Patrick Décarie

Les sinistres en assurance habitation entraînent l’enfouissement d’un très grand volume de déchets. L’assureur Co-operators lance une campagne visant à convaincre un plus grand nombre de ses membres assurés de privilégier la réparation et le nettoyage, au lieu du remplacement, afin de réduire l’impact de l’enfouissement. 

La campagne Réclam-action a été lancée par l’assureur le 4 juin dernier. Cette initiative de sensibilisation vise à changer les mentalités sur l’assurance et le développement durable, précise la société dans son communiqué. 

En entrevue avec le Portail de l’assurance, Patrick Décarie, vice-président régional de Co-operators au Québec, souligne que cette préoccupation est d’ailleurs partagée par un nombre grandissant de consommateurs.

« Il faut faire de la sensibilisation. Les clients ne savent pas l’impact que l’industrie de l’assurance a sur cet aspect-là. Les gens réclament, et ils ont la possibilité de remplacer ou de réparer leurs biens endommagés. Il faut le savoir. Nos données montrent que 84 % des gens ne savent pas que l’option de la réparation est offerte », indique M. Décarie. 

L’assureur a mis cette campagne en place pour sensibiliser ses clients et se différencier de la concurrence. En étant une coopérative, Co-operators a à cœur la résilience des communautés et la pérennité de l’environnement, ajoute-t-il. 

« Ce n’est pas tout de dire qu’on est une coopérative et qu’on est différents. Il faut le prouver par des actions », dit-il.

La réclamation, c’est le nerf de la guerre 

Les assureurs se distinguent les uns des autres au moment de livrer la marchandise promise, soit en aidant l’assuré à se remettre dans le même état où il était avant qu’un sinistre le touche. 

« On achète une assurance de dommages en espérant ne jamais avoir à s’en servir, explique Patrick Décarie. Mais les chiffres montrent que la fréquence en automobile est de soumettre une réclamation aux 10 ans en moyenne. En habitation, c’est une fois aux 20 ans. »

En conséquence, quand un assuré fait une réclamation, il faut lui donner un bon service, sinon les chances sont bonnes pour qu’il aille voir ailleurs au renouvellement. « Le client moyen ne réclame pas souvent. Il ne sait pas toujours qu’il peut soumettre sa réclamation en ligne. Si on perd sa confiance, on a une chance de le perdre pour longtemps », dit-il. 

En conséquence, chaque client qui ne renouvelle pas sa police est contacté directement et si sa décision de confier la protection de ses biens à un autre assureur découle d’un mauvais service au moment de déclarer un sinistre, l’assureur mène son enquête pour éviter que ça se reproduise, souligne M. Décarie. 

Nouvel avenant 

Une autre preuve de cette préoccupation pour le développement durable a été faite le 10 juin dernier lorsque Co-operators a lancé un nouvel avenant à sa police d’assurance habitation ou assurance agricole admissible. Le produit, nommé SécurFutur MC, est automatiquement ajouté à tous les contrats en cours. 

« Le produit permet d’offrir jusqu’à 3 000 $ pour la modernisation de la toiture afin de la rendre plus résistante au mauvais temps, 1 500 $ pour l’installation d’attaches anti-ouragan et 1 000 $ pour les mesures de prévention à la suite d’un sinistre, comme un dégât d’eau », explique M. Décarie. 

Cet avenant est gratuit et est offert à tous les clients. Il est ajouté automatiquement aux polices existantes et sera inclus dans les nouveaux contrats à leur renouvellement. 

Selon Tara Laidman, vice-présidente aux assurances habitation et auto chez Co-operators, « les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les déchets alimentent la crise climatique. Si nous nous contentons de reconstruire après un sinistre selon les mêmes normes qu’avant les dommages, nous perpétuons un cycle », rapporte l’assureur dans le communiqué annonçant le lancement de cet avenant. 

De l’espace pour croître 

Patrick Décarie pense que ces gestes récemment annoncés par l’assureur l’aideront à augmenter sa visibilité et ses parts de marché, notamment au Québec. Seulement 8 % de tout le volume de primes de Co-operators est souscrit au Québec. 

« On a eu une belle croissance ces dernières années grâce à des acquisitions, mais cet avenant est certainement une belle façon de nous différencier des autres assureurs », ajoute M. Décarie. « Il y a de la place pour la croissance au Québec », reconnaît-il. 

