Le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages a rendu une multitude de décisions à l’encontre de 17 dirigeants et employés du cabinet d’expertise en règlements de sinistres IndemniPro au cours des derniers mois. Deux autres dossiers sont toujours à l’étude.

Plusieurs dirigeants du cabinet ont laissé des employés agir comme experts en sinistres sans détenir la certification requise pour le faire, généralement pour des cas en assurance des entreprises. Environ 1 500 réclamations ont ainsi été effectuées par des gens ne détenant pas la certification pour les traiter. Dans toutes les décisions rendues, les différentes formations du comité de discipline mentionnent que les clients n’ont subi aucun préjudice.

Les faits reprochés aux dirigeants et employés d’IndemniPro ont eu cours entre 2005 et 2012. Plusieurs succursales du cabinet sont touchées. Certains faits concernent aussi sa filiale acquise CGI Experts en sinistres, intégrée dans l’entreprise depuis. Plusieurs amendes et radiations ont aussi été imposées dans ces dossiers.

Les peines les plus sévères ont été imposées à Pierre Boulianne et à Jacques Bouchard, dans une décision rendue le 9 septembre par le comité de discipline, et touchant trois autres experts en sinistres.

M. Boulianne s’est vu imposer une amende de 43 000 $, réduite par la suite à 35 000 $, accompagnée de deux réprimandes à son dossier. Les gestes qu’on lui reproche ont été commis entre janvier 2005 et décembre 2010, alors qu’il était le directeur responsable de la succursale de Québec. Il a été trouvé coupable de huit chefs d’accusation, tous concernant des employés qui ont exercé comme experts en sinistres sans en avoir la certification. Le comité de discipline de la Chambre a statué qu’il avait confié 617 dossiers de règlements de sinistres en assurance des entreprises à des employés qui ne pouvaient légalement piloter lesdits dossiers.

Quant à M. Bouchard, directeur du bureau de Rimouski de CGI jusqu’en décembre 2009, il a été déclaré coupable de quatre chefs d’accusation, et s’est vu imposer des amendes totalisant 28 000 $, dont le total a été réduit à 25 000 $, et une réprimande. Entre novembre 2006 et décembre 2009, il a confié environ 300 dossiers d’entreprises à trois employés qui ne détenaient pas la certification requise.

Quatre autres ex-dirigeants de CGI-IndemniPro ont été condamnés à des amendes de 15 000 $ et plus. Un cinquième pourrait l’être sous peu.

L’expert en sinistres Richard Cuende a été condamné à des amendes totalisant 21 000 $. Pour des motifs humains très exceptionnels, le montant des amendes a été réduit à une simple réprimande. Il avait reconnu sa culpabilité à trois chefs d’accusation. Les faits qui lui étaient reprochés sont survenus à Montréal et ses environs entre mai 2006 et novembre 2008. Alors responsable du cabinet CGI Experts en sinistres (puis du cabinet IndemniPro), il a permis à un représentant d’exercer l’activité d’expert en sinistres et d’agir dans 85 dossiers de règlements de sinistres en assurance commerciale, alors qu’il savait ou aurait dû savoir que ce dernier ne détenait aucune certification. Il a aussi permis à un autre employé d’agir comme expert en sinistres dans une vingtaine de dossiers, sans qu’il en ait la certification.

À la succursale de Sherbrooke du cabinet CGI Experts en sinistres, l’expert en sinistres Serge Nadeau a été condamné à des amendes totalisant 16 000 $ et à deux réprimandes, pour quatre chefs d’accusation similaires en tant que dirigeant responsable du cabinet. Il a lui aussi reconnu sa culpabilité. Les infractions ont été commises entre septembre 2007 et aout 2012. Il a confié 215 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des particuliers à une employée ne détenant pas la certification. Il a répété les mêmes infractions avec un autre employé établi à Granby, lequel a agi illégalement comme expert en sinistres dans environ 91 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises.

