Le Regroupement des cabinets des courtages d’assurance du Québec (RCCAQ) craint que la règlementation en assurance fasse du deux poids deux mesures entre les employés des assureurs et les autres professionnels. Par ailleurs, le Regroupement souhaite que cet encadrement soit sous la juridiction unique de l’Autorité des marchés financiers.

Pour déposer son mémoire dans le cadre de la consultation sur le Rapport d’application de la Loi sur la distribution des produits et services financiers (loi 188), les dirigeants du RCCAQ se sont rendus aux bureaux du ministre des Finances à Québec. Le ministre Carlos Leitao et son équipe étaient toutefois en déplacement à New York. Le Regroupement a pu présenter son mémoire au sous-ministre Richard Boivin pendant 20 minutes.

Par la suite, le RCCAQ s’est rendu aux bureaux de l’Autorité des marchés financiers à Québec. Le mémoire a aussi été présenté à quelques courtiers de la région de Québec.

« C’est un document important. On ne voulait pas juste l’envoyer par FedEx. C’est notre pierre d’assise pour la suite des choses, d’autant plus que cette loi n’a pas été revue depuis 18 ans », a dit Vincent Gaudreau, président du conseil d’administration du RCCAQ, en entrevue au Journal de l’assurance.

Comité de rédaction

Pour rédiger son mémoire, le RCCAQ a formé un comité. Outre M. Gaudreau, on y retrouvait Guy Parent, directeur général du RCCAQ, Patrick Bouchard, qui en sera le prochain président, et l’avocat André Bois, qui a d’ailleurs contribué à toutes les principales prises de position du RCCAQ au cours des dernières décennies. Un consultant en communication stratégique a aussi été impliqué dans le processus. Le mémoire en tant que tel fut ensuite rédigé par un stagiaire en droit.

Avant sa rédaction, le RCCAQ a impliqué son conseil d’administration pour connaitre son input. La table des grands cabinets a été consultée, tout comme celle des bannières en assurance de dommages. Le RCCAQ est aussi allé chercher le point de vue des assureurs à courtage. « On voulait voir s’ils étaient en accord ou pas avec certaines positions. Nonobstant cela, nous avons pris nos décisions », assure M. Gaudreau.

Guy Parent, aussi présent lors de l’entrevue, affirme que le mémoire du RCCAQ est dans la continuité des prises de position que le Regroupement a prises au cours des 25 dernières années. Le Rapport fait d’ailleurs de nombreuses références au Rapport Martineau, publié en 2001, publié par le Groupe de travail sur l’encadrement du secteur financier, qui a mené à la création de l’Autorité des marchés financiers. Un des constats de ce groupe de travail, mené par Yvon Martineau, décédé plus tôt cette année, était que plusieurs organisations distinctes encadraient le secteur des services financiers, ce qui amenait une confusion.

Importance du conseil

Quels éléments le RCCAQ veut-il que le ministre retienne de son mémoire? « L’importance pour le consommateur d’avoir accès au conseil, pour mieux le protéger. Le représentant est au cœur de l’équation en assurance. On veut aussi qu’il y ait une équité dans la règlementation. On veut qu’il y ait les mêmes règles pour tous », dit M. Gaudreau.

Il ajoute ne pas s’opposer à ce que le gouvernement fasse des règlements souples. Toutefois, ça ne veut pas dire de laisser l’assureur faire ce qu’il veut. « Aussitôt que le consommateur prend le téléphone, les règles changent. Il est protégé par le fait que le représentant obéit à un code de déontologie et subit des inspections. La dichotomie est différente. Si on enlève cela, il n’y a plus d’équité dans le marché », dit-il.

M. Gaudreau souligne aussi que les prises de position du RCCAQ ont eu une bonne réception des politiciens jusqu’à maintenant. « Le courtage a une importance au Québec, encore plus maintenant, alors que les caisses et les banques ferment leurs succursales en région. Le cabinet de courtage est là. On n’a qu’à prendre pour exemple le cabinet FGL Assurance, qui lors du drame survenu à Lac-Mégantic a joué un rôle prépondérant, en répondant notamment à des gens qu’ils n’assuraient pas », rappelle-t-il.

