Les assureurs et les experts en sinistre doivent redoubler de prudence lors d’un sinistre qui cause un tort à l’environnement. La facture peut s’élever rapidement, prévient Laurent Blais, PDG d’Enviro Urgence.

Un simple réservoir de mazout qui fuit dans une résidence peut causer des dommages frôlant le demi-million de dollars si l’intervention a été mal ciblée, dit M. Blais. Il est récemment intervenu sur un cas où une simple fuite dans un réservoir de mazout résidentiel a fait gonflé une facture d'un sinistre à environ 400 000 $.

Et pourtant, l’expert en sinistre au dossier avait fait toutes les évaluations requises à la suite du sinistre d'origine. Lors de la vente de la maison, le prêteur de l’acheteur a eu un doute et a demandé une expertise. Le sinistre avait été mal colmaté. Et l’huile a continué à s’infiltrer sous le sol de la maison.

Le hic, c’est que le solage de la maison était bâti sur le roc. Et l’huile s’était faufilée jusqu’à 15 pieds dans le sol à travers les immenses roches. Pire encore, l’huile s’était fait un chemin jusque chez le propriétaire de la maison voisine, qui a aussi été obligé de faire excaver sa maison de 15 pieds, sans compter les mois qu’ont duré cette intervention et les 20 camions nécessaires pour retirer les sols contaminés.

M. Blais lance un appel à la vigilance à l’industrie. Il recommande aux experts en sinistre de pousser leurs analyses lorsqu’un sinistre peut causer du tort à l’environnement.

« Le défi est grand »

Enviro Urgence a fêté ses 15 ans il y a quelques semaines. Son PDG Laurent Blais souhaite maintenant faire de l’entreprise qui emploie une vingtaine de personnes un leadeur de la restauration après-sinistre en environnement, tant pour la qualité de ses interventions, de ses procédures d’affaires, de sa vision, que pour sa transparence et son intégrité.

Et le défi est grand, dit M. Blais, car son segment d’activités a été sali par quelques « cabochons » qui ont profité des assureurs au fil des ans, soit en réalisant de mauvais travaux ou en chargeant trop cher pour certains travaux. Le Journal de l’assurance l’a rencontré à ses installations de Boisbriand, en compagnie de sa fille Claudia Blais, appelée à prendre la relève de l’entreprise.

Enviro Urgence intervient ainsi dans les sinistres qui causent un tort à l’environnement, comme des déversements accidentels, ou de la contamination liée à des produits pétroliers notamment, en accompagnant l’expert en sinistre dans la réalisation des travaux. M. Blais souligne par ailleurs être le seul intervenant dans le secteur de l’environnement à avoir informatisé complètement son processus de réclamation pour que l’expert en sinistre et l’assureur puissent suivre à la trace ses interventions sur le terrain, grâce à un système nommé TagMyDoc.

« On évite les pertes de données pour gagner en efficacité. Si on veut devenir les meilleurs, il faut aller au-delà de ce qui est traditionnellement utilisé », dit-il.

Et le cout peut être élevé. Enviro Urgence a acquis un camion de décontamination il y a quelques mois qui lui a couté 600 000 $. L’entreprise en a fait les plans de A à Z et le tout a été construit par une entreprise de Boucherville.

Les protocoles à respecter sont aussi nombreux lors d’une intervention. Un mur de gyproc peut cacher de l’amiante. Advenant une fuite d’eau, il peut y avoir de la vermiculite. C’est pourquoi il conseille aux assureurs d’être le plus pointilleux possible.

Enviro Urgence intervient sur environ 150 réclamations liées à l’environnement en un an, tant en résidentiel qu’en commercial, ce qui inclut des cas d’Hydro-Québec. M. Blais reconnait toutefois qu’il ne peut être spécialiste en tout. Il doit donc s’entourer des bons collaborateurs et des bons experts dans certains domaines spécialisés.

Investir dans la formation

L’entreprise investit beaucoup en formation, souligne aussi Claudia Blais. « C’est l’une de nos priorités et on fait beaucoup de rappels à nos employés. Il ne faut jamais tenir pour acquis que l’on connait tout. Si nos employés se sentent dans une zone de confort, c’est dangereux. C’est pourquoi on les challenge tout le temps. Nous n’avons pas place à l’erreur en environnement, d’autant plus que nous travaillons avec des matières dangereuses. Chaque situation est unique. Les matières et le contexte sont toujours différents. Le tout peut aller à l’infini », dit-elle.

Et il y a une culture d’entreprise à bâtir autour de cela, dit Laurent Blais. « Ce ne sont pas juste nos directeurs qui doivent identifier le tout sur le terrain, les employés aussi. Chaque personne a un rôle à jouer et a une responsabilité dans le traitement du sinistre. Tout part de la tête de l’entreprise. Si ça va mal de mon côté, ça ira jusqu’en bas de la chaine. »

Et comment M. Blais juge-t-il la performance de l’industrie de l’assurance quant à ses interventions liées à des sinistres en environnement ? « Il y a quelques compagnies qui sont à l’avant-garde. Mais il reste du travail à faire. »

M. Blais cible tout particulièrement les experts en sinistre, à qui il demande d’être à l’affut des règles qui ont trait à l’environnement. « Ça ne veut pas dire qu’ils doivent devenir des spécialistes, mais ils doivent connaitre les grandes lignes », précise-t-il.

Il donne en exemple le déversement d’un réservoir de mazout sur une dalle de béton dans une résidence. Le client peut en avoir épongé une partie à la guenille, mais l’expert en sinistre doit en venir à demander des analyses supplémentaires pour s’assurer qu’il n’y aura pas de problème plus grave dans le futur. « Il peut s’exposer à des poursuites s’il ne le fait pas », prévient M. Blais, notant aussi que les institutions prêteuses sont de plus en plus à l’affut de ce type de problèmes lors de la vente d’une maison.

Et la victime en fin de compte est souvent le propriétaire de la résidence, car l’assurance couvrira ses dommages jusqu’à un certain montant. « À la suite d’une fuite de mazout, on voit parfois des gens avec des facteurs allant de 50 000 $ à 100 000 $. Les gens doivent hypothéquer leur maison à nouveau, ou piger dans leur fonds de retraite et leurs économies. C’est là le plus grand désastre », souligne M. Blais, qui dit traiter de 10 à 15 cas de fuite de mazout résidentiel dans une année.