Les assureurs de personnes bénéficieront d’une période de trois ans pour modifier les clauses de leurs contrats qui exigent actuellement d’un assuré ou un adhérent à un régime de recevoir un service médical visant à obtenir le remboursement reçu d’un intervenant de la santé ou d’une aide technique. 

Québec a adopté cet amendement au projet de loi 68 avant son adoption à l’Assemblée nationale le 8 octobre afin de leur permettre de s’ajuster aux transformations que va entraîner cette nouvelle législation visant à réduire la paperasse et les rendez-vous médicaux non nécessaires. 

En vertu de la nouvelle Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins, les assureurs devront revoir leurs anciennes pratiques. Ils ne pourront plus exiger de billets médicaux, de visites et de suivis médicaux qui n’ont pas de valeur ajoutée afin de permettre aux médecins de consacrer plus de temps clinique à leurs patients.

Les compagnies d’assurance qui chercheront à se soustraire ou à contourner la Loi s’exposeront à des sanctions administratives ou pénales.

La loi en quatre points 

Le responsable du projet de loi 68, le ministre du Travail, Jean Boulet, l’a résumé en quatre points majeurs :

1) Il sera interdit à un assureur d’exiger un service médical pour le remboursement d’un service professionnel. Exemple, physiothérapeutes, psychologues. Le papier de médecin ne pourra plus être requis pour consulter ces professionnels de la santé. 

2) L’assureur ne pourra pas non plus réclamer un billet ou une visite médicale afin de rembourser une aide technique, telle que des cannes, des bas de contention et des lunettes 

3) Un employeur ne pourra plus exiger un document justificatif, incluant un certificat médical, pour qu’un employé motive une absence de courte durée de trois jours et moins. 

4) Un assureur ne pourra plus imposer une fréquence ou une pertinence de visite médicale lors d’une absence d’invalidité. Ce sont les médecins seuls qui détermineront le rythme de ces suivis. 

Pour éviter que l’assureur s’immisce dans la fréquence et la pertinence des rendez-vous médicaux de façon détournée, un autre amendement a été apporté par le ministre.

« Aux fins de maintenir le versement d’une prestation d’invalidité, un assureur ou un administrateur de régime d’avantages sociaux ne peut, même indirectement, exiger d’un assuré, d’un adhérent ou d’un bénéficiaire qu’il reçoive un service médical à une fréquence prédéterminée différente de celle jugée appropriée par le médecin traitant. » 

Trois ans pour refaire les contrats 

L’article 29.2 de la Loi dit : « Lorsqu’un contrat d’assurance, une attestation d’assurance ou un régime d’avantages sociaux contient une clause permettant à l’assureur ou à l’administrateur de régime d’avantages sociaux d’exiger d’un assuré, d’un adhérent ou d’un bénéficiaire qu’il reçoive un service médical, cet assureur ou cet administrateur est réputé avoir exigé un tel service. » 

Sur la base de cet article, les contrats actuels seraient illégaux et exposeraient ses utilisateurs aux sanctions. Toutefois, le gouvernement a décidé d’accorder un délai de trois ans aux assureurs afin de modifier les clauses de leurs contrats pour les rendre conformes à la Loi. 

L’importante question de l’invalidité 

En commission parlementaire, l’Association canadienne des assureurs de personnes (ACCAP) avait exprimé ses craintes à propos des dispositions qui interdiront aux assureurs de déterminer la fréquence des suivis médicaux pour ses assurés en invalidité.

Toutefois, en commission parlementaire, le ministre Boulet avait voulu se montrer rassurant : les assureurs pourront continuer d’exiger des rendez-vous ponctuels entre les suivis médicaux qui sont fixés par le médecin à certains moments clés, par exemple lorsqu’il y a changement de définition en assurance longue durée ou lorsqu’un retour au travail est envisagé. 

L’ACCAP dit tout de même avoir certaines inquiétudes à ce chapitre et se demande si ces nuances seront bien comprises par le médecin. « Nous devons éviter toute conséquence indésirable sur la personne assurée », dit-elle dans un commentaire transmis au Portail de l’assurance

Formulaire uniformisé 

Le gouvernement a aussi introduit dans la Loi un amendement qui permet au ministre d’exiger l’utilisation d’un formulaire uniformisé par le médecin. Il s’inspire de l’initiative de la Nouvelle-Écosse qui a standardisé les formulaires d’invalidité courte et longue durée en collaboration avec les assureurs. 

« Nous estimons que l’élaboration de tout formulaire standard doit tenir compte de l’objectif de réduction de la charge administrative des médecins, tout en assurant que les assureurs puissent continuer d’obtenir les informations dont ils ont besoin pour gérer un dossier d’invalidité, a commenté l’ACCAP. Ainsi, l’élaboration de ce formulaire standard devra se faire en collaboration entre les assureurs et les médecins ». 

Les assureurs, pas les principaux demandeurs de formulaires 

Avant son adoption, deux députées libérales, Madwa-Nika Cadet (Bourassa-Sauvé) et Linda Caron (La Pinière) ont soulevé le fait que le projet de loi 68 visait beaucoup les assureurs privés, mais que les compagnies d’assurance n’étaient pas les principaux demandeurs de formulaires de médecins. Des organismes d’État en exigeraient bien davantage. 

Selon Madwa-Nika Cadet, ce n’est pas au niveau des assureurs privés qu’il y a un énorme bassin de demandes de rendez-vous à valeur non ajoutée. Le gros volume, selon elle, provient davantage de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Sa collègue Linda Caron a renchéri. « On ne s’y attaque pas de manière aussi musclée qu’on le fait pour les assureurs et les administrateurs de régimes d’avantages sociaux privés (…) C’est comme si le gouvernement disait : faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». 

Elle a même souhaité que le secteur public utilise le formulaire uniformisé utilisé par les compagnies d’assurance. « Au lieu de réinventer la roue, a-t-elle dit, qu’on s’inspire du formulaire des assureurs privés. »