La consultation ontarienne sur l’exigence d’un permis pour les agents généraux gestionnaires a pris fin le jour même où s’amorçait le congrès annuel de la Canadian Association of Independent Life Brokerage Agencies (CAILBA), le 30 avril 2025 à Montréal.
Entamée le 28 janvier 2025 par l’Autorité ontarienne de la réglementation des services financiers (ARSF), cette consultation a porté sur la proposition de règle 2025-001, agents généraux gestionnaires d’assurance vie et d’assurance santé (règle 2025-001). Elle s’est terminée le 30 avril 2025. Par la règle 2025-001, l’ARSF souhaite renforcer l’encadrement des agents généraux gestionnaires, entre autres en exigeant qu’ils obtiennent un permis.
Pour obtenir un permis sous la règle 2025-001, l’agent général doit avoir un responsable de la conformité et un système de vérification de la conformité qui répond aux exigences de la règle. Il doit posséder une assurance responsabilité civile, ainsi qu’un cautionnement ou une assurance responsabilité civile professionnelle.
La règle 2025-001 dispose aussi que l’auteur de la demande de permis doit avoir « une adresse postale en Ontario qui n’est pas une case postale et qui se prête à la signification par courrier recommandé ». Au moment d’écrire ces lignes, l’ARSF n’avait encore publié aucun des commentaires reçus dans le cadre de cette consultation.
Commentaires bientôt analysés
Lors d’un panel sur les prochaines étapes du permis, qui s’est déroulé au congrès annuel de CAILBA le 1er mai, Huston Loke, vice-président principal de la conduite des marchés à l’ARSF, a dit que la consultation a suscité plusieurs commentaires provenant tant d’agents généraux que d’autres organisations. M. Loke a ajouté que le FSRA passera les prochaines semaines à les analyser.
Aussi panéliste à l’événement qui s’est déroulé au congrès annuel de CAILBA à Montréal du 30 avril au 2 mai 2025, le président et chef de la direction de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), Stephen Frank, rappelle que l’organisation dispose de nombreux comités actifs sur une vaste gamme d’enjeux propres à l’industrie, dont un consacré à la distribution. « Le projet de permis d’agent général est notre priorité actuelle, a dit M. Frank. C’est l’un de ces moments intéressants où l’industrie est tout aussi désireuse que le régulateur de mettre cette réglementation à jour. Nous voulons aller de l’avant et tourner la page. »
Manquements à l’origine du projet
Lorsque nous avons regardé de plus près ce qui se passait sur le terrain, nous avons constaté une certaine variabilité dans la conformité – Huston Loke
Le résultat de ses recherches a révélé à l’ARSF qu’une proportion croissante de produits vendus aux particuliers transite désormais par les agents généraux. « Lorsque nous avons regardé de plus près ce qui se passait sur le terrain, nous avons constaté une certaine variabilité dans la conformité, la documentation et les pratiques », a relaté Huston Loke durant le panel de CAILBA.
Le vice-président principal de la conduite des marchés de l’ARSF dénonce certaines pratiques. « Nous avons observé des cas de conseillers qui fabriquent des clients. Ils remplissent les formulaires en inscrivant des noms fictifs. Ils reçoivent ensuite une commission et c’est évidemment un gros problème », expose M. Loke.
Il a un autre exemple en tête, celui de conseillers qui vendent des polices à des clients réels, mais « sur la base d’informations fausses, de projections insensées, d’assurances et de garanties inexistantes ». Il explique que le conseiller touche une commission, mais doit éventuellement en retourner une partie (rétrofacturation ou charge-back, dans le jargon de l’industrie), car le client abandonnera peut-être sa police. « C’est une expérience terrible pour le consommateur », lance M. Loke.
Huston Loke souligne que l’imputabilité (accountability, selon ses mots lors du panel qui s’est déroulé en anglais) ne doit pas se limiter à débusquer les mauvaises pratiques. Elle doit viser à avoir un réseau de distribution qui permet d’offrir au consommateur un meilleur accès et un meilleur choix de produits, à des prix compétitifs. « Certains d’entre eux pourraient magasiner et avoir besoin que quelqu’un les aide à déterminer quel produit leur convient le mieux. Cela implique une responsabilité, car la plupart des consommateurs ne sont pas des experts en assurance », rappelle M. Loke.
Avoir de la clarté
À l’ACCAP, Stephen Frank a dit s’alarmer tout autant que l’ARSF des écarts de conduite rapporté par Huston Loke. Il ajoute que tant les assureurs que les agents généraux doivent collaborer avec les régulateurs pour les éradiquer.
