D’ici dix ans, le cout du test pour obtenir le séquençage personnalisé de son bagage génétique passera de 1 000 $ à 100 $. Cibler la bonne dose du médicament sera plus facile, ce qui limitera le cout de réclamations.

Daniel Bouthillier, directeur général du Regroupement en soins de santé personnalisés au Québec (RSSPQ), était l’un des conférenciers au récent Congrès de l’assurance et de l’investissement. Il y a parlé de génomique, bien qu’il préfère utiliser le vocable « soins de santé personnalisés » parce que cela dépasse le cadre spécialisé de la génomique. L’amélioration de la connaissance du génome humain doit aussi être accompagnée par des progrès technologiques dans les équipements médicaux et les tests diagnostics, dit-il.

L’approche personnalisée fournit aussi des outils qui permettent au patient de prendre en main sa situation de santé. « On essaie d’être plus prédictif, d’optimiser les chances de guérison et d’améliorer le traitement. » Le jumelage des technologies médicales et de la capacité de traitement de l’information avec la biologie moléculaire et le séquençage contribuent à un environnement nouveau, précise-t-il.

Le cout du séquençage personnalisé du génome est d’environ 1 000 $, et si l’on ajoute l’interprétation, on parle de 4 000 $. « En mai 2013, le groupe McKinsey concluait que d’ici 2025, ça tomberait à 100 $. Ça deviendra une analyse courante qui sera à la portée de tout le monde », lance M. Bouthillier.

À l’avant-garde

Le Québec ne traine pas de la patte en ce domaine, se réjouit le directeur général du RSSPQ. Un appel d’offres a été lancé à l’automne 2015 pour doter le Québec d’un laboratoire de génomique centralisé, ce qui sera une première au Canada.

Daniel Bouthillier traite ensuite d’un des aspects des soins de santé personnalisés, soit la pharmacogénomique, qui consiste à « trouver le bon médicament pour la bonne personne au bon moment, en faisant une série d’analyses génétiques ». On veut ainsi maximiser son efficacité et réduire au minimum les effets secondaires.

L’effet « Angelina Jolie » a créé un sérieux engouement pour la connaissance du bagage génétique. En 2013, l’actrice de renommée mondiale a annoncé qu’elle avait choisi de subir une mammectomie bilatérale complète, car elle était porteuse du gène BRCA1, qui prédispose au cancer du sein et des ovaires. Seulement 5 % à 6 % de tous les cancers sont associés aux gènes BRCA1 et BRCA2. Par contre, si vous portez cette mutation génétique de l’un de ces deux gènes, vous avez de 65 à 85 % plus de risque de développer un cancer avant l’âge de 70 ans, explique M. Bouthillier.

En 2015, Mme Jolie a aussi subi l’ablation des ovaires et des trompes. Dans son cas, les antécédents familiaux nombreux ont contribué à sa décision et à la démarche thérapeutique. À la suite de la première sortie publique de la vedette, la demande d’analyses génétiques a bondi pour ce gène BRCA1, des hausses de 40 % à 90 % tant aux États-Unis qu’au Canada et en Grande-Bretagne, note-t-il. Et cette hausse des tests n’était pas factice, elle était directement associée aux antécédents familiaux des demandeurs.

Le mauvais médicament

De nouveaux traitements sont offerts pour certaines maladies, mais ce ne sont pas tous les patients qui réagissent bien, et la connaissance génétique permet de mieux les identifier, explique M. Bouthillier. On le constate pour deux médicaments qui sont utilisés pour traiter le cancer colorectal. Lorsque la personne est porteuse d’une mutation du gène KRAS, l’utilisation de l’Erbitux (cétuximab) ou du Vectibix (panitumumab) ne donne pas de bons résultats. Avant de les prescrire, le médecin devrait en principe demander le dépistage de cette mutation génétique, et si on la détecte, orienter différemment son traitement, explique-t-il.

Le Xeloda (capécitabine ou 5-FU) est largement utilisé dans le traitement du cancer par la chimiothérapie. Quelque 15 % des gens subissent des effets secondaires majeurs. En conséquence, on lance le traitement à un dosage minimal, pour observer ces effets. Malgré cela, le traitement cause de 20 à 30 décès par année au Canada. Les chercheurs ont trouvé le marqueur génétique qui permet de détecter ces patients qui réagiront mal au traitement, note Daniel Bouthillier.

Chercheurs qualifiés

À l’Institut de cardiologie de Montréal, le Dr Jean-Claude Tardif a mis au point un nouveau biomarqueur qui permet de mieux cibler les personnes qui répondent bien au traitement utilisant le dalcetrapib, un nouveau médicament qui pourrait être lancé et qui vise à faire augmenter le bon cholestérol, le HDL, et prévenir ainsi les complications cardiaques. Tous ceux qui ont tenté de développer un médicament qui permet d’augmenter le bon cholestérol se sont cassé les dents, note M. Bouthillier. Amener la recherche d’un traitement à la phase III qui précède la mise en marché coute plusieurs centaines de millions en essais cliniques.

