L’assurance contre les inondations dans sa forme actuelle au pays est inefficace. Les personnes demeurant dans des zones à haut risque devraient pouvoir profiter d’une assurance abordable pour faire face à l’augmentation de ce type de catastrophes naturelles. C’est ce que plaide un groupe de travail mandaté par le gouvernement fédéral qui évoque un régime national d’assurance contre les inondations comme l’ont déjà fait d’autres pays. 

Son rapport, S’adapter à la hausse des risques d’inondation, une analyse des solutions d’assurance pour le Canada, a été rendu public à la fin du mois d’août. Deux experts québécois, Mathieu Boudreault de l’Université du Québec à Montréal et Michael Bourdeau-Brien de l’Université Laval ainsi que plusieurs assureurs québécois et canadiens, dont Intact, Desjardins, Co-Operators, Aviva ou encore le Bureau d’assurance du Canada (BAC), y ont contribué. 

2,9 milliards de dommages par année 

Les inondations constituent les catastrophes naturelles les plus courantes et les plus coûteuses au Canada. Ces dernières années, elles ont causé́ annuellement 700 M$ en pertes assurées et 800 M$ en pertes non assurées et les propriétaires sont responsables d’environ 75 % des pertes non couvertes. Cette facture est appelée à croître. Le risque d’inondations résidentielles au pays est désormais estimé à un total de 2,9 milliards de dollars par année. Ce nouveau chiffre reflète des estimations plus précises du nombre de résidences et des dommages prévus en fonction des données de 2020. De ces 2,9 milliards, 89,3 % sont concentrés dans les 10 % des maisons les plus à̀ risque. 

Rendre l’assurance inondations équitable et efficace 

Au pays, des assureurs se sont mis à offrir une protection pour la crue des eaux à la suite des inondations importantes de 2013 survenues en Alberta et à Toronto. Toutefois, elle n’est pas offerte dans tous les secteurs et peut s’avérer très coûteuse. Dans les zones à haut risque, si elle est disponible, son coût peut atteindre 10 000 à 15 000 $ ou plus pour les seuls avenants d’inondation, qui s’ajoutent à l’assurance habitation. 

Au Canada, indique l’étude, plusieurs millions de maisons sont vulnérables aux inondations et beaucoup de gens n’ont pas accès à une assurance adéquate, soit en raison des coûts élevés ou de l’absence de couverture. Ces familles doivent compter sur leurs propres ressources ou sur une aide financière des gouvernements en cas d’inondations et cela ne suffit pas pour indemniser les pertes financières liées aux dommages. Pour être équitable et efficace, une assurance contre les inondations doit être facilement accessible et abordable pour tous les Canadiens, insistent les auteurs du rapport. 

C’est particulièrement vrai pour ceux qui vivent dans les zones les plus exposées. Or, la couverture n’est offerte que dans les zones à risque faible ou moyen et fait en sorte que la grande majorité des personnes exposées aux risques d’inondation ne sont pas assurées.

Un produit offert par l’industrie de l’assurance aurait deux avantages majeurs, dit le rapport : une partie du fardeau financier des programmes gouvernementaux serait transféré vers les assureurs privés et en cas d’inondations, les polices d’assurance peuvent généralement offrir une indemnisation plus complète et plus rapide que l’aide provenant de l’État.

La contribution des assureurs et des assurés 

L’adoption d’un libellé clair et normalisé dans l’assurance contre les inondations réduirait la confusion et permettrait aux propriétaires de faire un choix plus éclairé, fait valoir le rapport. De plus, veiller à ce que les Canadiens ne soient pas sous-assurés par rapport à leur risque est une considération importante pour la conception de tout modèle d’assurance.

Si une assurance privée assurant une meilleure protection doit remplacer l’aide financière des gouvernements, il serait toutefois essentiel de maximiser la participation à ces polices par des mesures d’abordabilité, des incitatifs et/ou des mandats pour protéger les gens et permettre un accès équitable, soulignent les experts. Sans mesures de soutien pour les groupes défavorisés, tout programme où l’assurance est facultative exacerbera probablement leur exclusion et leur marginalisation. Un effort considérable sera nécessaire pour soutenir cet accès, ce qui comprend la promotion d’une meilleure éducation financière en matière d’assurance. 

Les liens culturels des peuples autochtones avec l’eau et la terre devront aussi être respectés. 

Relocalisation des ménages les plus à risque 

La relocalisation stratégique des ménages les plus à risque a aussi un rôle central à jouer dans la réduction des sinistres. Relocaliser les propriétés à risque élevé et à perte répétée élimine ce risque plutôt que de le transférer ou de l’atténuer. Cette thèse était récemment défendue par Michael Bourdeau-Brien de l’Université Laval lors d’une entrevue accordée au Portail de l’assurance. Ce ne seront pas seulement des maisons qui devront être déplacées, mais des secteurs.

« Compte tenu de l’augmentation des risques d’inondation et de l’évolution du régime des crues sous l’effet du changement climatique, la relocalisation de certains quartiers et communautés sera inévitable, prévoient les experts. Le risque pour certains ménages deviendra trop important, et la capacité de reconstruire après les catastrophes deviendra irréalisable ». 

Vers une tarification basée sur le risque 

Les Canadiens doivent apprendre à vivre avec l’eau et le pays ne peut pas le faire au détriment de la sécurité, de la responsabilité financière ou de l’équité, dit le rapport. Des solutions d’assurance contre les inondations pour les zones à haut risque peuvent être conçues pour y faire face. Toutefois, en raison de l’ampleur des risques, aucun des modèles ne peut fournir une assurance abordable et être financièrement autonome, du moins à court terme, reconnaissent les auteurs du travail.

« Toute option d’assurance devrait idéalement être conçue avec une durée de vie d’environ 25 ans pour laisser le temps d’atténuer et réduire les risques, avant que la transition ne soit effectuée vers une tarification entièrement basée sur le risque », notent-ils.

Ils ajoutent que la viabilité financière continuera d’être mise à l’épreuve par l’inflation, la concentration importante d’actifs dans les zones inondables et les pressions à long terme liées aux changements climatiques.

Amélioration de la cartographie et sensibilisation aux risques 

L’assurance devra aussi être déployée en conjonction avec des informations, telles que l’amélioration de la cartographie des inondations et la sensibilisation du public aux risques de crue des eaux, la réduction des risques par toutes les parties prenantes, l’amélioration de la planification de l’utilisation des terres et des infrastructures construites et naturelles résilientes au climat.

En outre, écrit-on, pour qu’une solution d’assurance soit efficace, le financement du plan de rétablissement pour les inondations par le biais de programmes fédéraux, provinciaux et territoriaux de financement des catastrophes devrait cesser ou être restructuré pour éviter de miner le système d’assurance. « Il s’agit, d’une étape importante vers l’alignement des responsabilités en matière de risques d’inondation », peut-on lire dans le rapport. 

La prochaine étape de ce travail, concluent ses auteurs, consiste à déterminer si une solution d’assurance contre les inondations à haut risque doit être envisagée pour le Canada et, le cas échéant, quel modèle devrait être examiné plus en profondeur.