Les nouveaux actionnaires d’Intergroupe se sont retrouvés face à un grand défi quand ils ont pris ses rênes : réveiller un géant qui s’était endormi. Ceux-ci assurent que la bannière sera très proactive au cours des prochains mois.

Le Journal de l’assurance a rencontré trois des quatre nouveaux actionnaires, Bernard Laporte, qui en est le président, Sylvain Racine et Louis Cyr dans les bureaux montréalais de la bannière. Le Journal a aussi joint Christian Foisy par téléphone par la suite.

La réaction à la transaction a été excellente, disent les nouveaux actionnaires d’Intergroupe. « Le marché voyait que les anciens actionnaires étaient à bout de souffle au niveau des idées et des programmes. Les gens voient une belle relève en nous », dit Sylvain Racine. Il n’y a pas eu de commentaires négatifs qui se sont rendus à nos oreilles », ajoute Louis Cyr.

Ce dernier consent que mettre la main sur une bannière est quelque chose qui se remarque. « Une bannière, c’est un outil d’entraide et de partage. L’entrepreneur est très isolé à la tête de son entreprise. On a voulu y amener une vision d’avenir et c’est pourquoi nous l’avons acheté. Ça a eu un effet bénéfique sur l’équipe à l’interne. Les anciens actionnaires tentaient de stabiliser les choses. Ils avaient à s’occuper de leurs cabinets. Ils avaient donc moins de temps pour la bannière », dit M. Cyr.

15 mois de négociations

Les négociations se sont étirées sur un peu plus d’un an : d’aout 2014 jusqu’à l’annonce début octobre 2015. Bernard Laporte avait toutefois l’œil sur Intergroupe depuis un bon moment. Alors qu’il était à la tête d’April Canada, il voulait mettre la main sur un réseau de distribution. Il avait ciblé Intergroupe. Les négociations avaient achoppé et il avait finalement jeté son dévolu sur le Groupe Elco. Lorsqu’il a quitté April en mai 2014, il a repris la piste d’Intergroupe.

Les appels se font

Il a alors joint Sylvain Racine, dont le cabinet Racine & Chamberland possédait un MGA nommé Source. M. Racine a alors demandé à M. Laporte d’ajouter un autre actionnaire dans le portrait : Louis Cyr. Ce dernier a consenti à joindre l’aventure, mais à la condition qu’un autre actionnaire s’ajoute : Christian Foisy, propriétaire du cabinet de courtage Groupe Consilium, qui a une expertise dans le segment des risques d’envergure.

M. Cyr a aussi que c’est la plus grande transaction sur laquelle il a travaillé. Il confie toutefois qu’avec le recul que c’était une bonne chose que les négociations s’étirent. « Ça nous a permis d’avoir des périodes de gestation pour nos idées. Quand la transaction s’est concrétisée, nous étions prêts », dit-il.

M. Laporte dit d’ailleurs qu’il n’y a pas eu de perte de temps. Les nouveaux actionnaires ont donc débuté en mesurant le degré de satisfaction des membres envers la bannière. Comme MM. Racine, Cyr et Foisy étaient membres d’Intergroupe, ils en connaissaient les forces et les faiblesses.

M. Cyr convient qu’il est plus facile de critiquer le travail fait auparavant quand tu n’en es pas responsable. « Nous ne voulons pas blâmer personne, mais rares sont les moments dans la vie d’une entreprise où elle se remet fondamentalement en question. Tu le fais quand il arrive quelque chose de gros dans la vie de l’entreprise, comme lors d’une transaction », dit-il.

« Sommes-nous satisfaits de nos membres? »

En se questionnant sur la satisfaction des membres envers la bannière, les nouveaux actionnaires d’intergroupe se sont aussi posé la question à l’inverse : étaient-ils satisfaits de la performance de leurs membres? « Dans certains cas, la réponse peut être non, affirme Sylvain Racine. Il y a des choses qui doivent être améliorées lorsqu’ils déposent des soumissions à notre centre de placements. On doit le dire aux courtiers. »

Remettre en question les habitudes de travail des membres se fera toutefois précautionneusement, souligne Louis Cyr. « On ne touchera pas aux bonnes choses. La façon d’y arriver doit peut-être évoluer. Intergroupe a l’habitude d’offrir un menu pick & choose. Intergroupe est devenu le leadeur du marché, parce qu’elle n’imposait rien. On sera prudent avant de jouer là-dedans. »

M. Laporte ajoute qu’il veut que les courtiers viennent vers Intergroupe parce qu’ils ont envie de traiter avec la bannière et non par la force. « On doit retrouver cette efficacité et être innovant. Les bannières stagnent en ce moment, mais nous avons beaucoup d’idées et il y a beaucoup à faire », dit-il.