« Je ne peux pas nous comparer avec ce qui se passe chez les autres assureurs, mais chez nous, on va plus loin que de publier un beau discours dans un rapport. Ce qu’on écrit, c’est ce qu’on fait », dit-il.

Selon lui, la campagne Réclam-action et l’ajout du nouvel avenant sont des exemples de contribution faite par l’assureur pour augmenter la résilience des communautés à l’égard des défis climatiques. 

Selon le plus récent rapport de l’Autorité des marchés financiers, la filiale en assurances générales de Co-operators affiche un volume de près de 158 millions de dollars (M$) en primes directes souscrites en 2023 au Québec, soit 0,9 % du marché de 17,6 milliards de dollars (G$) de primes directes souscrites en 2023.

Au Canada, selon les données fournies par MSA Research, Co-operators déclare des produits tirés des activités d’assurance totalisant 4,7 milliards de dollars (G$) en 2023, sur un volume de 88 G$ pour l’ensemble de l’industrie de l’assurance de dommages. 

Des données inquiétantes 

Le jour même de notre entretien, le quotidien La Presse+ publiait un texte où la société québécoise de récupération et de recyclage (Recyc-Québec) rappelait que l’industrie de la construction génère à elle seule 32 % de tout le volume que les Québécois envoient à l’enfouissement. 

Recyc-Québec rapporte que la quantité de résidus générée par le secteur de la construction, rénovation et démolition (CRD) est en hausse et que la proportion récupérée dans les centres de tri est plutôt en diminution. 

Seulement 7,5 % des résidus du secteur CRD auraient été réellement recyclés en 2021, même si 53 % du volume est acheminé vers les centres de tri. Une partie de ces déchets sert de combustible pour la production d’énergie. 

Le Canada envoie plus de 26 millions de tonnes de déchets à l’enfouissement chaque année, indique le ministère fédéral de l’Environnement sur la base de données compilées par Statistique Canada rapportées par l’assureur. 

Selon Steve Nitschke, directeur principal du service national des réclamations en biens, les réclamations présentées par la clientèle de l’assureur ont généré 116 000 tonnes de déchets, soit presque le poids de la tour du CN à Toronto. Cette estimation est rapportée en page 34 du rapport annuel intégré 2023 du groupe Co-operators. 

Le fait de réparer les biens au lieu de les remplacer par du neuf permet de réduire les coûts de réclamation, reconnaît Patrick Décarie. « Réparer du gypse en le faisant sécher, ou nettoyer un sofa au lieu de le changer, c’est sûr que ça coûte moins cher. Mais les économies qu’on fait, on les redonne aux clients en améliorant les protections », dit-il. 

Les consommateurs veulent pouvoir conserver les biens auxquels ils attachent une valeur sentimentale, mais ils ne savent pas toujours qu’ils peuvent les faire réparer, insiste M. Décarie. 

Il ajoute que les firmes de restauration après sinistre avec lesquelles Co-operators mène des affaires sont en mesure de livrer la marchandise si la demande augmente en matière de nettoyage et de réparation. « Trouver de la main-d’œuvre dans notre secteur est un défi, mais pour l’instant, on n’a aucun problème à trouver des fournisseurs à cet égard », conclut-il. 

Sondage 

En lançant sa campagne Réclam-action, Co-operators a dévoilé les résultats d’un sondage mené sur le web par Léger Opinion entre le 8 et le 14 mai 2024 auprès de 1 500 adultes canadiens. L’enquête révèle que de la moitié des répondants ne se soucient pas de ce qu’il adviendra des déchets liés à leurs sinistres.

Seulement 19 % des répondants qui ont eu à présenter une réclamation au cours des cinq années précédentes se sont vu proposer une réparation plutôt qu’un remplacement, même si plus de 65 % d’entre eux ont exprimé leur préférence pour la réparation de leurs biens lorsqu’une remise en état est possible. 

Dans son rapport annuel intégré, Co-operators rapporte l’impact de deux pratiques répandues à l’échelle canadienne, soit le séchage sur place et le nettoyage des tissus. Ces gestes ont permis à eux seuls d’économiser 4,6 M$, en plus de réduire le volume de déchets voués à l’enfouissement. La réduction des émissions de GES est estimée à 253 tonnes d’équivalent en CO2. 

Selon Michelle Laidlaw, vice-présidente associée, portefeuille national de produits en assurance des particuliers, l’assureur doit prendre le temps de recueillir les commentaires de ses clients afin de développer des produits et de changer ses pratiques de traitement des réclamations, ce qui les rend plus aisément acceptables par le marché.