Après avoir reconnu sa culpabilité aux deux chefs de la plainte, le conseiller en sécurité financière Jawad El Bouzidi (certificat no 226 558) a été condamné à une peine de deux ans de radiation temporaire par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance.
Le 8 octobre dernier, le comité de discipline de la Chambre a ainsi publié sa première décision depuis la fusion des deux organismes d’autoréglementation (OAR) en assurance. Ce regroupement est devenu effectif le 1er juillet dernier. Dans l’affaire ci-dessous, la plainte a été portée par la syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière (CSF).
L’audience a eu lieu le 18 février dernier. Le comité retient que les deux manquements relèvent de la même infraction, en contravention avec l’article 35 du Code de déontologie de la CSF. Le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures à l’égard des autres dispositions alléguées au soutien de la plainte.
Les gestes à l’origine de la plainte ont eu lieu entre mai 2019 et janvier 2023. L’intimé a exercé ses activités de façon malhonnête en soumettant au moins 16 propositions d’assurance vie ou d’assurance maladies graves à la compagnie Industrielle Alliance (iA Groupe financier), et celles-ci contenaient de faux renseignements (chef 1).
Ces propositions étaient faites en son nom propre. L’intimé était le contractant et le payeur et ces propositions visaient à assurer des membres de sa famille immédiate.
Le représentant savait qu’il n’avait pas les moyens financiers ou encore la volonté de conserver ces protections d’assurance. Pour cette infraction, l’intimée se voit imposer une peine de radiation temporaire de deux mois.
Grâce à ce stratagème, l’intimé a reçu des avances de commission pour ces propositions. Les avances ont par la suite été remboursées à même les commissions légitimes générées par des ventes réelles faites par l’intimé.
Puis, entre les mois d’août et de décembre en 2022, l’intimé a soumis au même assureur sept propositions au nom d’un client fictif (chef 2). Pour ce geste, le comité lui impose deux années de radiation temporaire.
Les deux sanctions seront purgées de façon concurrente. La radiation sera en vigueur au 31e jour suivant la décision.
L’intimé, qui se représentait sans l’aide d’un procureur, devra aussi payer les déboursés de même que les frais de publication de l’avis dans un journal circulant dans les lieux où il exerçait ses activités professionnelles.
L’assureur a mis fin à son contrat le 5 juin 2023. L’intimé a par la suite exercé ses activités au sein d’un autre cabinet de services financiers, selon les vérifications faites par le Portail de l’assurance. Il est inactif et sans mode d’exercice depuis le 19 décembre 2024, selon le Bulletin publié par l’Autorité des marchés financiers (AMF).
La peine retenue
Le comité a retenu les suggestions de la plaignante sur la peine à imposer à M. El Bouzidi. Ce dernier suggérait plutôt une peine de trois mois de radiation pour chacun des chefs.
Dans une décision rendue en juin 2019 où l’intimé avait soumis deux propositions pour un client fictif, le comité avait imposé 12 mois de radiation temporaire.
La répétition des gestes reprochés sur une période de près de quatre ans illustre le niveau de gravité des infractions, estime le comité. « Cette conduite est susceptible de déconsidérer la confiance du public envers les représentants », indique-t-il au paragraphe 14.
Dans le cas des 16 contrats mentionnés au chef 1, ils ont été résiliés dans un court délai de deux à quatre mois après leur émission. Tous les contrats ont été résiliés pour non-paiement du dépôt ou de l’une des deux premières primes.
À 10 reprises, les provisions insuffisantes ont provoqué un échec du prélèvement bancaire, ce qui a entraîné l’annulation de la police. Quatre autres contrats ont pris fin quand l’intimé a demandé d’interrompre les paiements préautorisés. Les deux derniers contrats ont pris à l’arrêt des paiements.
L’intimé a utilisé des comptes détenus dans trois institutions bancaires distinctes pour faire les demandes de prélèvement. Aucun contrat n’a été déclaré à titre de contrat d’agent.
Pour les sept propositions soumises au nom d’un client fictif ou inexistant, les renseignements fournis étaient similaires. L’intimé utilisait son ancienne adresse résidentielle ou une adresse proche de la sienne. Le client fictif occupait le même emploi que celui occupé précédemment par l’intimé.
Les communications de l’assureur lui ont été retournées en raison des adresses erronées. Là encore, les contrats ont pris fin en raison du non-paiement des primes, car l’assureur recevait un avis d’échec de prélèvement bancaire en raison des provisions insuffisantes.
Manque de probité
Pour justifier la peine imposée à l’intimée, le comité rappelle que « le fait de confectionner et d’utiliser un faux document pour en retirer un avantage personnel », comme c’était le cas dans cette condamnation imposée en octobre 2022, porte sérieusement atteinte à l’intégrité et à la probité du professionnel.
Même si la faute a été admise, celle-ci « démontre une volonté d’user pour son avantage personnel de duperie, de mensonge et une absence de probité », ajoute le comité. Même si les gestes n’ont pas été commis envers des clients et que l’assureur concerné n’a subi aucun préjudice, ces comportements démontrent un manque d’intégrité, alors que l’honnêteté est la « qualité essentielle que doit posséder tout représentant ».
De plus, dans une communication écrite avec le comité de discipline faite en février 2025 où il indiquait son intention de reconnaître sa culpabilité, l’intimé a utilisé dans sa signature électronique son titre de conseiller financier, alors qu’il était inactif et sans mode d’exercice.
« Ainsi, ce dernier a induit en erreur le comité quant à son inscription, à cette date, à titre de représentant. » L’intimé n’y voit qu’un simple oubli et diminue l’importance de ce fait, déplore le comité.
De plus, il a tenté de minimiser la gravité des infractions commises en soutenant que le système d’avances de commission inciterait à un tel comportement. « Il est tout simplement malhonnête que d’en tirer avantage sans droit », insiste le comité. Au paragraphe 28, il est précisé que les avances d’honoraires associées aux deux chefs d’accusation ont totalisé environ 80 000 $.
Depuis le 5 mars 2025, le certificat de l’intimé dans la discipline de l’assurance de personnes est suspendu, car il a omis de payer sa cotisation annuelle à la CSF. Son nom apparaît dans une longue liste de représentants ayant subi le même sort dans l’édition du 13 mars 2025 du Bulletin de l’Autorité.
Dans son témoignage, l’intimé affirme qu’il a l’intention de revenir dans l’industrie comme représentant. Comme son certificat est suspendu, le comité détermine qu’il n’est pas efficace ou utile de reporter l’exécution de la peine au moment où l’intimé demandera la remise en vigueur de son permis.