À Gatineau, Pierre Bérard a été condamné à des amendes totalisant 18 000 $ de même qu’à une réprimande. Il a reconnu sa culpabilité aux trois chefs d’accusation. Les gestes ont été commis entre aout 2005 et avril 2007. Il a permis à une employée établie en Abitibi-Témiscamingue d’exercer l’activité d’experte en sinistres dans 112 dossiers de règlements de sinistres sans qu’elle soit rattachée au cabinet ou inscrite auprès de l’Autorité des marchés financiers. La même personne a agi comme experte en sinistres dans 147 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises sans en détenir la certification.

Aussi à Gatineau, Geneviève Beaulieu a été condamnée à une amende de 6 000 $ de même qu’à une réprimande par le comité de discipline. Elle a laissé agir une employée comme experte en sinistres dans une cinquantaine de dossiers. Il s’agissait d’ailleurs de la même employée pour laquelle Pierre Bérard a été sanctionné.

Des employés aussi touchés

Outre les dirigeants d’IndemniPro sanctionnés, des employés sous leur responsabilité ont aussi été sanctionnés par le comité de discipline. Ils n’avaient pas la bonne certification pour accomplir les gestes qu’on leur demandait.

Le comité de discipline a ainsi condamné l’expert en sinistre Luc Arel à une amende de 5 000 $ et à deux réprimandes. Entre janvier 2005 et décembre 2008, à New Richmond et à Rimouski, il a agi comme expert dans environ 90 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise. Même s’il savait qu’il n’avait pas la certification requise, il ne pouvait refuser les dossiers d’entreprises que lui soumettait son chef de succursale, a statué le comité de discipline.

Son superviseur était Martin Veillette, dont le dossier reste à analyser. Le comité de discipline devait se réunir les 18 et 19 novembre derniers à Montréal, mais l’audience a été reportée à 2015, a indiqué la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) au Journal de l’assurance.

Claude Bergeron, alors certifié seulement comme agent d’assurance, est entré en fonction chez CGI à Québec en avril 2008. Jusqu’en décembre 2009, il s’est vu confier 32 dossiers de sinistres en assurance de dommages des entreprises par Pierre Boulianne. Pour le chef d’accusation dont il a été trouvé coupable, il est condamné à une amende de 3 000 $.

Sur une période de cinq années, à partir de sa résidence de Matane, Annie Levasseur a piloté 280 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises alors qu’elle ne détenait pas la certification requise. Ce sont MM Bouchard et Boulianne qui lui ont confié ces dossiers. Pour les deux chefs, elle est condamnée à une amende de 10 000 $ et à une réprimande.

Christine Désormeaux, sous la responsabilité de Jacques Bouchard, travaillait seule et sans supervision à partir de sa résidence de Sept-Îles. On lui a confié 312 dossiers sur une période de cinq ans en assurance de dommages des entreprises, alors qu’elle est certifiée seulement en assurance de dommages des particuliers. Elle est condamnée à une amende de 12 000 $ et à une réprimande.

Quant à Michèle Maheu, entre juillet 2006 et novembre 2008, à Salaberry-de-Valleyfield, à Montréal et dans les environs, elle a agi comme experte en sinistres dans 90 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise. Cette première offense est sanctionnée par une amende de 4 000 $ par le comité de discipline. Durant la même période, elle a négligé de s’identifier clairement en mentionnant le titre et la catégorie de discipline autorisés par son certificat, geste sanctionné par une réprimande. Son superviseur était Richard Cuende.

Entre février 2006 et mars 2009, Karen Carignan a agi comme experte en sinistres à 208 reprises dans des dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises, titre pour lequel elle ne détenait pas la certification. Cette infraction est sanctionnée par une amende de 6 000 $. Mme Carignan est également condamnée à une réprimande pour avoir négligé de s’identifier clairement en mentionnant le titre et la catégorie de discipline autorisés par son certificat, durant la même période. Elle était sous la responsabilité de Pierre Bérard et de Geneviève Beaulieu.

Brigitte Bisaillon était sous la supervision de Serge Nadeau. Entre février 2008 et décembre 2011, elle a agi comme experte en sinistres dans 215 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises, tâche pour laquelle elle ne détenait pas la certification. Elle est condamnée à une amende de 10 000 $ par le comité de discipline de la Chambre. À cette sanction s’ajoute une amende supplémentaire de 3 000 $ pour avoir tenté d’induire en erreur le syndic en fournissant une version inexacte à un témoin convoqué par celui-ci. Durant la même période, Mme Bisaillon a négligé de s’identifier clairement en mentionnant le titre et la catégorie de discipline autorisés par son certificat, geste sanctionné par une réprimande.

