Après des années de hausse suite aux grands scandales financiers du début des années 2000, les primes d'assurance responsabilité erreurs et omissions (E&O) pour les conseillers financiers se stabilisent. Les conseillers devront néanmoins mieux se prémunir contre les poursuites.Chez AXA Assurances, un joueur surtout présent au Québec, les primes demeurent stables pour les comptes existants, révèle France Lemelin, directrice du département de souscription en responsabilité professionnelle et responsabilité des administrateurs et des dirigeants. « Le marché est concurrentiel, car chacun veut garder ses comptes. Pour les risques individuels, le marché est un peu plus mou malgré la récession. Pour les risques de groupe, les primes sont stables », dit-elle.
Les réclamations ont connu une légère augmentation chez AXA depuis le début de la crise à l'automne 2008. Selon elle, les types de réclamation les plus fréquents sont, dans l'ordre : non respect du profil de l'investisseur, plainte disciplinaire, mauvais conseils et chute de la valeur du portefeuille de placements.
Depuis le début de la crise financière, AXA se dit plus vigilante dans sa sélection des risques. « Nous avons ajouté des questions à notre proposition d'assurance E&O. Il y a des choses marginales qu'on laisse moins passer. Par exemple, si le client fait des placements étrangers, c'est quelque chose que nous regardons de très près », ajoute Mme Lemelin.
La souscription des risques est aussi plus sévère chez Lloyd's, depuis le début de la récession. dit Sean Murphy, vice-président de Lloyd's Canada et fondé de pouvoir au Canada des souscripteurs Lloyd's. Il décrit le marché canadien de l'E&O comme un marché mou, sauf en ce qui touche le marché des institutions financières, qui s'est durci depuis 2008.
Hausse pour les banques
« Lloyd's conserve la même attitude envers les risques E&O, mais a augmenté ses prix pour couvrir les banques depuis le début de la récession », précise M. Murphy. Il observe toutefois que les hausses se sont quelque peu essoufflées dans le secteur des institutions financières durant la première moitié de 2010.
Quant aux réclamations liées à la récession, elles ont moins augmenté que prévu, observe le fondé de pouvoir chez Lloyd's. Seul un revirement à cet égard pourrait entrainer les primes E&O à la hausse. La faible marge bénéficiaire dans ce secteur forcerait alors les assureurs à abaisser leurs couts.
Cabinet de courtage en assurance de dommages actif en E&O au Québec, La Turquoise observe une stabilité dans les prix depuis deux ans. Son président, Pierre Lambert, l'attribue à une expérience meilleure que prévue. La Turquoise administre les réclamations qu'elle reçoit en E&O. Le cabinet s'attendait à les voir hausser de 30 % à 40 % pendant la récession, ce qui ne s'est pas produit.
« La crise a été tellement médiatisée que les investisseurs s'attendaient à une baisse de leur portefeuille. De plus, plusieurs conseillers ont pris les devants en appelant leurs clients pour les sécuriser. Une fermeté accrue des autorités face aux fraudeurs donne aussi des effets bénéfiques », explique M. Lambert.
Résultats, il n'y a eu qu'une hausse de la prime minimum dans les affaires de La Turquoise. « Elle touche surtout les conseillers à la retraite. Leur prime passe de 500 $ à 550 $ par an pour leur protection E&O. Les représentants actifs paient plus cher et cette prime est demeurée stable, autour de 980 $, précise M. Lambert. Cette prime protège toutes les activités en services financiers sauf les valeurs mobilières de plein exercice. Pour ceux-ci, la souscription est très différente car le risque d'erreur est omniprésent dans leur pratique. La police leur coutera annuellement entre 1 500 $ et 2 000 $. »
Une bonne part des affaires E&O reliées aux conseillers indépendants passent par des associations ou des regroupements. Les trois principales associations canadiennes de conseillers indépendants comptent d'ailleurs pour la majorité des membres réunis sous des protections de groupe. Il s'agit du Canadian Institute of Financial Planners (CIFPs), de l'Independent Financial Brokers of Canada (IFB), et d'Advocis.
Le CIFP a vu les primes de son programme, qui n'a reçu aucune réclamation jusqu'à maintenant, diminuer légèrement ces dernières années. Son PDG, Keith Costello, attribue cette bonne expérience au fait que ses membres portent le titre de Certified Financial Planners, l'équivalent du titre pl. fin. Au Québec. Le fait que les CIFP s'engagent à remettre à leurs clients des lettres qui définissent clairement leurs devoirs et obligations y contribue selon lui largement. Souscrite auprès du courtier américain Westport Insurance, le programme de base du CIFP offre à ses membres au double permis une couverture d'un million de dollars (M $) par réclamation, jusqu'à concurrence de 2 M $, pour une prime annuelle de 850 $. Une couverture de 5M $ coute quant à elle 1 210 $ par an. Dans les deux cas, la franchise est de 1 000 $.
Pour sa part, l'Independent Finanical Brokers of Canada (IFB) annonce que son programme E&O, souscrit par Echelon, a abaissé son prix pour les couvertures de 2 M $ et de 5 M $. Il en coute à un conseiller, dont moins de 49 % des affaires sont des fonds communs, 770 $ par an pour une protection d'un million $, 940 $ pour une protection de 2M $ et 1 417 $ pour une protection de 5 M $.
Advocis offre de son côté son programme Advocis Protective Association (APA) tant à ses membres qu'aux non-membres. Le programme est souscrit par l'assureur américain Liberty Mutual Group. Selon le site Web de l'APA, le programme offre aux conseillers avec double permis une protection de 1 M $ de couverture E&O par réclamation jusqu'à concurrence de 2 M $, à un cout annuel de 750 $. Ce cout passe à 845 $ pour une protection de 2 M $ par réclamation et 1 600 $ pour 5 M $.
Certains agents généraux ont aussi retenu la formule des programmes de groupe. Force financière Excel offre une protection E&O parapluie pour tous ses conseillers. Président directeur général d'Excel, James McMahon affirme que le prix de l'assurance a baissé grâce à cette couverture regroupée offerte par AXA Assurances. « L'expérience est extrêmement bonne, dit-il. Notre programme spécial a stabilisé les primes et nous avons même enregistré des baisses dans tous les secteurs grâce à notre programme en place depuis 2004 », précise-t-il.
M. McMahon a confié que la prime moyenne des conseillers oscille autour de 850 $. La prime sera moins élevée pour les conseillers approchant de la retraite ou les nouveaux conseillers en formation, ajoute-t-il, soit autour de 550 $. Ces primes comprennent tant les activités d'assurance que de fonds communs.