Le président d’Intergroupe fait aussi remarquer que des courtiers sont venus frapper à la porte de la bannière depuis l’annonce de la transaction. Pourtant, celle-ci n’a pas encore été active dans le recrutement de membres. « On doit redonner envie aux courtiers de retravailler avec nous », dit-il.

Selon M. Laporte, Intergroupe était devenue une belle endormie. « Il n’y avait pas de casse majeure, mais elle avait besoin de carburant dans le moteur. Il fallait le redémarrer. Les fondations sont là. Les membres sont là. Nous avons aussi du personnel de valeur qu’il faut remotiver », dit-il.

M. Cyr ajoute que la notion de valeur ajoutée prend une grande importance pour Intergroupe, mais aussi pour les autres bannières du Québec. « Avec le temps, les bannières ont développé une routine qui faisaient que les assureurs ne les percevaient pas nécessairement comme un outil de développement. Ça ne veut pas dire que notre valeur ajoutée sera encore intéressante dans quatre ans. On doit être alerte à cela, car sinon, on devient questionnable », dit-il.

Pour les nouveaux actionnaires d’Intergroupe, la bannière doit passer de la réflexion à l’action. M. Laporte note toutefois que les bannières ont un grand ennemi pour être plus proactives : le mouvement de fusions et acquisitions qui secoue le courtage. Il voit toutefois le tout comme un défi, mais pas une menace, précise-t-il.

« Tout est un cycle, tempère toutefois M. Cyr. Pour le petit cabinet qui part, la bannière est une solution. Ce petit cabinet n’a pas l’écoute de l’assureur, pourtant, il en a besoin. La bannière rendra aussi service aux grands cabinets quand ceux-ci auront atteint une maturité. »

Offre à trois niveaux

M. Laporte ajoute que chaque cabinet a des besoins différents. « Si un cabinet a des problèmes de sous-standard, on doit avoir des capacités pour l’aider. S’il veut souscrire un grand risque lié à la pollution, ça prend des équipes spécialisées. Bien souvent, le propriétaire de cabinet a des amis d’enfance qui dirigent de grosses entreprises, mais n’a pas la capacité pour souscrire leurs risques. On doit lui donner quelque chose pour l’accompagner », dit-il.

Pour atteindre ce but, Intergroupe entend proposer trois offres. La première, plus traditionnelle, concerne les risques réguliers et les risques en entreprises. La seconde consiste en la mise en place d’un centre de placement en sous-standard. Par cette action, Intergroupe veut agir en MGA, comme en on retrouve au Canada anglais. Pour mettre en place ce MGA, Intergroupe a acquis Source, qui appartenait à Sylvain Racine. Finalement, Intergroupe s’est dotée d’un centre de placement de très grands risques.

M. Cyr rappelle qu’Intergroupe est la seule bannière qui comme point central la gestion du placement des risques de ses courtiers. Il ajoute que l’apport de Christian Foisy sera crucial au niveau des grands risques.

M. Foisy travaille depuis la fin des années 1990 dans le segment des grands risques. Il a notamment travaillé dix ans chez AON, de 2002 à 2012. Il a créé le Groupe Consilium en 2012. Le cabinet a bâti un volume de dix millions de dollars en trois ans. En entrevue au Journal de l’assurance, M. Foisy a confié se spécialiser au niveau des solutions pour les PME, mais surtout les grandes PME.

Manques et lacunes

« Comme Louis, et les autres actionnaires par la suite, je voyais des lacunes dans le modèle d’Intergroupe, mais aussi des manques pour répondre aux besoins des courtiers. Intergroupe est pourtant une super bannière, qui a déjà beaucoup de membres. Ce sera plus facile de procéder. Nous sommes sur la bonne voie », dit-il.

M. Cyr ajoute que l’apport de M. Foisy permettra à Intergroupe de dire aux courtiers qu’ils ont maintenant les outils et l’équipe pour attaquer les grands risques qui se trouvent dans leur région. Pour améliorer ses capacités, les nouveaux actionnaires d’Intergroupe ont d’ailleurs effectué un voyage à Londres avant la pause des Fêtes pour négocier un nouveau contrat Lloyd’s.

M. Laporte considère que la nouvelle équipe d’Intergroupe est dans les blocs de départ. « Il y a une réelle attente des membres, dit-il. On travaille aussi sur nos programmes spécifiques. Il y a une demande des membres d’avoir une exclusivité de programmes. Il y a d’ailleurs un certain nombre de services sur lesquels on travaille. »

Intergroupe songe aussi à aborder la question de la formation avec ses membres, dans le but de développer des services connexes. La bannière aimerait aussi en venir à offrir un service de mentorat pour les courtiers qui veulent prendre la relève du cabinet familial. « On veut travailler rapidement là-dessus », assure M. Cyr.

Intergroupe souhaiterait aussi amener ses membres des outils de développement des affaires. « Nous ne sommes jamais intervenus dans la croissance de nos membres. Ça fait partie de notre réflexion », dit-il.