

M. Salman a en outre signalé la capacité qu’a Green Shield Canada d’enrichir la plateforme de façon interne. En mars 2019, GSC et HBM+ ont lancé Claim Watch (Sous la loupe), un service qui mise sur l’intelligence artificielle pour détecter et prévenir les réclamations frauduleuses. Steve Laberge a mentionné que des organisations non-clientes utilisent son programme contre la fraude. 

Devenir plus gros au Québec 

Accentuer davantage sa présence au Québec est l’une des stratégies clés de Green Shield. « Nous sommes gros au Québec dans une partie de nos affaires, celles en gestion de l’assurance médicaments. Nous ne le sommes pas autant que nous pourrions l’être dans nos affaires d’assurance et de services de santé numériques. Sous la direction de Steve, nous avons l’ambition de croître dans toutes nos affaires au Québec », a ajouté Zahid Salman. 

Important gestionnaire de réclamations en assurance médicaments au Québec, HBM+ passe pourtant inaperçu selon Steve Laberge, vice-président Québec et solutions stratégiques de HBM+ et de Green Shield. « Nous avons des clients de grande taille, comme SSQ Assurance et la Commission de la construction du Québec (CCQ), à qui nous offrons des solutions en marque blanche. Ils peuvent utiliser notre technologie sous leur propre marque », explique M. Laberge. 

La grandeur de ces deux clients payeurs de réclamations a son impact sur les activités de HBM+. Parmi les 70 millions de réclamations que traite annuellement son système à travers le Canada, quatre sur 10 viennent du Québec, signale Steve Laberge. Il veut maintenant augmenter l’empreinte de la marque GSC au Québec, tant au point de vue de son implication sociale que de ses capacités opérationnelles. 

Syndicats et action sociale 

Steve Laberge s’est joint à Green Shield Canada en 2014, après avoir œuvré pendant près de 10 ans à Desjardins Sécurité financière. Il occupe son poste actuel à GSC et à HBM+ depuis janvier 2021. M. Laberge dit renouveler l’engagement de Green Shield au Québec. « Le comité exécutif de Green Shield a approuvé notre stratégie et nous sommes prêts à lancer notre plan visant à augmenter notre présence au Québec, annonce-t-il. Le 1er février, nous avons lancé notre canal Linkedin Québec. » 

Parmi ses priorités au Québec, l’organisation mettra davantage en vitrine ses outils technologiques. « Nous savons qu’au Québec, il y a beaucoup de régimes collectifs très complexes, établis selon des conventions collectives dans lesquelles le syndicat exige que le régime soit administré selon l’entente. Une telle administration requiert des systèmes souples et de fortes capacités technologiques », explique Steve Laberge.

Il entend offrir un guichet unique à ces organisations aux besoins complexes. Il veut promouvoir l’accès sous un même toit à la technologie, à des solutions de contrôle des coûts et à une offre de services numériques à travers laquelle le participant de régime pourra aisément naviguer, à partir de l’appareil de son choix. 

Steve Laberge misera aussi sur l’implication sociale de Green Shield au Québec. « Nous voulons faire une différence dans notre société, en aidant les Québécois à vivre plus en santé. » Il a entre autres signalé un partenariat avec la Fondation du Grand Montréal, qui permet à Green Shield de redonner une partie de ses bénéfices aux Québécois. 

Une nouvelle compagnie d’assurance 

Fin mai 2021, Green Shield Holdings a fait connaître son intention de déposer une demande pour que la ministre des Finances fédérale accorde des lettres patentes en vue de constituer une société d’assurance vie. L’assureur aurait pour nom Assurance Green Shield Canada. Steve Laberge précise que le nom enregistré au Québec auprès de l’Autorité des marchés financiers est Le Bouclier Vert du Canada. « Par contre, le nom que nous employons au Québec est Green Shield Canada ou GSC ; et c’est le même que nous employons au Canada en anglais », dit M. Laberge. 

Il explique que la nouvelle compagnie pourra offrir une gamme de produits d’assurance diversifiés, par l’entremise de partenaires. Parmi ces produits, il y aura notamment des produits d’assurance vie et d’assurance invalidité, révèle M. Laberge. Au moment de l’entrevue, la nouvelle compagnie n’avait pas encore été lancée. 

