L’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) a profité d’une rencontre avec l’Autorité des marchés financiers pour lui demander de ne pas abolir les commissions, mais plutôt de laisser le consommateur choisir comment payer ses conseils.

La rencontre survenue le 8 décembre s’inscrit dans les activités de consultation des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) quant à l’avenir des commissions intégrées. L’Autorité a invité le réseau de distribution indépendant à faire entendre sa voix, lors d’ateliers, de tables rondes et de forums d’échanges. Ils se dérouleront durant les 150 jours que doit durer la consultation qui s’est amorcée le 10 janvier 2017.

« Nous avons présenté à l’Autorité le message suivant : donnez la possibilité au consommateur d’avoir un choix. Nous lui avons aussi demandé de préserver un mode de rémunération qui récompense le talent du conseiller et les risques qu’il encourt en sa qualité de travailleur autonome », a souligné en entrevue au Journal de l’assurance, le président et porte-parole de l’APCSF, Flavio Vani.

Il estime avoir eu une excellente communication avec le régulateur. « Je sens qu’ils sont à l’écoute. Ils ont beaucoup à apprendre de nous. Nous sommes ceux qui donnent le service aux clients et qui sont leur praticien de tous les jours. »

Valeur du conseil

L’APCSF a voulu communiquer à l’Autorité l’importance des commissions. « Les chiffres sont là. Nous savons ce que vaut le conseil. Un investisseur qui a bénéficié des conseils d’un professionnel aura presque trois fois plus d’actif accumulé dans 15 ans qu’un autre qui n’en a pas bénéficié, dit l’étude de Claude Montmarquette. »

Publié par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) en aout 2016, The Gamma Factor and the Value of Financial Advice conclut qu’un ménage doté d’un conseiller financier aura accumulé au bout de 15 ans 290 % plus d’actifs financiers qu’un ménage sans conseiller. Selon l’étude, il aura accumulé 3,9 fois plus d’actifs au terme de cette période.

Lors des échanges avec l’Autorité, Flavio Vani a invoqué une étude que l’ex-PDG de la Bourse de Montréal, Pierre Lortie, a réalisée pour l’Université de Calgary. Publiée en avril 2016, sous le titre A Major Setback for Retirement Savings : Changing How Financial Advisers Are Compensated Could Hurt Less-than-wealthy Investors Most, elle soutient qu’abolir les commissions pourrait priver de conseils les petits épargnants.

« Abolir les commissions avantagerait les millionnaires, mais pas le consommateur ordinaire. Une fois passés à honoraires, les conseillers devront abaisser les couts dans leurs plus gros portefeuilles, et augmenter les couts des plus petits. »

Il démonte aussi l’argument de la déductibilité des frais d’honoraires. « Les honoraires seront taxables. On parle souvent de leur déductibilité, mais pour qui ? », s’interroge le président de l’APCSF. « Si vous avez un REER ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), vous ne pouvez pas déduire vos frais d’honoraires », a-t-il rappelé.

Frais de rachats pour assurer le service

M. Vani se porte à la défense des frais d’acquisition reportés, aussi appelé frais de rachat. « Nous avons expliqué au régulateur pourquoi les commissions intégrées sont importantes pour les conseillers, mais aussi pour les épargnants. Les gens ne comprennent pas qu’un fonds à frais d’acquisitions reportées ne coutera rien au client qui ne quitte pas son conseiller dans les premières années. Elles permettent de subventionner le travail que fera le conseiller auprès des petits épargnants. »

Selon lui, la majorité des conseillers se déplacent pour rencontrer les clients et ceux qui les reçoivent à leurs bureaux sont l’exception. « Qui se déplacera pour un actif de 5 000 $, s’il doit gagner une commission de suivi annuelle de 1 % ? » Les commissions intégrées lui apparaissent comme le meilleur système pour préserver la valeur de la clientèle du conseiller et soutenir sa relève.

La rencontre a permis à l’APCSF de soulever plusieurs autres préoccupations de ses membres. Le syndicat professionnel a remis sur la table ses plus récents mémoires soumis aux ACVM. L’APCSF en a entre autres profité pour exposer ses vues sur les moyens de faciliter la mobilité des conseillers d’un courtier à un autre, et des transferts d’argent des clients entre institutions financières, qui trainent souvent en longueur.

Aucune autre rencontre n’est prévue pour l’instant entre l’APCSF et l’Autorité, dit M. Vani. « Nous continuerons de promouvoir la valeur du conseil dans l’industrie et auprès des régulateurs, dans l’espoir de faire changer les choses. »


L’APCSF frise les 1 000 membres inscrits
Le président et porte-parole de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), Flavio Vani, a révélé au Journal de l’assurance qu’il comptait actuellement 957 membres inscrits, soit 20 % de croissance par rapport à l’an passé.

Les consultations lancées dans l’industrie par les régulateurs ont eu pour effet de mousser la popularité de l’APCSF, soutient son président. « Nous sommes plus connus. Nous avons accompli énormément de travail. Nous avons publié plusieurs mémoires depuis trois ans. »

Ses objections envers les transferts de fonds de la Chambre de la sécurité financière vers les anciennes sections régionales regroupées sous le Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) ne sont pas non plus passées inaperçues. « De plus en plus, on parle de nous. On nous envoie énormément de courriels. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire, car plusieurs ne nous connaissent pas, ou nous confondent avec le CDPSF », signale M. Vani.

Le défi pour l’APCSF demeure de monnayer cette base de membres grandissante, dit son président. Il révèle en outre que 63 % avaient honoré la cotisation annuelle de 150 $ (ou 15 $ mensuellement) dans la période se terminant le 30 septembre. « Je ne me fais pas d’illusions. Je n’aurai jamais 100 % des membres qui paient. Ce n’est pas toujours de la mauvaise volonté. Il y a des oublis. Il y a beaucoup de perception à faire. »

L’éparpillement de ses membres pose un autre défi. L’APCSF dit parvenir à recruter des membres dans toutes les régions du Québec. Outre dans les grands centres comme la région du Grand Montréal et de la Capitale nationale, M. Vani dit compter des membres entre autres dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Saint-Jérôme, de Sherbrooke et de Rimouski.

« Nos moyens sont limités et notre croissance est davantage régionalisée. Nous n’avons pas la liste de tous les conseillers indépendants. Plusieurs ne savent pas le travail que nous sommes en mesure de faire pour eux, et nous n’avons pas toujours la possibilité de les joindre pour leur dire », dit M. Vani