Sébastien Turgeon s’est vu imposer une amende de 2 000 $ et une réprimande. Les gestes qu’on lui reprochait ont été commis à Québec entre janvier 2008 et mai 2010. L’amende lui est imposée pour avoir agi comme expert en sinistres en assurance de dommages des particuliers sans en détenir la certification. Il est aussi sanctionné par une réprimande pour avoir utilisé le titre d’expert en sinistres sans être titulaire d’un certificat l’y autorisant. Le nombre de dossiers dont il s’est occupé reste indéterminé.

Dans le rapport de décision le touchant, on peut lire qu’il a indiqué au comité de discipline que ses supérieurs chez IndemniPro lui ont indiqué qu’il pouvait s’occuper de tels dossiers si ses rapports étaient contresignés par un expert en sinistres certifié en assurance des entreprises. Il a reconnu ses erreurs et a lui-même mis fin au stratagème après avoir fait vérifier son statut auprès de l’Autorité des marchés financiers. Il a depuis obtenu la certification nécessaire pour œuvrer en assurance de dommages et travaille ailleurs.

Trois autres décisions rendues le printemps dernier concernaient des employés du cabinet CGI-IndemniPro. Dans ces trois cas, le nom de l’employeur du représentant visé par les plaintes n’a pas été mentionné. La Chambre de l’assurance de dommages confirme que les trois dossiers concernaient des ex-employés d’IndemniPro.

Selon la porte-parole de la Chambre, Joëlle Calce-Lafrenière, le comité de discipline ne publie pas systématiquement le nom de l’entreprise. Les infractions déontologiques qui sont analysées par le comité concernent des actes du représentant et non de son employeur, écrit-elle dans un courriel en réponse aux questions du Journal de l’assurance. Elle ajoute que deux autres dossiers touchant des employés de CGI-IndemniPro suivront leur cours en 2015, incluant celui de Martin Veillette.

Autres cas

Éric Messier a été condamné à la radiation temporaire pour 36 mois. Au moment de la décision, il était inactif et sans mode d’exercice; en conséquence, l’application de la peine sera exécutoire si jamais il demande son certificat, et il affirme que ça ne sera pas le cas. Il a reconnu avoir agi comme expert en sinistres dans environ 91 dossiers de sinistres en assurance de dommages des entreprises sans détenir la certification requise. Deux autres chefs ont été sanctionnés par des réprimandes. Ces infractions ont eu lieu entre septembre 2007 et septembre 2010. M. Messier a mentionné dans son témoignage qu’il avait agi ainsi à la demande de son supérieur, même si sa certification limitait son expertise à l’assurance de dommages des particuliers. Son supérieur était Serge Nadeau.

Marc-André Simard a été condamné à une radiation temporaire de 18 mois. Sa situation professionnelle est la même que celle d’Éric Messier, et la peine s’appliquera au moment où il fera une nouvelle demande de certificat. Entre décembre 2007 et avril 2009, à Rimouski et à Alma, M. Simard est intervenu comme expert en sinistres dans 40 dossiers de règlements de sinistres sans détenir la certification requise pour l’assurance de dommages des entreprises. Il était sous la responsabilité de Jacques Bouchard.

Enfin, Claudine Fleurent a aussi reçu une réprimande de la part du comité de discipline de la Chambre pour avoir agi de la même manière dans 45 dossiers de règlements de sinistres sans détenir la certification requise en assurance de dommages des entreprises. Elle a ainsi contrevenu à sa certification entre mars 2005 et aout 2008, à Montréal. Elle a depuis obtenu la certification 5A. Durant cette période de 41 mois, elle a été en invalidité durant plus de 18 mois. Pour lui éviter une sanction plus sévère, le comité de discipline a reconnu les facteurs atténuants suivants: sa situation personnelle difficile et ses ressources limitées, son lien de subordination avec son employeur de même que le fait qu’il lui était difficile de refuser de s’occuper de ces dossiers.