M. Frank insiste en revanche sur un besoin de clarté face à la nouvelle réglementation entourant le permis des agents généraux. Il l’a répété plusieurs fois durant le panel. Particulièrement en ce qui touche l’imputabilité. Première zone qu’il souhaite voir s’éclaircir : reconnaître les agents généraux pour ce qu’ils sont. « Les agents généraux ne sont ni une extension ni une création des assureurs. Ce sont des entreprises avec lesquelles nous concluons des contrats », résume-t-il.
Nous ne sommes pas inquiets de la transition, mais nous sommes inquiets des doublons - Stephen Frank
Le PDG de l’ACCAP veut aussi voir les responsabilités de chacun clarifiées, pour éviter les dédoublements. « Il y a beaucoup de discussions à savoir exactement où les dirigeants tracent la ligne, et sur la nécessité de clarifier les choses, constate-t-il. Nous ne sommes pas inquiets de la transition, mais nous sommes inquiets des doublons. »
Animateur du panel et chef national de la conformité à IDC Worldsource Insurance Network, Eric Wachtel a demandé à Stephen Frank quel rôle les assureurs peuvent jouer pour contribuer à un réseau de distribution plus coordonné et plus transparent, tout en préservant l’esprit d’entreprise du canal indépendant.
Le PDG de l’ACCAP lui répond par ce qu’il qualifie de cible à atteindre : « Adopter un cadre plus clair, avec des responsabilités claires, un sens clair des règles et une surveillance claire contribuera à résoudre certains de ces problèmes (observés par l’ARSF). » Cette cible s’impose selon M. Frank, qui décrit l’environnement réglementaire de la distribution comme « une sorte de soupe de spaghetti ».
Stephen Frank dit aussi espérer que les travaux de l’ARSF en ce sens se propageront à travers le Canada, au bénéfice des conseillers. Pour l’heure, les travaux de l’ARSF pourraient changer le quotidien de 72 000 conseillers en assurance en Ontario. Huston Loke a révélé que ce nombre de conseillers est un record que la province a atteint à la fin du mois de mars 2025.
Pas de permis au Québec
Le Québec n’envisage pas d’exiger un permis d’agent général, selon les propos tenus par Louise Gauthier, directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution à l’Autorité des marchés financiers, lors du Congrès annuel 2025, dans un panel qui a précédé celui auquel ont participé MM. Loke et Frank. Elle explique que le régulateur québécois « ne voit pas la nécessité d’aller là ». « Les agents généraux sont déjà inscrits comme cabinets, au Québec », rappelle Mme Gauthier.
Louise Gauthier souligne que le régulateur québécois voit tout de même la nécessité de préciser et de clarifier le rôle et les obligations de l’agent général. Elle rappelle que l’Autorité travaille depuis un moment à un projet d’encadrement de la gouvernance des cabinets. « Nous avons eu des échanges avec l’industrie au cours de l’année », mentionne la directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution.
Elle mise sur le projet de loi 92, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier pour donner du mordant au régulateur en matière de gouvernance. « Le projet de loi 92 amènera une certaine clarification de nos pouvoirs réglementaires qui nous permettra une consultation réglementaire vraiment complète sur la gouvernance et la gestion des cabinets », explique Louis Gauthier.
Le régulateur se penchera entre autres sur la différence entre représentant autonome et cabinet dans le modèle québécois, ajoute la directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution de l’Autorité.
Le 8 avril 2025, le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi 92. Certains intervenants déplorent ne pas avoir été consulté avant le dépôt de ce projet de loi omnibus, qui modifiera plusieurs lois administrées par l’Autorité des marchés financiers, dont la Loi sur la distribution de produits et services financiers, la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur les assureurs.
Le projet de loi 92 bouleversera aussi le paysage des organismes d’autoréglementation (OAR) du secteur de l’assurance au Québec. Ainsi, le projet de loi fusionnerait la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l’assurance de dommages en un seul OAR, soit la Chambre de l’assurance.
De plus, la Chambre de la sécurité financière se verrait délestée de ses responsabilités à l’égard des représentants en épargne collective, qui seront reprises par l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI). L’Autorité a déjà commencé à déléguer certaines des siennes à l’OCRI. La Commission des finances publiques du Québec tiendra une consultation sur le projet de loi 92, le 20 mai 2025.