Présence québécoise en chiffres 

Green Shield occupait le 4e rang du marché canadien de l’assurance collective en 2020, avec une part de 4,9 %, selon le Group Universe Report du marché canadien publié par Groupe Fraser. Sun Life trône au premier rang avec une part de 24,6 %, suivi de Canada Vie (20,5 %), Manuvie (19,7 %), l’ensemble des Croix Bleue au Canada et dont Groupe Fraser réunit les résultats (10,0 %) et Desjardins Assurances (6,3 %). 

Au Québec, Green Shield Canada aura une côte à monter. Selon le Group Universe Report consacré au marché québécois, la part de Green Shield dans la province s’est établie à 0,5 % en 2020 (9e position si l’on tient compte du regroupement de SSQ Assurance et de La Capitale dans Beneva, 10e position autrement).

Les trois meneurs du marché collectif au Québec détenaient près des deux tiers du marché en 2020 : Beneva avec une part de 27,6 %, lorsque l’on combine les résultats de SSQ Assurance (18,6 %) avec ceux de La Capitale (9,0 %) ; Desjardins Assurances avec une part de 18,6 % et Manuvie avec une part de 13,3 %.

Suivent ensuite en ordre décroissant Sun Life (12,4 %), iA Groupe financier (9,2 %), Canada Vie (8,2 %), les Croix Bleue actives au Québec, soit Croix Bleue Medavie et Croix Bleue du Québec (6,4 %), et Empire Vie avec une part de 1,1 %.

La moitié des revenus en médicaments 

En termes de revenus générés par l’assurance collective en 2020 au Canada, 48 % proviennent de la garantie des soins de santé médicaux et 19 % de la garantie des soins dentaires, selon le Group Universe Report.

Selon ce rapport, les revenus de la garantie d’invalidité à long terme ont représenté 20 % des revenus totaux, ceux de la garantie d’assurance vie, mort et mutilation accidentelles 8 %, ceux de l’invalidité à court terme 5 % et ceux de l’assurance maladies graves 1 %. Le total excède 100 % en raison de l’arrondissement des données à la décimale près, dont les détails ne sont pas disponibles dans le rapport. 

Forte demande en santé mentale 

Green Shield a observé une très forte croissance de l’utilisation de ses services numériques depuis le début de la pandémie. Le PDG de Green Shield cite le rapport annuel 2021 d’Environics Research commandité par Dialogue, fournisseur de services en télémédecine entré en bourse au printemps 2021. Intitulé La position des Canadiens et des Canadiennes en matière de santé et de soins virtuels, le rapport révèle que 82 % des travailleurs sont d’accord pour que les employeurs offrent des services de soins virtuels à leurs employés. 

 « Maintenant ces employeurs se tournent vers les compagnies d’assurance et leur demandent : pouvez-vous nous aider à le faire ? Nous avons vu pendant la pandémie que les Canadiens veulent avoir un plus grand accès à des solutions numériques », observe M. Salman. Les difficultés d’accès à des soins en personnes ont par ailleurs créé une pression énorme sur le système de santé canadien.

La demande envers les services numériques de soins de santé mentale offerts par sa plateforme ne cesse de croître, ajoute le PDG de Green Shield. Des statistiques d’Inkblot Technologies révèlent que le nombre de réclamants uniques en santé mentale a augmenté de 25,9 % en 2021, par rapport à 2020.

À travers Inkblot, Green Shield a aussi observé que le nombre des réclamants et des réclamations en soins de santé mentale a augmenté beaucoup plus rapidement que celui des réclamants et des réclamations en soins de santé d’urgence. De 2018 à 2021, le nombre de réclamants pour des soins de santé mentale a augmenté de 103 %, alors que celui des réclamants en soins d’urgence a augmenté de 14 %.

Durant cette période, le nombre de réclamations pour des soins de santé mentale a augmenté de 140 %, alors que celui des réclamations en soins d’urgence a augmenté de 11 %. 

Les données d’Inkblot reflètent également le fait que plusieurs promoteurs de régime ont élargi la couverture des soins psychologiques en 2021, ajoutant de nouveaux praticiens et de nouveaux services. Ainsi, les psychologues n’ont représenté que 36 % des réclamations en soins psychologiques en 2021, contre 66 % en 2018. En revanche, les psychothérapeutes ont représenté 26 % des réclamations en soins psychologiques en 2021, contre 2 % en 2018. La part des réclamations dévolue aux travailleurs sociaux a aussi augmenté, passant de 32 % en 2018 à 38 % en 2021.