M. Parent ajoute que le régime actuel est efficace, mais qu’il craint un retour de 20 ans en arrière, où le conseil était mis de côté. « En assurance de dommages, l’industrie n’est pas en péril. Il n’y a pas eu de fraudes majeures. On ne pense pas qu’il faut tout refondre. On ne croit pas que de demander aux assureurs de surveiller leurs employés soit suffisant. Il faut un code de déontologie pour tous. On ne croit pas qu’un code véhiculé par une entreprise qui a des actionnaires derrière soit une bonne chose. On n’a qu’à penser à ce qui se passe chez Volkswagen en ce moment », dit-il.

Non à l’autoréglementation

Le RCCAQ dit ne pas croire au concept d’autoréglementation, tel que vécu actuellement sous l’égide de la Chambre de l’assurance de dommages. Pour le RCCAQ, le principal est d’avoir un code de déontologie, avec des règles claires.

« Ce n’est pas une position que nous avons prise à la légère que de proposer la fin de la Chambre, dit M. Gaudreau. C’est toutefois un sujet qui suscite beaucoup de discussions, et ce, depuis de nombreuses années au sein de notre conseil. Nous avons regardé tous les systèmes d’encadrement et nous ne croyons pas que le statu quo soit possible. Nous nous retrouvons avec deux organismes qui inspectent et qui ont des rôles similaires. »

Double inspection

M. Parent ajoute voir des courtiers se faire inspecter à la fois par la Chambre et l’Autorité. Le RCCAQ précise toutefois que ses commentaires ne visent que la Chambre de l’assurance de dommages. Le Regroupement n’a aucune position quant au maintien ou non de la Chambre de la sécurité financière.

Le RCCAQ ne voit pas non plus d’avantages au projet d’OAR complet proposé par la Chambre de l’assurance de dommages, où l’organisme assurerait l’inspection de tous les cabinets, peu importe leur taille. La Chambre s’occupe actuellement de l’inspection des cabinets de 24 représentants et moins, alors que l’Autorité inspecte les cabinets de 25 représentants et plus.

« On ne voit pas ce que ça pourrait amener. L’industrie n’est pas non plus favorable à une telle chose. Le gouvernement ne va pas dans cette direction non plus. Il ne faut pas oublier que les membres de la Chambre ont refusé l’augmentation de cotisation proposée il y a un an. À l’hiver, il y a aussi eu un front commun contre le projet de formation continue de la Chambre. Ce sont des symptômes », dit Vincent Gaudreau.

Le RCCAQ croit donc qu’il serait plus facile de fondre les activités de la Chambre au sein de l’Autorité. « On croit que l’Autorité sera capable de faire le travail. Elle certifie déjà les représentants en assurance de dommages. Il serait plus simple de tout ramener sous l’égide de l’Autorité. D’ailleurs, la Chambre indique dans son mémoire que les consommateurs passent en majorité par l’Autorité pour porter plainte. Ça amène une confusion. C’est une question de gros bon sens, d’autant plus que nous sommes dans un contexte de rigueur budgétaire », dit M. Gaudreau.

Guy Parent dit aussi remarquer que les deux organismes ne se parlent pas de leurs inspections respectives. « Il y a un dédoublement. On voit des cabinets se faire punir deux fois pour la même chose. Une première fois par la Chambre, puis par le Bureau de décision et de révision, pour les mêmes affaires », dit-il.

M. Gaudreau ajoute qu’il n’y a pas une profession organisée avec un tel dédoublement. « Que ce soit pour le Collège des médecins, le Barreau du Québec ou l’Ordre des ingénieurs, il n’y a qu’un seul organisme de règlementation », dit-il.

Advenant la mise au rancart de la Chambre de l’assurance de dommages, qui s’occuperait de la formation continue? Le RCCAQ propose de confier le tout à des organismes sectoriels comme le sien. Le Regroupement se propose d’ailleurs de veiller aux obligations de formation continue des courtiers.

« Nous sommes collés sur la réalité et sur les besoins des courtiers. Nous pensons que nous sommes l’organisation la plus à même de le faire », dit M. Gaudreau. M. Parent ajoute que c’est d’ailleurs ce modèle qui existe ailleurs au Canada, notamment en Ontario, avec le Registered Insurance Brokers of Ontario (RIBO).

Le RCCAQ ne croit pas non plus au cours en conformité que la Chambre veut imposer dès le début de 2016 à partir des manquements qu’elle constate lors de ses inspections. « Les processus d’affaires entre un cabinet de six représentants et un qui en a 120 ne sont pas les mêmes. Ces différences sont encore plus marquées quand on parle d’un grand assureur direct. On a de la difficulté avec cela », dit M. Parent.