Le 21 décembre dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré Pierre-Philippe Morin (certificat no 124506, BDNI no 1743941) coupable des six chefs de la plainte. La sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience.

L’intimé se représentait seul. À la première audition prévue en juillet 2019, le procureur de l’intimé a présenté une demande pour se désister du dossier en raison du bris de confiance avec son client. La preuve a été soumise au comité en décembre 2019 et janvier 2020.

Les gestes à l’origine de la plainte ont eu lieu dans diverses municipalités entre décembre 2007 et septembre 2015. À Laval en décembre 2007, l’intimé n’a pas agi avec compétence et professionnalisme en lien avec la signature d’un ordre de rachat partiel du fonds occasion Chine que détenait son client (chef 1). Ce geste contrevient à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Les cinq autres chefs retenus sont autant d’infractions à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières. Le comité prononce la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des autres dispositions alléguées au soutien de la plainte.

En janvier 2012, l’intimé a fait signer à sa cliente un formulaire de bilan en blanc (chef 2). Il a répété cette même infraction envers d’autres clients à trois reprises dans le courant de l’année 2012 (chefs 3 à 5).

Enfin, en septembre 2015, l’intimé a imité la signature de son client sur un formulaire (chef 6). Dans ce dernier cas, le formulaire est daté du 28 septembre 2015, alors que le client était décédé cinq jours plus tôt.

Aveux

Lors sa rencontre de trois heures avec l’enquêteur du bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière en décembre 2018, l’intimé aurait reconnu les faits mentionnés aux chefs 1 à 6, selon la plaignante qui a soumis l’enregistrement en preuve.

Durant son témoignage, l’intimé a expliqué son parcours professionnel à la suite de son départ du cabinet Services en placement Peak en 2012 pour le cabinet Beaudoin, Rigolt & Associés où il a alors transféré en bloc sa clientèle. Il a dû rencontrer chacun de ses clients à travers le Québec.

L’intimé a mentionné qu’il considérait ne pas avoir besoin de compléter un nouveau bilan financier, car ces mêmes clients en avaient complété un alors qu’il exerçait chez Peak. « Accepter une telle explication de la part de l’intimé équivaudrait pour le comité à tolérer une dangereuse pratique mettant en péril la protection du public, plus particulièrement en l’espèce quand il s’agit du bilan financier d’un client », rétorque le comité dans son analyse de la preuve.

Analyse et motifs

L’intimé est inscrit à titre de représentant de courtier en épargne collective depuis octobre 1999.

Confronté aux contradictions de son témoignage avec la version donnée à l’enquêteur en décembre 2018, l’intimé affirme qu’il s’était senti agressé par l’enquêteur, qu’il avait paniqué et avait alors fait une déclaration inexacte. Il a fait témoigner le fils d’un de ses clients, mais la version de ce dernier n’a pas été retenue par le comité.

La valeur des aveux faits par l’intimé lors de son entretien avec les enquêteurs du bureau du syndic doit être déterminée par le comité. Après avoir écouté l’enregistrement, le comité considère que les déclarations de l’intimé sont claires et constituent des aveux au sens de l’article 2580 du Code civil du Québec.

Selon la plaignante, rien dans l’écoute de l’enregistrement ne démontre que les aveux auraient été soutirés de l’intimé par la crainte, et le comité partage cet avis. Ses aveux sont admissibles et sont d’une très forte valeur probante, ajoute le comité au paragraphe 92 de la décision.

Quant à l’infraction reliée à la contrefaçon de signature, l’intimé prétend que le client a signé ledit formulaire un mois plus tôt que la date mentionnée dans la plainte (chef 6). Or, le formulaire était un ordre de rachat de fonds commun. La demande d’exécution a été faite le même jour que celle indiquée sur le formulaire et la transaction effectuée le lendemain.

Le comité « ne croit pas l’intimé et considère qu’il a rendu un témoignage illogique, confus et dont le ton était parfois vindicatif ». Si le comité devait croire son témoignage, le comité serait allé à Québec le 28 aout 2015, aurait alors fait signer le client pour ensuite attendre près d’un mois avant de procéder au rachat, ce qui ne fait aucun sens. L’intimé a d’ailleurs admis, durant le contre-interrogatoire, que le client s’attend normalement à ce que l’ordre soit exécuté dans les meilleurs délais.