Pour Carlos J. Leitão, il n’y a rien dans le projet de loi 141 qui diminue l’encadrement des représentants certifiés. Au contraire, les responsabilités des assureurs seront augmentées, particulièrement en matière de distribution sans représentant, dit-il.

Le ministre des Finances du Québec a tenu ces propos le 20 février, en commission parlementaire, alors que s’amorçait la deuxième lecture du projet de loi 141, communément appelée « lecture article par article ». Le gouvernement a rendu disponibles la semaine dernière les verbatims des trois séances tenues les 20, 21 et 22 février. Le Journal de l’assurance en a fait l’analyse.

« Mêmes obligations pour un assureur »

Les travaux sont interrompus depuis ce temps. Il est prévu qu’ils reprennent cette semaine, peut-être même aujourd’hui, le mardi 13 mars. Au moment de mettre sous presse, aucun avis n’a été publié sur le site Web de l’Assemblée Nationale annonçant la reprise de ces travaux.

 « Il n’y a rien dans ce projet de loi qui permet à n’importe qui de vendre des produits d’assurance sans être un représentant certifié. Les assureurs et les autres cabinets qui distribueront en ligne des produits d’assurance auront, avec les adaptations nécessaires, les mêmes obligations qu’un représentant certifié. Le projet de loi met en place tous les filets de sécurité pour assurer une meilleure protection du public », a indiqué M. Leitão, en guise d’introduction, le 20 février.

Vente par Internet : pratiquée, mais pas encadrée

Le lendemain, la vente d’assurance par Internet a retenu l’attention des parlementaires présents à la Commission des finances publiques, qui étudie le projet de loi 141. M. Leitão a souligné qu’il se faisait déjà de la vente d’assurance par Internet au Québec. Or, cette activité n’est pas encadrée, a-t-il ajouté. « Ce que nous proposons, c’est d’encadrer cette activité pour éviter justement des histoires malheureuses qui pourraient arriver. »

Il a ajouté que lorsqu’une personne discute d’assurance avec un consommateur, cette personne doit être un représentant certifié. Le projet de loi ouvre la porte aux conseils de nature technique, par exemple pour remplir un formulaire, qui pourront être traités par une personne qui n’est pas un représentant certifié.

« Pour ce type de question, nous pensons que ce n’est pas approprié que ce soit un certifié qui l’adresse, a dit M. Leitão. Si le consommateur a des questions de nature d’assurance, l’obligation est toujours la même. La personne qui lui répond doit être certifiée. Notre objectif est de donner l’option aux consommateurs qui le souhaitent de contracter une police d’assurance par Internet. Parce que ça se fait déjà, d’une façon qui n’est pas toujours bien encadrée. »

L’assureur sera responsable de son réseau

Les débats ont ensuite bifurqué vers la distribution sans représentant. Richard Boivin, sous-ministre adjoint aux Finances, a mentionné que le projet de loi 141 ne change pas l’univers des produits qui peuvent être vendus dans ce cadre.

« Ce qu’on fait, c’est de rendre l’assureur responsable de ce réseau de distribution. Actuellement, il ne l’est pas. Avec les modifications aux lois qu’apporte le projet de loi 141, les assureurs devront analyser les plaintes qui vont venir des consommateurs. Nous croyons que ça amènera une plus grande discipline, parce que l’assureur, actuellement, il peut s’en laver les mains. »

« L’assureur responsable des manquements »

Pour M. Boivin, rendre l’assureur responsable des actes du représentant commercial l’amènera à surveiller les produits qu’il leur met entre les mains. « On vient ajouter une couche de protection pour le consommateur, dans la mesure où l’assureur, éventuellement, sera responsable des manquements que ces gens-là pourraient commettre et paiera, peut-être, les pénalités associées à un manquement. »

Ainsi, dans cette logique, l’assureur sera responsable des actes que pose le directeur commercial d’un concessionnaire automobile qui vend un produit financier à un client. « L’assureur est comme le mandant. Le concessionnaire automobile étant le mandataire, c’est la règle du mandat. Donc, le mandant est responsable des actes posés par son mandataire. L’assureur devra surveiller la façon dont les produits sont vendus, ce qu’il n’a pas l’obligation de faire aujourd’hui », a dit M. Boivin.

L’Autorité appliquera la même déontologie que les Chambres

Le 22 février, les débats ont touché l’application de la déontologie, advenant la disparition de la Chambre de l’assurance de dommages et de la Chambre de la sécurité financière. Richard Boivin a réitéré que la plainte du consommateur se fera à l’Autorité des marchés financiers au lieu des Chambres. Il a assuré que le traitement sera le même.

« L’Autorité fera exactement le même genre d’analyse et d’enquête que le syndic de l’une des chambres. Éventuellement, le dossier va être porté devant le Tribunal administratif des marchés financiers au lieu d’être porté devant un comité de discipline. Le traitement sera fait à l’intérieur de l’Autorité, plutôt que d’être fait par les chambres. Il sera fait par les mêmes employés qui travaillent actuellement dans les chambres, parce que l’Autorité va regrouper les chambres, en prenant le personnel qui est là actuellement. Comment vont-ils se structurer administrativement ? Je ne pourrais pas vous le dire. Il ne faut pas présumer que la loi va être sanctionnée. Donc l’Autorité agira au moment où la loi sera en vigueur. »

Dix jours de résiliation

M. Boivin a aussi confirmé le principe faisant en sorte que le consommateur qui aura acheté une police d’assurance par Internet aura dix jours pour la résilier. Ce principe ne s’appliquera pas pour les produits vendus par un représentant certifié, a-t-il précisé.

Pourquoi ne pas l’étendre ? « Parce que vous faites affaire avec un représentant certifié qui a un code de déontologie, qui a des responsabilités face à vous. On présume qu’il sera bien servi, a répondu M. Boivin. Pour le consommateur qui prendra ses décisions par lui-même, on lui donne la possibilité, dans les 10 jours qui suivent la souscription du contrat, de changer son idée ou d’aller voir un représentant pour se faire conseiller. »

Vente par Internet : il faut une présence physique au Québec

Le ministre Leitão a abordé un autre point par la suite. Il a assuré que les assureurs qui veulent vendre par Internet devront être établis au Québec pour le faire.

« L’entreprise ou l’assureur qui offre cette possibilité doit avoir une présence physique au Québec. Ça prend quelqu’un qui est ici, une compagnie qui est ici. Que quelqu’un puisse vendre de l’assurance par Internet complètement à distance sans un bureau physique au Québec, ça ne va pas se faire. Quand le consommateur aura besoin d’un conseil, ou d’une information, il peut appeler et parler à un être humain. La personne doit être au Québec. »

Beaucoup de bruit a été fait autour de cette interprétation. Richard Boivin en a profité pour remettre les pendules à l’heure. « Quand les gens craignent que, par les nouvelles dispositions, on semble permettre à n’importe qui non certifié de vendre de l’assurance, c’est une mauvaise compréhension des dispositions de la loi. C’est absolument impossible. Les gens qui feraient ça seraient en infraction et seraient poursuivis par l’Autorité des marchés financiers. »