La pyrrhotite est au cœur de la décision phare rendue par les tribunaux en matière de droit de l’assurance de dommages en 2020.
C’est ce qu’ont souligné Me Bernard Larocque et Me Jonathan Lacoste-Jobin, avocats spécialisés en droit des assurances chez Lavery Avocats, lors de la Revue annuelle de la jurisprudence 2020 en droit de l’assurance de dommages, présentée à la fin février.
Dans le dossier SNC-Lavalin c. Deguise, environ 800 propriétaires d’immeubles dont les fondations se sont dégradées en raison de la fissuration du béton ont intenté 892 recours en dommages regroupés en 69 dossiers. Les recours étaient parfois intentés par des autoconstructeurs ou des acheteurs, et les poursuites visaient des vendeurs, des entrepreneurs, des constructeurs, des coffreurs, des bétonnières, ainsi que la société qui exploite la carrière d’où provenait le granula du béton et le géologue qui aurait cautionné l’utilisation du granula contenant la pyrrhotite.
Selon le juge de première instance, la pyrrhotite constitue un vice caché et un vice de construction ayant causé la perte de l’ouvrage. Les assureurs demandent quant à eux la nullité des polices d’assurance. Ils invoquent le fait que les assurés auraient manqué à leur obligation de déclarer toutes les circonstances connues, ce qui pouvait influencer la prime, entre autres.
Quant aux couvertures des bétonnières concernées, des avenants comprenant une exclusion de la pyrite avaient été ajoutés aux protections initiales. À AIG, cet avenant avait été ajouté de façon rétroactive, au 1er février 2008, à la couverture de Gestion Bellemare (actionnaire de la bétonnière BL). À titre d’assureur en première ligne et complémentaire, Northbridge avait ajouté cette exclusion au moyen d’un avenant à la police de la même bétonnière, pour la période du 1er décembre 2008 au 1er décembre 2009. L’assureur avait aussi ajouté cet avenant à la police de la bétonnière CYB pour la période du 31 mars 2009 au 31 mars 2010.
La Cour d’appel a conclu que les clauses, similaires à celles contenues dans les polices d’assurance, contenaient une ambigüité vu leur interprétation opposée par les parties appelantes et intimées. Faute de preuve quant à l’intention des parties au moment de l’ajout de l’avenant, la Cour a interprété l’ambigüité en faveur des assurés. La Cour d’appel a conclu que les compagnies d’assurance n’ont pas démontré que la clause d’exclusion concernait à la fois les dommages à la pyrite et les dommages à la pyrrhotite.
La Cour a également retenu de la preuve entendue que la seule cause des dommages était l’oxydation de la pyrrhotite, un minerai qui est différent de celui de la pyrite, a-t-elle rappelé, et ce, bien que les deux substances soient présentes dans le granulat. Faute de preuve, le tribunal ne peut pas conclure que les dommages découlent en tout ou en partie de la pyrite, explique Me Jobin-Lacoste.
Quant à la nullité ab initio, ce dossier a soulevé plusieurs débats sur la connaissance des assureurs de certains évènements, soit les connaissances présumées et effectives, l’obligation des assureurs de s’informer adéquatement et de poser les bonnes questions en fonction des entreprises qu’ils assurent et des secteurs d’activité de ces entreprises, et l’obligation des assurés de transmettre les informations pertinentes.
« Parallèlement aux questions relatives à la responsabilité et aux dommages, les parties ont soulevé différents moyens d’appel dont la plupart se rapportent à l’interprétation des contrats d’assurance en cause. Leurs moyens d’appel couvrent un large spectre allant d’arguments prônant l’absence complète de couverture en passant par l’évocation de certaines limitations, alors que, pour certaines parties, il y aurait lieu d’étendre la couverture d’assurance », dit la Cour d’appel, en introduction du jugement. « Cette citation démontre à quel point l’argumentaire et les sujets traités sont assez larges », ajoute Me Jonathan Lacoste-Jobin.
Autres jugements marquants
En 2020, la Cour suprême a rejeté l’appel de la Compagnie d’assurance générale Co-operators et s’est portée en faveur de Sollio Groupe Coopératif (anciennement connue sous le nom de La Coop fédérée) et de Banque Nationale du Canada, dans le dossier Compagnie d’assurances générales Co-operators c. Coop fédérée. « On parle ici d’une fraude par ingénierie sociale, mais il s’agit d’une tout autre nature que pour celle de Future Electronics Inc. c. Chubb Insurance Company of Canada. Ce n’était pas le même type de couverture ni le même type de questions soulevées », dit Me Jobin-Lacasse.
L’affaire Développement Les terrasses de l’Île inc. c. Intact Compagnie d’assurance, incluse dans le thème « obligation de défendre », ne s’est pas rendue devant la Cour suprême du Canada. Cette dernière a rejeté la cause avec dépens.