L’Autorité des marchés financiers se range du côté du ministre des Finances, Carlos J. Leitão, qui refuse d’interdire la revente de contrats d’assurance vie. Le régulateur estime aussi que le courtier qui a conseillé le client lors de son achat devrait aussi le conseiller à nouveau lors de son rachat.

Le projet de loi 150 propose, au moyen d’une modification au Code civil du Québec, d’introduire une clause dans un contrat d’assurance vie limitant le droit du titulaire du contrat de céder sa police lors des deux premières années si cette cession est effectuée en faveur d’un cessionnaire qui n’a pas d’intérêt dans la vie de l’assuré, un tiers investisseur, telle qu’une compagnie par exemple.

Après cette période de deux ans, la cession serait possible, mais l’assureur disposerait d’un délai de 30 jours suivant le rachat s’il souhaite résilier la police en remboursant au cessionnaire ce qu’il a payé pour l’acquérir.

Abus aux États-Unis

La semaine dernière, en commission parlementaire, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) avait lancé un signal d’alarme au sujet de ce marché du rachat qui a donné lieu à de nombreux abus aux États-Unis.

Un très grand nombre d’États américains ont d’ailleurs dû encadrer cette pratique appelée STOLI. L’ACCAP convenait que ce marché est encore faible au Québec, mais disait craindre d’éventuelles dérives dans le futur s’il devait prendre de l’ampleur.

Réduire les possibilités de céder diminuera la valeur

Comme l’ont fait il y a une semaine le ministre Leitão et la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ), l’Autorité estime qu’une police d’assurance sur la vie peut valablement être utilisée comme un outil d’épargne ou d’investissement. Pour cette raison, elle considère que le fait de réduire les possibilités de la céder pourrait entrainer la diminution de la valeur de cet actif personnel.

Elle souhaite donc que le consommateur puisse disposer de ce produit financier tel qu’il le souhaite. Le régulateur croit que le conseiller aurait un rôle à jouer pour celui ou celle qui voudra s’en départir.

Philippe Lebel

 « Pour nous, ce serait important de dire aux consommateurs lors de campagnes de sensibilisation de bien s’entourer des conseillers appropriés. À la question à savoir si le conseiller en assurance est un conseiller approprié, la réponse est oui, bien évidemment, a estimé Philippe Lebel, directeur général des affaires juridiques, lors d’un échange avec les parlementaires. Le conseiller en assurance peut autant conseiller son client lors de l’achat que lors du rachat ».

Campagnes d’information

L’Autorité se dit toutefois pleinement en accord avec l’intention du gouvernement de réduire, sinon d’éliminer l’engouement des cessions de polices d’assurance vie à des fins purement spéculatives effectuées au détriment du consommateur, surtout s’il est vulnérable.

En plus des interdictions législatives, l’Autorité a précisé qu’elle avait l’intention de mener des campagnes d’information et de sensibilisation afin que les gens soient bien informés de leurs droits en matière de cession de polices d’assurance vie et du fonctionnement des nouvelles dispositions prévues au projet de loi. Elle incite déjà les gens intéressés par ce type de transactions à bien s’informer et au besoin, à consulter un représentant certifié, qui est tenu par son code de déontologie de conseiller le client au meilleur de ses intérêts.

L’Autorité prévoit aussi compléter le futur cadre législatif par la diffusion de bonnes pratiques destinées aux assureurs et aux représentants impliqués dans ces transactions.

Peu de plaintes

Pour l’instant, l’Autorité dit ne pas avoir un flot de plaintes provenant de ce marché. Si jamais certains y voient une manne à exploiter, elle a indiqué aux élus qu’elle pourrait être la première à recommander au gouvernement de parfaire l’encadrement de ce marché.