Au CHU de Québec, l’équipe du Dr Michel Bergeron a développé des puces d’ADN universelles. Avec un petit appareil, le médecin peut détecter dans son cabinet la présence de certaines maladies infectieuses. Au lieu d’attendre trois jours pour avoir les résultats, la technologie détecte des infections en 15 minutes. « Cela peut aussi avoir un intérêt évident pour la médecine d’urgence dans les pays en voie de développement », estime le conférencier.

Toujours au Québec, une société montréalaise installée dans les locaux de l’UQAM, nommée Caprion, a développé des biomarqueurs protéiques pour la détection précoce du cancer du poumon, de l’œsophage, du pancréas et du côlon. Une règle interdit au ministère de la Santé de recourir au secteur privé du Québec pour mener des tests génétiques. Caprion peut les réaliser, mais elle doit passer par l’entremise de sa filiale aux États-Unis. « On travaille avec le Ministère pour qu’une règle aussi absurde, à mon sens, soit changée. Si c’est offert dans les hôpitaux, on pourra le faire au bénéfice des patients du Québec », dit-il.

Analyses génétiques

Daniel Bouthillier a enfin donné l’exemple de la compagnie montréalaise BiogeniQ qui offre une panoplie d’analyses génétiques. Les gènes peuvent influencer la manière dont sont métabolisés dans l’organisme les médicaments, mais aussi les aliments. « Dans certains cas, les enfants auront le droit de vous dire que le brocoli n’est pas bon pour eux et ils auront une preuve de cela. »

Le Québec est un terreau fertile pour la recherche génomique, souligne-t-il. « Au cours des cinq dernières années, on a investi plus de 400 M$ au Québec, tant financés par le gouvernement provincial que fédéral, et aussi par le secteur privé, parce que la qualité de la recherche qui se fait dans le médicament au Québec est supérieure à ce qui se fait ailleurs dans le monde. »

Grâce à la pharmacogénomique, « on sera capable d’obtenir un taux d’efficacité dans le traitement qui sera plus élevé, avec moins d’effets secondaires », ce qui réduira la facture des soins pour tout le monde, tant les assureurs que les compagnies pharmaceutiques et l’État, ajoute Daniel Bouthillier. La recherche fournit aussi des outils préventifs, poursuit-il. Une entreprise américaine a trouvé la mutation génétique qui permet à de grands fumeurs de vivre jusqu’à 90 ans et plus, sans être susceptibles au cancer du poumon. Une telle analyse pourrait intéresser les assureurs, dit-il.

On a aussi récemment développé un test génétique qui permet de détecter à un stade très précoce les gens qui sont susceptibles de développer un cancer du côlon. Le test est disponible au Canada, mais seulement en Ontario, mais il le sera au Québec sous peu.

Daniel Bouthillier souligne les enjeux éthiques associés à la connaissance du bagage génétique. « Il faut sensibiliser les professionnels de la santé quant à leurs nouvelles obligations. Si l’information devient disponible, ils doivent en faire part à leurs patients. Il faut aussi établir un dialogue constructif avec les assureurs de personnes », dit-il.

Il souligne aussi que les assurés craignent de ne plus être couverts pour des maladies chroniques. M. Bouthillier rappelle qu’en souscrivant une police d’assurance, le demandeur dévoile déjà passablement d’information génétique lorsqu’on remonte aux antécédents familiaux. « Il y a quand même un code de conduite qui a été adopté par l’industrie qui dit qu’en aucune manière, l’assureur ne peut demander d’analyse génétique, en initier une ou encore se procurer cette information », dit-il.

Les tests diagnostics sont encore rarement offerts. Dans certains cas, il ne sera pas toujours opportun de dévoiler à un jeune trentenaire la présence d’un gène porteur d’une maladie grave, mais qui ne se déclare qu’à un âge avancé. Selon Daniel Bouthillier, la même prudence devrait s’appliquer pour la détection précoce de maladies sévères, mais pour lesquelles il n’existe toujours aucun traitement, comme la maladie d’Huntingdon ou le syndrome de Parkinson.

Au RSSPQ, « on espère que le déploiement des solutions en soins de santé personnalisés permettra d’améliorer la santé des Québécois et l’efficacité du système de santé. Avec l’excellence en recherche qu’on a ici, on pourra créer plus de richesses dans l’économie du Québec la création de richesses dans l’économie dans ce tout nouveau domaine », conclut-il.